Entre Orient et Occident musulmans. Retour sur la sainteté féminine (IIIe/IXe s.-fin du IXe/XVe siècle). Modèles, formes de l’ascèse et réception

Nelly Amri

Université de la Manouba

 

Introduction

Bien que l’accès des femmes aux plus hauts degrés de la vie spirituelle soit « une possibilité scripturairement fondée »[1], les sâlihât (saintes) aussi bien au Machreq qu’au Maghreb, n’ont pas bénéficié, loin s’en faut, du même intérêt que les sulahâ’ (les saints hommes) ; aussi, est-ce à une information éparpillée, souvent partielle et d’interprétation délicate que l’on a généralement affaire. Cependant, au plan qualitatif, cette fois, force est de constater qu’elles sont, ici et là, l’objet d’une égale révérence et de la reconnaissance des lettrés et des savants, auteurs de dictionnaires biographiques et d’hagiographies de femmes saintes qui nous sont parvenus, et ce, au-delà des tensions inhérentes à leur statut de femme ou suscitées par des formes parfois déroutantes de sainteté. D’autre part, ces informations, pour parcimonieuses qu’elles soient et bien en deçà de ce que nous souhaiterions, nous « disent », néanmoins, la sainteté féminine, en tout cas assez pour tenter d’en cerner les contours, ainsi que sa place et sa réception dans les sociétés de l’époque ; d’autant plus que certaines informations concernent des niveaux et des lieux « charnière », c’est-à-dire qui comptent dans l’évaluation de cette sainteté. C’est ce que nous tentons de démontrer ici dans cette revisite de la sainteté féminine en islam entre Orient et Occident musulmans[2], à travers l’examen des modèles de sainteté mis en œuvre par l’hagiographie, des formes de l’expérience religieuse de ces femmes en qui on a reconnu des saintes, et enfin des modalités de réception et de présence de ces sâlihât à la vie de leurs communautés ; nous espérons, par cette mise en perspective, pour la première fois, des deux expériences (maghrébine et orientale), avec, certes, une plus grande focalisation sur le Maghreb, contribuer à cette histoire de la sainteté féminine en islam que nous appelions tantôt de nos vœux, une histoire qui mettrait en évidence à la fois les modèles et idéaux partagés de sainteté, et l’empreinte plus spécifique des milieux dans lesquels cette sainteté des femmes a pris corps.

I- Les femmes saintes :

ces présentes-absentes de la documentation

     1-De l’inanité de la seule approche quantitative

Dans une documentation majoritairement préoccupée de saints hommes et de voies masculines de perfectionnement et de réalisation spirituelle, apparaissent, au gré des notices bio-hagiographiques, des figures féminines de sainteté. Une sainteté « sous-informée », comme le montrent rapidement quelques exemples : dans un dictionnaire biographique comme le Riyâd al-nufûs de l’Ifriqiyen al-Mâlikî rédigé v. 464/1072[3], dont les notices sont exclusivement consacrées aux saints hommes, on relève de rares évocations de femmes saintes ou pieuses. Elles sont mentionnées dans la notice d’un époux, d’un frère, d’un beau-père ou d’un cheikh au service duquel elles se mettent. Ceci est encore valable pour l’époque ultérieure ; il est, en effet, significatif de signaler que couvrant huit siècles de sainteté de la ville de Kairouan et du littoral ifrîqiyen, le Ma‘âlim al-îmân d’Ibn Nâjî[4] rédigé v. 808/1405 et compilant le corpus biographique ifrîqiyen antérieur, notamment le Ma‘âlim de ‘Abd al-Rahmân al-Dabbâgh (m. 699/1300), ne mentionne que 7 sâlihât dont aucune dans une notice séparée ; il en est ainsi d’Umm Salâma Zaynab (m. 670/1272) : les quelques éléments dont nous disposons sur cette sainte sont éparpillés dans la notice de son fils, Sâlim al-Qadîdî[5]. Pour Umm Yahyâ Maryam et Umm Muhammad al-Urbusiyya[6], deux saintes du VIIe/XIIIe siècle, il faut rechercher leurs traces dans l’hagiographie du saint kairouanais al-Dahmânî (m. 621/1224) dont elles furent les compagnes spirituelles, Al-Asrâr al-jaliyya fî l-manâqib al-Dahmâniyya, rédigée vers 647/1249-50 par al-Dabbâgh[7], ou encore (notamment pour Umm Yahyâ) dans sa notice dans le Ma‘âlim[8]. Dans la littérature des Manâqib[9], Seule ‘Â’isha al-Mannûbiyya (m. 665/1267) est créditée d’une hagiographie, due à un anonyme dont uniquement la qualité nous est donnée : imâm de la mosquée de la Manouba, faqîh et soufi[10]. Les traces de cette sainteté féminine sont aussi à rechercher dans de furtives allusions au gré des listes des monuments funéraires,  signalant la présence d’une femme sainte ; ainsi dans la liste des Mashâ’ikh al-Sharaf[11], à Tunis, rédigée vraisemblablement au VIIIe/XIVe siècle, sur 88 sépultures identifiées dans cette nécropole tunisoise, on a pu dénombrer, aux côtés de ‘Â’isha al-Mannûbiyya, sept femmes. Ceci pour l’Ifrîqiya. Pour les saintes du Maghrib al-awsat (l’Algérie actuelle) et du Maroc, le Kitâb al-Tashawwuf du marocain Ibn al-Zayyât[12] rédigé en 614/1217, « véritable panorama d’un siècle de la sainteté maghrébine » (H. Ferhat) (Ve/XIe-VIe/XIIe siècles) traitant aussi bien des saints des régions méridionales et de Marrakech que de ceux de Sabta, al-Andalus, Bijâya et Tlemcen, sur 277 notices, il mentionne 10 saintes dont 7 dans une notice séparée d’une longueur variable pouvant parfois atteindre deux pages ; la moitié de ces sâlihât sont majhûlât al-huwiyya (à l’identité inconnue). Le Uns al-faqîr wa ‘izz al-haqîr du savant et juge constantinois Ibn Qunfudh[13], rédigé en 787/1385-6, consacré, à l’origine, à Abû Madyan Shu‘ayb (m. 594/1197)[14] et à ses compagnons, mais qui n’en n’évoque pas moins les saints de la région de Constantine et ceux du Maroc que l’auteur sillonne de 759/1357-8 à 776/1374-5, cite 6 femmes, dont 4 dans un paragraphe séparé, de longueur variable. Pour al-Andalus, Ibn al-‘Arabî (m. 638/1240) nous a laissé, dans ses deux ouvrages consacrés à ses maîtres de l’Occident musulman, al-Durra al-fâkhira fî dhikr man intafa‘tu bihi fî tarîq al-âkhira, puis dans la Risâlat Rûh al-Quds fî munâsahat [ou muhâsabat] al-nafs (rédigée en 600/1203-4)[15], comportant un total de 71 notices, 4 notices consacrées aux femmes qu’il a connues, dont deux qui furent ses maîtres dans la Voie, Shams Umm al-fuqarâ’ et Fâtima bt Abî l-Muthannâ, dont il évoque assez longuement le souvenir[16]. Ceci pour l’époque médiévale ; pour la documentation postérieure : le sfaxien Mahmûd Madqîsh (m. 1228/1813) dans sa Nuzhat al-anzâr fî ‘ajâ’ib al-tawârîkh wa l-akhbâr[17] consacrée, en partie, aux saints et savants de la ville de Sfax et de sa région, ne mentionne que 4 saintes dont seule une, Umm Yahyâ Maryam, déjà citée, originaire d’al-Minya sur le littoral sfaxien, est créditée d’une notice séparée, objet de l’ouvrage oblige[18] ; tandis que l’avant dernier dictionnaire biographique de Kairouan, le Takmîl al-sulahâ’ d’al-Kinânî (m. 1292/1875)[19], sur 216 notices, ne citera que 6 femmes, il est vrai cette fois, dans des notices séparées mais dont la parcimonie reste très grande[20].

Jetons à présent un regard comparatif sur le Machreq : si l’on devait s’en tenir au seul critère quantitatif, les sources orientales[21], malgré, là encore, un net déséquilibre par rapport aux sulahâ’ hommes, accordent, néanmoins, un plus grand intérêt aux femmes saintes : tout d’abord, par le nombre de sâlihât citées, dépassant parfois 200 (y compris les majhûlât al-asmâ’, celles dont on ignore l’identité), comme dans la Sifat al-safwa d’Ibn al-Jawzî[22], lequel est, certes, le seul à atteindre ce chiffre, mais déjà Sulamî (m. 412/1021) dans la section qu’il consacre aux femmes, Dhikr al-niswa al-muta‘abbidât al-sûfiyyât, dans ses Tabaqât al-Sûfiyya, leur accorde non moins de 84 notices[23] ; ensuite par la place que les auteurs de manuels de soufisme et de dictionnaires biographiques de sulahâ’ ont consacrée aux sâlihât, certains leur réservant, comme on vient de le signaler, une section entière (tel Sulamî) voire une œuvre séparée, tel al-Hisnî (m. 829/1426) et ses siyar al-sâlikât al-mu’minât al-khayyirât[24]. Qu’il s’agisse d’al-Yâfi‘î (m. 768/1367), qui consacre quelques 53 histoires aux femmes soufies dans son Rawd al-rayâhîn, ou encore d’al-Hurayfish (m. 801/1398) dans son al-Rawd al-fâ’iq dont un chapitre traite des akhbâr al-niswa, ou enfin de Jâmî (m. 898/1492) qui termine son Nafahât al-Uns par 33 notices sur les ‘ârifât (les gnostiques « qui ont atteint les degrés des hommes »)[25], jusqu’à al-Munâwî (m. 1031/1621) qui cite 35 femmes soufies[26], on peut noter, sinon un intérêt soutenu, certains auteurs étant beaucoup moins prolixes en la matière, en tout cas une présence plus substantielle des femmes saintes que dans la documentation maghrébine. Cependant, force est de constater que l’écrasante majorité de ces femmes appartiennent aux premiers siècles de l’islam : la fille du Prophète, ses épouses (ummâhât al-mu’minîn « mères des croyants ») les sahâbiyyât (contemporaines du Prophète), puis les ascètes et soufies des deux premiers siècles Ier/VIIe et IIe/VIIIe siècles. Il est significatif de constater que sur 35 femmes citées dans les Kawâkib al-durriya fî tarâjim al-sâda al-Sûfiyya d’al-Munâwî, 28 appartiennent au IIe/VIIIe siècle[27], alors que seules deux appartiennent au VIIIe/XIVe siècle ; son prédécesseur et maître, le vénérable Sha‘rânî (m. 973/1565) déjà plutôt avare en notices de femmes, n’en citant que 16 dans un dictionnaire comportant 425 notices, s’arrête à al-Sayyida Nafîsa (m. 208/824)[28]. Le même constat peut être fait avec Yûsuf al-Nabhânî (m. 1932) au XXe siècle, dans son Jâmi‘ karâmât al-awliyâ’ : à l’exception de quelques sâlihât (telle Fâtima bt Abî l-Muthannâ[29] la mère spirituelle d’Ibn al-‘Arabî (m. 638/1240)[30] ou encore de Sitt al-Mulûk, compagne d’al-Dahmânî (m. 621/1224) citée dans la Risâla de l’égyptien Safî al-Dîn b. Abî l-Mansûr (m. 682/1283)[31] ainsi que de deux sâlihât du VIIIe/XIVe siècle citées par Munâwî et d’une sâliha originaire de son village de Ijzim, al-shaykha Nusra contemporaine de ses deux parents lesquels croyaient en elle[32]), il ne cite très majoritairement que des saintes des premiers siècles. Ainsi, dès que l’on quitte les sâlihât des premiers siècles, pour la période postérieure, à partir notamment du Ve/XIe siècle, l’information sur les femmes saintes dans les productions bio-hagiographiques orientales devient plus rare, parfois quasi insignifiante : dans une œuvre comme la Risâla de Safî al-Dîn rédigée en 679/1280, centrée sur le milieu soufi d’Egypte du VIIe/XIIIe siècle fréquenté par l’auteur mais dont l’espace couvre tant le Maghreb et al-Andalus que la Syrie et le Hijâz[33], sur un total d’environ 155 biographies, on compte seulement deux notices de femmes. Toutefois, on constate une exception notoire à ce tableau : les dictionnaires biographiques et les obituaires des a‘yân qui se développent à partir du VIIe/XIIIe siècle, avec notamment Ibn Khallikân, puis Safadî, Maqrîzî, Ibn Hajar al-‘Asqalânî, qui consacrent une place souvent importante aux femmes, notamment aux musnidât, râwiyât, wâ‘izât et autres femmes savantes appartenant au milieu des gens du Hadîth et dont plusieurs étaient également considérées comme sâlihât voire pour certaines, des maîtres en tasawwuf  et des fondatrices de ribât-s. Et comme il s’agit souvent de dictionnaires recensant les élites du siècle, ce sont des femmes parfois contemporaines des auteurs, en tout cas, proches chronologiquement : cela est particulièrement perceptible dans un ouvrage comme A‘yân al-‘asr wa a‘wân al-nasr de Salâh al-Dîn Khalîl b. Aybak al-Safadî (m. 764/1363)[34] ou encore al-Durr al-kamîn bi-dhayl al-‘aqd al-thamîn fî târîkh al-balad al-amîn, d’Ibn Fahd al-Hâshimî al-Makkî (m. 885/1480), qui bien que consacré exclusivement à la Mecque, n’en réserve pas moins 286 notices à des femmes[35]. Quand au al-Daw’ al-lâmi‘ d’al-Sakhâwî, focalisé sur le IXe/XVe siècle, il consacre un volume entier aux femmes Kitâb fî Mu‘jam al-nisâ’[36]. Ces œuvres constituent indéniablement un témoignage crucial sur les femmes des VIIIe/XIVe et IXe-XVe siècles qui se sont « distinguées » par leur ‘ilm et ‘amal (science et œuvres pies) et sur le paradigme de la perfection féminine en islam dans ce milieu de traditionnistes du Caire, de la Mecque, de Jérusalem ou de Damas fait de science (notamment du Hadîth), de sainteté (salâh), d’adoration et de charité. Toute évaluation de la sainteté féminine en islam et toute écriture de son histoire devra assurément faire une part à cette production.

Revenons à l’hagiographie maghrébine : même si, en comparaison avec la production à proprement parler hagiographique du Machreq, elle accorde un plus grand intérêt aux saintes proches ou contemporaines, néanmoins elle reste, comme on l’a vu, très parcimonieuse en informations ; cette documentation nous fait-elle pour autant désespérer d’envisager une histoire de la sainteté féminine dans cette partie du monde musulman ? D’autre part, cette sainteté féminine se réduit-elle aux seules traces que nous livrent les sources ? La réponse est assurément, non, même si seuls ces cas « documentés » pourront se hisser à la dignité d’objets d’étude. Dictature des textes, tyrannie de la source écrite : « ce sont les sources qui décident des saints »[37] ; mais ne sous-estimons pas pour autant la capacité de ces quelques figures, projetées sous les feux de la rampe, à nous informer sur les « absentes » et sur ces larges pans de la sainteté féminine laissés dans l’ombre.

 

    2-La nécessaire approche qualitative

Nous partageons entièrement l’idée, énoncée il y a quelques années par M. Marin, que cette documentation, pour parcimonieuse qu’elle soit, est comptable d’une approche nécessairement « qualitative »[38] ; c’est, en effet, seulement à ce prix que l’on peut dépasser l’impasse de la question documentaire. D’abord, comme nous le verrons, cette parcimonie documentaire n’entame en rien ni l’excellence reconnue[39] ni la vénération parfaitement équivalente à celle due aux saints hommes dont sont créditées ces sâlihât ; et voilà que nous quittons, déjà, le terrain de la « quantité » pour celui de la « qualité ». En effet, et c’est là que les choses commencent à devenir intéressantes : ces informations sur les saintes, si on devait en mesurer la valeur documentaire, à l’aune de celles concernant les saint hommes dans les différents thèmes et aspects répertoriés, on peut constater sans difficulté qu’elles couvrent finalement tous ces derniers, qu’il s’agisse des modèles et figures de sainteté, même les plus déroutants, ou encore des formes de l’ascèse, y compris les plus rigoureuses ou les moins « attendues », en comparaison notamment d’un modèle surfait et d’évidence construit de sainteté féminine ; bref, rien ne manque au répertoire qualitatif que nous avons jusque là « éprouvé » pour les saints hommes. D’autre part, cette fois dans le détail de ces informations, elles ne laissent pas de surprendre par leur qualité intrinsèque : ainsi on apprend, au détour d’une notice, de surcroît consacrée à un saint homme, que telle sâliha a « fondé » une râbita[40] alors que cette figure de « fondatrice », au demeurant bien documentée pour le Machreq, faisait à ce jour défaut dans notre connaissance du soufisme féminin au Maghreb ; ou que le célibat et la virginité, même si à aucun moment ils ne se hissent au niveau d’un idéal de sainteté, n’ont cessé d’attirer les maghrébines et de constituer, à tout le moins, une voie choisie et recherchée de sanctification pour nombre d’entre elles ; ou encore que la figure de l’autorité charismatique exerçant médiations et arbitrage entre tribus ou confédération de tribus et entre celles-ci et les gouverneurs qui jusque là avait si fortement « collé » au saint homme, a été incarnée par plus d’une sainte notamment au Maghreb, ou enfin que l’une d’entre elles est péremptoirement intronisée et consacrée comme « pôle », voire « Pôle des pôles »[41] ou encore comme « lieutenant » (khalîfa) de Dieu sur terre, dans le Tunis du VIIIe/XIVe siècle. Cela est d’autant plus intéressant qu’ailleurs en Orient mais aussi à Fès connue pour le conservatisme de ses ulémas[42] on glosait autour de la question de la présence des femmes au dîwân al-awliyâ’ qui rassemble autour du qutb la hiérarchie invisible du monde terrestre[43].  Nos sources nous disent certes peu, trop peu sur cette sainteté féminine, mais elles nous en disent assez pour tenter d’en cerner un tant soit peu les contours.

 

II-Modèles, Figures et types spirituels

L’examen des formes de l’expérience religieuse des sâlihât du Maghreb du Ve/XIe siècle à la fin du IXe/XVe siècle, telles que nous les livre la littérature hagiographique, montre la prégnance de modèles partagés de sainteté, communs à l’Orient et à l’Occident musulmans. Ces sâlihât nous sont, d’autre part, présentées investissant tous les types spirituels : savantes exerçant un magistère scientifique, gardiennes de « l’orthodoxie » et interprètes de la Loi, « porteuses » du Coran (hamalat al-Qur’ân), analphabètes « ravies » en Dieu incarnant le paradigme de la « docte ignorance » ou encore de la science infuse, modèle bien connu des hagiographes orientaux, maîtres dans la voie, ou simples ‘âbidât à l’identité inconnue.

Des figures archétypales de sainteté sont également présentes : telle la figure coranique de Marie, modèle par excellence d’élection divine des femmes en islam ; les figures des épouses du Prophète (ummahât al-mu’minîn, les « Mères des croyants ») se profilent, au gré des hagiographies, comme modèles de sanctification de l’entourage féminin du saint ; la figure de Râbi‘a al-‘Adawiyya ainsi que d’autres éminentes ascètes et soufies du Machreq, sont aussi très présentes attestant la prégnance de ces figures orientales désormais « classiques » de sainteté, qui circulaient bien entre les deux aires du monde musulman ; mais, désormais, la sainteté féminine du Maghreb revendique ses propres modèles qui surenchérissent sur leurs émules orientales[44].

 

   1-les savantes

Les saints ou saintes qui ont mémorisé tout le texte du Coran, appelées hamalat al-Qur’ân (porteuses du Coran) forment la première catégorie de saints citée dans le traité consacré par Ibn al-‘Arabî à Dhû-l-Nûn l’Egyptien[45].  Il s’agit d’une catégorie que l’on retrouve au gré des notices biographiques évoquant une sainte femme, et ce dès la haute époque en Ifrîqiya ; il en est ainsi de l’épouse du faqîh kairouanais Ahmad b. Nasr (m. 314/926), dont l’identité ne nous est pas déclinée, « qui savait le Coran par cœur ainsi que le Muwatta’ de Mâlik »[46]. Parmi les femmes soufies originaires du Maghreb rencontrées par le shaykh al-Akbar (Ibn al-‘Arabî) à Séville et à la Mecque, et dont il loue l’intelligence et l’ascétisme, Zaynab al-Qal‘iyya, qui faisait partie des hamalat al-Qur’ân et était disciple de nombreux cheikhs de la meilleure tradition[47]. Au nombre des saintes enterrées dans la nécropole du Sharaf, à Tunis, figure Ruqayya al-Hintâtiyya, sainte morte célibataire comme le suggère le substantif al-bint al-sâliha qui faisait partie également des hamalat al-Qur’ân[48]. Al-Sayyida Zaynab (m. 680//1281) la fille de Muhammad al-Sharîf, l’un des compagnons de Shâdhilî (m. 656/1258), écrit l’hagiographe de ‘Âisha al-Mannûbiyya, ne mourut qu’après avoir fait 1025 khatma du Coran[49]. Au-delà de la portée édifiante de ces récits, ils pointent néanmoins une sainteté féminine non dénuée de science, une science dans laquelle la mémorisation du texte sacré occupe une place fondamentale.

Ces sâlihât se sont par ailleurs distinguées par l’acquisition d’autres sciences religieuses : parmi les femmes savantes et connues pour leur vertu, la documentation cite Umm al-‘Ulâ al-‘Abdariyya (m. 647/1249), d’origine andalouse, installée à Tunis où elle était préceptrice à la cour ; elle fut enterrée au cimetière de la Qasba appelé al-Silsila (la « Chaîne »)[50] ; elle avait appris le Coran et se distingua par ses connaissances en sciences religieuses et par sa belle calligraphie ; elle aurait recopié plusieurs fois le Ihyâ’ de Ghazâlî[51]. Al-Sayyida Zaynab (m. 680/1281), déjà citée, d’origine sharîfienne[52], était, elle, versée dans les sciences religieuses et notamment dans le Sahîh de Bukhârî dont elle aurait fait 70 khatma[53]. Umm Muhammad al-Urbusiyya, dont la mémoire se rattache à celle d’Abû Yûsuf al-Dahmânî (m. 621/1224) est aussi une femme savante : le thrène qu’elle rédigea à l’occasion de la mort de ce maître, témoigne d’une connaissance de l’art de la versification et de la prose rimée, ainsi que d’une solide culture religieuse, notamment soufie, et d’une parfaite maîtrise spirituelle. La marocaine ‘Azîza al-Saksâwiyya, contemporaine d’Ibn Qunfudh (m. 810/1407-8) est versée dans le fiqh (le droit) : ses ajwiba (réponses juridiques) étaient de nature à faire taire son interlocuteur et ne suscitaient pas de contestation (mâ ra’aytu anfadha min hujjatihâ fîmâ tahtajju ‘alayhi bihi)[54].

Nous avons évoqué, ci-dessus, cette catégorie de femmes joignant sainteté et sciences religieuses, pour lesquelles les dictionnaires biographiques de a‘yan en Orient constituent une source de choix, telle Ruqayya bt Muhammad b. Ahmad al-Qastallânî, Umm al-Baqâ’, qui a de nombreux samâ‘ât et qui porta la khirqa soufie (le manteau d’investiture) d’al-Bashîr al-Tabrîzî ; elle était encore en vie en 673/1274)[55] ; ou encore ‘Â’isha bt Ibrâhîm b. Siddîq, qui connaissait par cœur le Coran et l’enseignait aux femmes ; Ibn Kathîr, son gendre, louait sa piété et la qualité de sa récitation, dépassant en cela beaucoup d’hommes[56] ; on peut également citer Fâtima (m. v. 860/1456) la fille de Muhammad b. ‘Abd al-Rahmân b. Ahmad b. Salâma, versée dans les Qirâ’ât al-sab‘[57] et qui détenait une ijâza (autorisation de transmettre) en tasawwuf[58] ; ou encore Umm Habîba (m. 862/1457) bt ‘Alî b. Muhammad al-Fâkihî al-Mâlikî qui comptait parmi ses samâ‘ât le début et la fin des ‘Awârif al-ma‘ârif d’al-Suhrawardî[59] et de la Risâla de Qushayrî (m. 465/1072)[60], deux traités de soufisme[61] ; ou al-shaykha al-sâliha Ruqayya (m. 874/1470) bt ‘Abd al-Qawî b. Muhammad al-Bijâ’î al-Makkî, qui a des ijâza de ‘Irâqî et de Haytamî[62], ou enfin ‘Â’isha al-Bâ‘ûniyya (m. 922/1516), al-Sûfiyya qui a laissé de nombreux traités et poèmes mystiques dont non moins de cinq sont recensés dans la notice que lui consacre al-Ghazzî (m. 1061/1651) dans ses al-Kawâkib al-sâ’ira[63], et qui avait reçu des ijâza-s dans l’iftâ’ (émettre des consultations juridiques, fatwa-s) et l’enseignement (ujîzat bi l-iftâ’ wa l-tadrîs)[64] ; l’auteur lui attribue ce propos : « Le Vrai m’a rendu capable de réciter Son Sublime Livre et m’a accordé l’insigne grâce de le mémoriser en entier, alors que je n’étais âgée que de 8 ans »[65].

Notons, en effet, dans les dictionnaires bio-hagiographiques maghrébins l’absence de la figure féminine de transmetteuse de traditions prophétiques ; une fonction surtout attestée pour les saintes orientales des VIIIe/XIVe et IXe/XVe siècles, joignant science, notamment du hadîth, ascétisme, grande piété et charité.

 

2 -Mères spirituelles et maîtres dans la voie

Tîn al-Salâma, cette sainte marocaine citée par le Tashawwuf d’Ibn al-Zayyât, était maître dans la voie et « avait des disciples » (kâna lahâ talâmîdh), écrit Ibn al-Zayyât[66] ; il en est ainsi également de Munya bt Maymûn (m. 595/1198)  qui nous est montrée se déplaçant elle-même chez l’un de ses disciples et les recevant chez elle[67]. On compte, d’autre part, plusieurs femmes parmi les maîtres d’Ibn al-‘Arabî, dont il évoque le souvenir dans le Rûh al-quds fî munâsahat al-nafs et dans al-Durra al-fâkhira, notamment deux, déjà citées, qu’il fréquenta dans sa jeunesse à Séville : d’abord Fâtima bt Abî l-Muthannâ (sa mère spirituelle) qu’il « servit en tant que disciple », pendant plusieurs années, comme il l’écrit lui-même, et dont il rapporte ce propos :

« Vous entrez tous auprès de moi avec une partie de vous-même et en laissant l’autre avec vos préoccupations, votre maison, votre famille, sauf Muhammad Ibn al-‘Arabî, mon fils et ma joie (lit. La fraîcheur de mon œil). Quand il entre, il entre avec la totalité de son être (bi-kullihi) et de même quand il se lève et quand il s’assoit. Il ne laisse derrière lui rien de son âme et ainsi doit être la Voie »[68].

Quant à Shams Umm al-fuqarâ’, Ibn al-‘Arabî la rencontra en 1190 à la Marchena des Oliviers ; « elle avait, écrit-il, un cœur fort et pur, une noble énergie spirituelle et une grande discrimination »[69]. Malgré la parcimonie de nos informations, il semblerait qu’Umm Yahyâ Maryam (m. ap. 621/1224)[70] ait éduqué un certain nombre de disciples lesquels nous sont montrés réunis chez elle ou encore lui rendant visite dans son village d’al-Minya sur le littoral ifrîqiyen ; seul le nom de l’un d’entre eux est décliné à l’occasion d’une anecdote illustrant le don de claire-vue de la sainte, il s’agit de Muhammad al-Burzulî de Qasr Ziyâd[71]. Un autre exemple de ce magistère spirituel est celui que l’hagiographe de ‘Âisha al-Mannûbiyya attribue à celle-ci, évoquant à plusieurs reprises ses fuqarâ’ et disciples (murîd), dont le plus notoire est ‘Uthmân al-Haddâd, qu’elle avait coutume d’appeler « mon fils », sublimant non seulement sa féminité par le statut de maternité et rejoignant le modèle des « ummahât al-mu’minîn » de la tradition, mais pointant aussi cette figure de « mère spirituelle » donc de maître et d’initiatrice ; ce statut n’est pas en contradiction avec le type spirituel du saint ravi en Dieu : les majdhûb se révèlent parfois de grands maîtres spirituels[72]. Cette figure de maître dans la voie, apparaît dans plus d’une anecdote où Dame ‘Â’isha est présentée initiant des disciples, parmi lesquels des savants notoires, à qui elle accorde le pacte (al-‘ahd), ou encore qu’elle abreuve de sa salive ou de breuvages par lesquels leur est conférée la science, la sainteté, les mystères et le ravissement en Dieu. Un saint tunisois, ‘Alî al-Saffâj m. 726/1326 est présenté comme l’héritier de sa voie[73]. Enfin, On rapporte que la grand-mère du faqîh et soufi Ahmad Zarrûq (m. 899/1493), Umm al-Banîn, considérée par son petit-fils comme savante et sainte, était son premier maître spirituel[74].

Parmi les orientales, les sources évoquent ‘Â’isha al-Zâhiriyya (m. 837/1434), fondatrice d’un ribât à la Mecque[75], une femme sainte connue pour sa pratique du dhikr (wa kânat min al-sâlihât, al-‘âbidât, al-dhâkirât) ; selon les propos d’al-Sakhâwî « elle s’acquittait à la perfection de son rôle de maître dans la Voie parmi les femmes, dont elle supervisait les récitations de litanies, d’oraisons et d’invocation (kânat qâ’ima bi l-mashyakha ‘alâ wajhihâ baynahunna min tasbîh wa awrâd wa dhikr)[76] ; deux de ses disciples femmes (murîdihâ) prirent, à sa mort, sa relève. Nous avons, d’autre part, déjà cité ‘Â’isha al-Bâ‘ûniyya (m. 922/1516), al-Sûfiyya, à qui on doit de nombreux ouvrages en soufisme et qui pratiquait l’enseignement (al-tadrîs), même si, à partir de sa seule notice biographique, on ignore si elle a initié des disciples dans la voie ou si ses cours étaient davantage tournés vers les sciences exotériques dans lesquelles elle était également versée[77].

 

3les « ravies » en Dieu : emprise de l’amour et docte ignorance

Plusieurs saintes médiévales appartiennent à ce type spirituel, lui aussi partagé entre l’Orient et l’Occident musulmans : des figures comme Rayhâna al-Majnûna ou Maymûna al-Sawdâ’ al-Majnûna al-‘Âqila, ou encore Zahrâ’ al-Wâliha[78], dont les notices font partie des dictionnaires biographiques orientaux les plus célèbres, ont eu aussi leurs émules maghrébines ; mais force est de constater, qu’à l’exception de ces figures, déjà anciennes aux VIIe/XIIIe – VIIIe/XIVe siècles, aucune « ravie » en Dieu « moderne » n’apparaît dans la production hagiographique orientale plus tardive. Retenons pour l’instant ce trait. Fâtima bt Abî l-Muthannâ, déjà citée, comptant parmi les maîtres d’Ibn al-‘Arabî, appartenait au type des « ravies » en Dieu : « En la voyant, on aurait pu dire qu’elle était une demeurée (hamqâ’), à quoi elle répondait : « le demeuré est celui qui ne connaît pas son Seigneur »[79]. L’auteur lui attribue aussi ce propos :

« Je puise ma joie en Lui qui s’est penché vers moi et m’a fait l’un de Ses amis, se servant de moi à Ses propres desseins. Qui suis-je pour qu’Il me choisisse d’entre les humains ? Il est jaloux chaque fois que je me tourne vers autre que Lui par inattention et Il me charge d’afflictions en conséquence »[80].

La vieille du quartier de Bâb Aghmât à Marrakech, rencontrée par Ibn al-Zayyât en 603/1207 à proximité du Ribât Shâkir, appartient aussi à ces femmes objet d’un « rapt » divin : en proie à un hâl (état spirituel) elle tomba de sa mule ; entièrement absorbée dans la contemplation de l’Unicité, elle en oubliait son corps et les normes de pudeur attachées à ce dernier : ses jambes étaient dénudées sans pantalons, nous rapporte l’auteur (sâquhâ makshûfa laysa ‘alayhâ sarâwîl)[81]. La figure de ‘Âisha al-Mannûbiyya (m. 665/1267) ressortit du modèle extatique de sainteté dont la parenté avec les gens du blâme (ahl al-malâma), dont le véritable état est caché, est grande. Les saints ravis, littéralement « enlevés », à l’image du Prophète que Dieu fit voyager de nuit, ont leur être totalement résorbé dans l’Amour qui leur ôte toute volonté (tadbîr) propre ; le cœur de ‘Âisha « est anéanti en Dieu » (qalbî ghâ’ib fîl-Lâh), entièrement éteint à lui-même, éperdu dans la Présence divine ; son hagiographe lui attribue ces propos :

« Ivre je suis / Toute ma vie et dans ma mort / Eperdue d’amour / Me trouveront les deux Anges / Dans la tombe / A la rencontre de mon Seigneur / Ivre je serai » ; ou encore « A l’océan de l’amour je me suis abreuvée / Par la porte de la Proximité, je suis entrée /J’ai vu le Royaume / En présence de l’Aimé, anéantis étaient les amoureux / Puis l’Aimé m’apparut / A l’instant, comblée, je fus »[82].

Les ravis en Dieu sont protégés et occultés à la fois, par le voile de la folie (junûn) (la racine JNN renvoyant à l’un comme à l’autre) ; Dieu Se les réserve jalousement comme on se réserve un serviteur, aussi sont-ils « ignorés parmi les créatures »[83].

Ces sâlihât sont dotées de science « infuse » : il en est ainsi de cette fillette des Haskûra visitée par Ibn al-Zayyât dans son kahf (caverne) du Mont Dirn et qui abonda dans des sciences inconnues de lui, bien que ‘âlim et faqîh (fa-khâdat fî ‘ulûmin lâ a‘rifuhâ)[84]. Dans l’hagiologie islamique de nombreux saints, tel Abû Yazîd al-Bistâmî (m. 260/874), déclarent voir le texte révélé « descendre » sur leur cœur, à l’image du Prophète, sans jamais l’avoir appris auprès d’un maître. Il en est ainsi de ‘Â’isha al-Mannûbiyya : c’est de Dieu directement, peut-on lire dans son hagiographie, qu’elle tient sa science, y compris le Coran, mais aussi les vertus cardinales de sainteté :

« C’est Dieu qui m’a appris le Coran ; Mikâyîl[85] et al-Khadir[86] sont venus à moi portant un bocal rempli d’un breuvage paradisiaque et m’on dit : ‘‘Bois, ô ‘Â’isha, ô Mannûbiyya’’ ; par cette boisson, je fus abreuvée de science, de longanimité, de certitude, de recueillement, d’humilité, de baraka, de tendresse du cœur, de chasteté et de préservation [du péché] »[87].

La sainte appartient au  type spirituel du ummî (dans le sens non pas d’« illettré » mais instruit directement du sein de Dieu et de l’archange Jibrîl[88]) ; d’ailleurs on ne lui connaît pas de maître dans la voie. Elle a reçu, en vision, les vertus des quatre califes : la fidélité, d’Abû Bakr (11-13/632-634), l’équité, de ‘Umar (13-23/634-644), la pudeur et la perfection, de ‘Uthmân (23-35/644-656) et la science, l’ascétisme, la gravité et le courage, de ‘Alî (35-40/656-661)[89]. Pour l’Orient, le cas de Sitt ‘Ajam  bt al-Nafîs b. al-Qâsim b. Turâz al-Baghdâdiyya (encore vie en 686/1287), est assez unique ; cette commentatrice d’Ibn al-‘Arabî et de ses al-Mashâhid al-qudsiyya[90],  est une majdhûba (« saisie » par Dieu) qui s’auto-qualifie de « femme de la ‘‘tourbe population’’ (‘âmiyya), analphabète (ummiyya), innocente de toute maîtrise de ce que l’on appelle ‘‘la science exotérique’’ (al-‘ilm al-zâhir), y compris l’art de manier la plume »[91] ; « en l’espace d’une seule nuit lui est infusée la science nécessaire à l’accomplissement de son rôle d’interprète. L’héritage qu’elle reçoit, la grâce qui lui est octroyée, les inspirations qui lui parviennent lui permettent d’affronter sans crainte les obscurités du texte »[92]. Nous devons de connaître ce commentaire, à « une collaboration unique en son genre » entre Sitt ‘Ajam et son cousin et époux, Muhammad b. Muhammd al-Khatîb, à qui revint la mission de lire les chapitres à commenter, puis de transcrire sous la dictée de sa femme, ce discours inspiré[93]. Comme ‘Â’isha al-Mannûbiyya, elle tient parfois des propos qui relèvent de la jactance ; mais ici s’arrête la comparaison.

Le type spirituel des majhdûbât devait connaître une postérité que montre bien un dictionnaire tardif comme le Takmîl al-sulahâ’ du kairouanais al-Kinânî : sur les six saintes ayant bénéficié de notices biographiques, trois d’entre elles appartiennent au type des « ravies » en Dieu[94]. D’autre part, Umm al-Zîn al-Buhliyya (« la folle »), désignée plus couramment par al-Jammâliyya[95] aurait été contemporaine du Bey Hammûda Bâsha (1782-1814)[96]. R. Vimercati Sanseverino, étudiant la sainteté des femmes à Fès, constate pour sa part que « les premières grandes saintes apparaissent avec la génération des maîtres du jadhb »[97].

 

4Les fondatrices

Quelques mentions font état d’actes de fondation attribués à des sâlihât, de râbitât (pl. de râbita)[98], une institution qui semble avoir survécu jusqu’au IXe/XVe siècle, notamment à Tunis, et dont le sens, selon les périodes et les lieux, oscille entre un oratoire (masjid), un lieu où s’est retiré un dévot ou un couple de saints, un lieu de sépulture ou enfin un lieu de réunion pour soufis ; on sait que sous la plume d’al-Tijânî, dans sa Rihla, la râbita est synonyme de zâwiya, notamment fortifiée (râbita hasîna) ; quant à Ibn Battûta, il mentionne dans sa Rihla nombre de râbita-s qu’il visite lors de son périple oriental, avec ce que ces désignations, probablement inspirées de réalités familières à l’auteur dans son Maghreb natal, comportent comme problèmes pour l’historien[99]. Ainsi Ibn al-Zayyât mentionne, de manière assez laconique, dans son Tashawwuf[100] une râbita au bord de la mer (il s’agit, vraisemblablement, d’après le contexte, de la façade atlantique, non loin de Salé, Salâ) appelée Dâr Umm al-Qâdî et qu’aurait fondée une femme appartenant aux Banû ‘Ashara, une célèbre famille de juges (qudât) et de savants originaires de la ville de Salâ, qui prit, à un certain moment, un tournant ascétique ; c’est probablement dans ce contexte qu’Umm al-Qâdî, fonda cette râbita ; hélas, nous n’en saurons pas davantage. Une autre mention, cette fois dans al-Maqsad al-sharîf d’al Bâdisî (m. 722/1322), évoque « Râbitat Umm al-Yumn, sise sur le mont surplombant Sâhil Makram (le littoral de Makram), ajoutant : « c’est une râbita bénie dont la construction fut ordonnée par une sainte femme du nom d’Umm al-Yumn (amarat bi-binâ’ihâ), aussi prit-elle son nom »[101] ; d’après l’éditeur, il s’agirait de la sainte appelée actuellement Lalla Maymûna[102]. Là encore, l’auteur ne nous apprendra rien sur cette sainte, notamment sur sa chronologie ; de toute manière, celle-ci est antérieure au VIIe/XIIIe siècle, période couverte par les notices du Maqsad[103]. En tout cas, cette Râbitat Umm al-Yumn devait être d’une assez grande facture pouvant accueillir un grand nombre de dévots et d’ascètes qui, au témoignage d’al-Bâdisî, avaient coutume de s’y retrouver à la Mi-Sha‘bân, ainsi que le 27 Ramadan (à l’occasion de Laylat al-Qadr ou Nuit du Destin) et le jour de ‘Ashûrâ’, le 10 Muharram, pour des séances de prières et de dhikr ; elle comportait une pièce servant de khalwa (cellule réservée à la retraite) pour les ascètes désireux de s’isoler[104]. Une troisième mention est due, cette fois, à l’Ifrîqiyen al-Burzulî (m. 841/1437), le célèbre disciple d’Ibn ‘Arafa et l’auteur du Jâmi‘ masâ’il al-ahkâm, plus connu sous le titre de Nawâzil al-Burzulî, qui y évoque, de manière assez floue, un qasr à Tunis qu’une femme « libre » (al-hurra)[105], dont il ne donne guère l’identité, aurait transformé, à une époque qu’il ne précise pas, en râbita[106], autour de laquelle, les gens construisirent maisons et immeubles[107]. En tout cas, au-delà du caractère lacunaire de ces informations, ces quelques exemples nous éclairent sur un pan, ignoré jusque là, de cette sainteté des femmes au Maghreb : la figure de la fondatrice d’institutions soufies. Ces fondations, sur lesquelles, certes, nous manquent de précieuses informations quant aux motivations de leur édification, et surtout quant à leur usage, mais qui ne paraissent pas réservées aux seules sâlihât, semblent avoir survécu à leur fondatrices.

Par contre, pour le Proche-Orient, nombre de femmes fondatrices de ribât-s sont signalées dans la documentation, telle Zaynab bt ‘Umar al-Ba‘labakiyya (m. 699/1300) une ascète et une râwiya[108], connue par son ribât, appelé « Ribât al-Dimashqiyya » au sud de la Mecque ; ou encore Fâtima bt Nâsir al-Dîn Muhammad b Ahmad, à qui on attribue en 811/1408  la fondation (en waqf), à la Mecque, d’un ribât en faveur des femmes pauvres[109] (al-niswa al-fuqarâ’), célibataires (al-‘azibât) visitant la Mecque, afin d’y habiter durant leur séjour, accordant le primat aux plus démunies d’entre elles[110] ; ou enfin ‘Â’isha al-Zâhiriyya (m. 837/1434), déjà citée, à qui on attribue la fondation, au sud de la Mecque, d’un ribât où elle avait coutume d’organiser, tous les samedi, un mî‘âd, réservé vraisemblablement aux  femmes, et suivi d’un repas ; elle fut enterrée dans son ribât [111].

 

Ainsi, les figures et types spirituels incarnés par les saintes maghrébines tels que nous les montrent les biographes et hagiographes de cette partie du Monde musulman, et qui épuisent pratiquement la typologie connue en Orient, concernent en grande majorité des saintes « récentes », en tout cas proches des auteurs ou qui leur sont contemporaines ; la référence, dans nos textes, aux figures orientales de sainteté, quand elle existe, l’est dans un souci d’imitation de modèles exemplaires et déjà consacrés, mais aussi dans une logique de surenchère dans l’excellence et la perfection[112]. Ces figures de la sainteté, qu’elles soient maghrébines ou orientales, que l’on propose à l’imitation ou à l’admiration des fidèles et que l’on souhaite faire passer à la postérité, ont pris corps et se sont forgées à travers des formes d’ascèse qu’il est temps à présent d’explorer et qui donnent la mesure de la vigueur de ce soufisme féminin et de la richesse des expériences religieuses de ces ‘ârifât bi l-Lâh (connaissantes par Dieu).

 

III-Formes de l’ascèse

Plusieurs femmes ont acquis leur réputation de sainteté par leur retraite en solitaires dans les grottes, les cavernes et les hauts-lieux rejoignant un modèle familier d’ascèse, perceptible aussi bien en Orient qu’en Occident musulman. La fréquentation assidue par quelques unes des mosquées où elles passent leur journée en adoration, modèle partagé par leurs émules d’Orient, est aussi un signe fort, informant une sainteté non confinée dans les espaces privés. Plusieurs saintes fréquentent en nombre des ribât-s réputés ; davantage : les murâbitât, comme catégorie collective, émergent dans les sources dès le IVe/Xe siècle : on leur consacre un pavillon indépendant dans le voisinage d’un qasr célèbre ; d’autres nous sont montrées, en plein VIe/XIIe siècle, assistant en compagnie de maîtres, de murîdîn (aspirants) et de ashâb (compagnons) à des séances, y compris nocturnes, de récollection (samâ‘ et majâlis al-dhikr) dans les nombreux ribât de la côte atlantique ou méditéranéenne, ou accompagnant leur cheikh dans sa siyâha (pérégrination). L’ascèse de ces saintes, appartenant tant au milieu citadin que rural, est très souvent frappée du sceau du plus grand scrupule (wara‘) dans leur relation aux biens, rejoignant par là l’idéal de sainteté constaté chez les saints hommes à la même époque. Si un nombre non négligeable d’entre elles ont choisi le  célibat (qui ne s’est jamais hissé, toutefois, à un véritable trait, constitutif de l’idéal de sainteté féminine) et ont acquis leur réputation par leur rupture de toute attache familiale ou sociale dans leur ascèse (inqitâ‘), les notices biographiques mettent aussi en scène des couples de saints, renvoyant, là encore à un modèle « universel » commun aussi bien au Maghreb qu’au Machreq, et où est exaltée parfois la précellence de la sâliha sur son saint époux. Autre forme d’ascèse commune aux deux espaces : celle du compagnonnage spirituel entre un saint homme et une sâliha, qui réussit à s’imposer, y compris en milieu kairouanais réfractaire à tout commerce avec les femmes, même vertueuses, dans un contexte de résurgence mâlikite. Resté jusque là plutôt informel, le soufisme des femmes se dote, à partir du VIIIe/XIVe siècle notamment au Maroc, de formes d’organisation qui leur sont propres à l’intérieur des tâ’ifa-s (voies initiatiques).

 

   1-Dissociation, érémitisme et renoncement 

Parmi les saintes dont l’hagiographie maghrébine a retenu le souvenir, trois femmes, toutes célibataires, étaient connues pour leur rupture de toute attache familiale ou autre dans leur ascèse (inqitâ‘) ; chacune d’entre elle appartient à un siècle, ce qui témoigne de la permanence de cette forme d’ascèse du Ve/XIe siècle jusqu’au VIIIe/XIVe s. : la sœur de ‘Abd al-‘Azîz al-Tûnusî (m. 486/1092), qui s’était retirée afin de se consacrer à l’adoration jusqu‘à sa mort (inqata‘at ilâ ‘ibâdat Allâh ta‘âlâ ilâ an mâtat) [113] ; une fillette des Haskûra qui, au récit d’Ibn al-Zayyât, s’était retirée (qad inqata‘at ‘an al-nâs) dans une caverne du Jabal Dirn[114] ; et une sainte anonyme et aveugle retirée, elle aussi, dans un ghâr (grotte), évoquée par Ibn Qunfudh[115]. Ces retraites en pleine montagne dans une grotte ou une caverne, qui ne sont pas sans rappeler la tradition érémitique orientale mais surtout le modèle prophétique (Muhammad avait coutume, avant la révélation, de se retirer dans le Ghâr Hirâ’)[116], sont le signe de la vigueur de ce soufisme féminin non exempt d’une certaine rigueur dans les formes de l’ascèse. Comme pour la sainteté chrétienne, généralement ces saints appartiennent à des milieux modestes « car, écrit A. Vauchez, le genre de vie et la spiritualité des ermites étaient particulièrement bien adaptés aux besoins religieux des habitants des campagnes et des régions montagneuses »[117] ; toutefois, l’érémitisme ne semble pas avoir attiré beaucoup de vocations féminines en Occident médiéval, où seul est signalé le cas  d’Ugolina de Biliemme, dont « le cas demeure exceptionnel », « la forme normale de la vie religieuse solitaire [chez les femmes], n’était pas l’érémitisme mais la réclusion, particulièrement fréquente, en Italie, en milieu urbain »[118].

D’autres saintes du Maghreb pratiquaient des retraites saisonnières à l’image de Mu’mina al-Tilimsâniyya (m. av. 787/1385-6)[119], cette sainte rencontrée par Ibn Qunfudh, qui avait coutume de se retirer dans une solitude totale durant les trois mois saints de Rajab, Sha‘bân et Ramadân[120]. La Mannûbiyya, qui semble avoir rompu toute attache familiale en quittant sa Manouba natale et en s’installant à Tunis, avait l’habitude de faire des retraites pieuses au Jabal al-Siyâda, dans le faubourg sud de la ville de Tunis, au sommet de la colline où sera érigé son sanctuaire tunisois et qui prendra son nom[121] ; de même que son hagiographe évoque ses retraites pieuses au Jabal Zaghouan (au Sud de Tunis sur la route la reliant à Kairouan)[122], ou encore son errance parmi les tombes.

Cette dissociation pouvait aussi prendre la forme de retraites, pour un temps ou pour toujours, dans une mosquée, rejoignant par là une forme d’ascèse bien connue chez les ‘âbidât  du Machreq, mais aussi, amplement pratiquée par les saints hommes. Au nombre de celles qui avaient pratiquement élu domicile dans la mosquée et que la tradition orientale appelle Mustawtinât al-masâjid[123], se trouve la sâliha Umayya b. Ya‘rûsin sainte du Ve/XIe siècle, qui, au récit du Tashawwuf, jusqu’à sa mort et bien qu’avancée en âge, passait ses journées en adoration à la mosquée de Tilimsân[124]. Une ifrîqiyenne appartenant pratiquement à la même époque, est signalée par al-Tijânî dans sa Rihla[125], il s’agit de Samdûna, une sainte âgée (‘ajûz sâliha) contemporaine de Muhriz b. Khalaf (m. 413/1022) et qui avait élu domicile dans la mosquée al-Shi‘âb[126] à Tripoli (à l’extérieur du mur d’enceinte) et recevait la visite de nombreux sulahâ’ en vue, « qui croyaient en sa baraka », y compris le futur saint-patron de Tunis (Muhriz b. Khalaf), sur la route le menant au pèlerinage[127] ; cette pratique était courante dans le milieu ascétique et soufi en Ifrîqiya, notamment chez les saints hommes[128]. Une autre ifrîqiyenne, dont le nom est associé à une mosquée[129], est Sayyidatî Tayyâha (« Dame errance »), signalée par Ibn Nâjî qui ne nous en dit pas davantage sur son identité, ni sur sa chronologie ; a-t-elle, à un moment ou à un autre, élu domicile dans la mosquée, désormais identifiée par elle, à Kairouan ? Il est permis de le penser ; cela est d’autant plus intéressant que ladite mosquée n’est pas un lieu quelconque dans la ville : il s’agit du masjid anciennement connu sous le nom de Masjid al-khamîs[130]. La sainte a dû être l’objet d’une vénération particulière pour que, à partir d’une date vraisemblablement proche de l’époque de l’auteur mais qu’on ne saurait indiquer avec précision, ce haut lieu de la piété kairouanaise au IIIe/IXe siècle[131] fût appelé par son nom : Masjid Sayyidatî Tayyâha ; les gens de Kairouan, écrit Ibn Nâjî, croyant, à tort selon lui, que le tombeau se trouvant à l’intérieur de la mosquée est le sien[132]. ‘Â’isha al-Mannûbiyya (m. 665/1267) avait, quant à elle, coutume de fréquenter longuement la mosquée du Saule (jâmi‘ al-Safsâfa), haut-lieu du soufisme tunisois[133]. Cette pratique n’est pas sans évoquer, mutatis mutandis, la retraite de nombreuses vierges ou veuves italiennes en quête de perfection dans des cellules attenantes à des églises ou à des monastères, ou construites le long des murailles de la cité[134].

Le surnom donné à cette sainte ifrîqiyenne citée ci-dessus (Sayyidatî Tayyâha) pointe une sainte errance[135] en quête de Dieu ; qu’une femme brave de la sorte les périls de la route en des temps de grande incertitude, montre une fois de plus la vigueur de cette sainteté féminine ne reculant devant aucune forme d’ascèse y compris celles que l’on croyait réservées aux seuls saints hommes ; une autre sainte, déjà citée, Zaynab al-Qal‘iyya, originaire comme sa nisba l’indique de la Qal‘a des Banû Hammâd, contemporaine d’Ibn al-‘Arabî « abandonna librement le monde et partit vivre dans la région de la Mecque » ; elle pratiquait aussi la siyâha entre la Mecque et Jérusalem[136].

D’ailleurs, des figures orientales semblent avoir aussi pratiqué, depuis la haute époque, cette sainte pérégrination entre les lieux saints de l’islam, telle Fâtima al-Nîsâbûriyya (m. 223/838) qui, de la Mecque où elle résidait, allait à Bayt al-Maqdis (Jérusalem)[137] ; al-Hisnî relève, dans son tableau des premières figures féminines de sainteté en islam, plusieurs de ces « pérégrinantes », annoncées par la formule : wa minhunna ‘âbida wujidat fî l-siyâha (« et parmi elles, une ascète rencontrée en pérégrination »)[138]. La siyâha vers Bayt al-Maqdis traverse les siècles et continuera encore au Xe/XVIe siècle d’être un trait distinctif de cette ascèse des femmes. Plusieurs d’entre elles se sont distinguées par leur retraite, leur ascétisme (zuhd), leur renoncement aux biens de ce monde et leur dissociation d’avec leurs proches : tel est le cas de Fakhriyya bt ‘Uthmân al-Basrawiyya, Umm Yûsuf (m. 753/1352), « l’ascète de son époque » (zâhidat ‘asrihâ) qui rompit toute attache familiale et matérielle (kharajat ‘an ahlihâ wa mâlihâ), se retirant dans le haram de Bayt al-Maqdis (la Mosquée al-Aqsâ à Jérusalem)[139]. Hadiyya bt ‘Alî b. ‘Askar al-Baghdâdiyya (m. 712/1312), une sainte connue pour sa piété (wa kânat sâliha kathîrat al-salât) se retira à Jérusalem et y mourut[140].

L’idéal de sainteté au VIIIe/XIVe siècle, tel qu’il se laisse déduire de ces dictionnaires biographiques orientaux, même s’il donne une large place à la science, est encore dans une large mesure un idéal de prière surabondante (kathîrat al-‘ibâda), de recueillement et de lutte contre soi-même (ijtihâd) : ainsi Âmina bt al-Muwaffaq ‘Abd al-Rahmân b. al-Najm al-Maqdisiyya (m. 742/1342), connue pour sa transmission de recueils de traditions prophétiques (asma‘at) la faisant figurer dans les mashyakha (cursus studiorum) de traditionnistes notoires, est une sâliha, khayyira […] ‘âbida, khâshi‘a, kathîrat al-‘ibâda[141]. Ibn Fahd (m. 885/1480) évoque le souvenir de cette sainte anonyme d’origine alépine al-Halabiyya al-Sûfiyya, connue pour ses prouesses ascétiques et ses dévotions surérogatoires (kânat lahâ riyâdât wa mujâhadât) et  qui demeura 30 ans mujâwira (dans le saint voisinage du sanctuaire sacré de la Mecque)[142] ; il nous rapporte également l’ascétisme, vers la fin de sa vie, d’Umm Hâni’ (née en 823/1420)[143] bt ‘Alî b. Abî l-Barakât Muhammad al-Qurashî ; elle accomplissait, avec endurance, la ‘umra [le petit pèlerinage] à pieds, notamment durant le mois de Ramadan, où elle faisait une ‘umra par jour et ne quittait guère la mosquée (tulâzim al-masjid kulla yawm wa layla)[144]. Ruqayya, al-shaykha al-sâliha (m. 874/1470) bt ‘Abd al-Qawî b. Muhammad al-Bijâ’î al-Makkî, déjà citée, est connue pour son ascétisme, son mépris de ce bas-monde (zâhida fî l-dunyâ, qalîlat al-iktirâth bihâ) et sa dévotion[145]. Toutes ces saintes sont louées pour leur grande piété (kânat lahâ ‘ibâda wa ijtihâd), leur pratique de la prière de veille (al-qiyâm bi l-layl, kathîrat al-tahajjud bi l-layl), du jeûne et des circumambulations autour de la Kaaba (al-tawâf) (surtout dans le dictionnaire d’Ibn Fahd qui focalise sur la Mecque) ; elles sont également louées pour leur ascétisme et leur détachement des biens de ce monde, biens dont elles font aumône aux pauvres. Cet idéal d’ascétisme et de renoncement se retrouve encore chez les saintes du Xe/XVIe siècle sous la plume d’al-Ghazzî, telle Fâtima bt al-Tâdifî al-Hanbalî (m. 925/1519) qui renonça aux toilettes que revêtent les femmes du monde, voire à celui-ci dans sa totalité (aqla‘at ‘an malâbis nisâ’ al-dunyâ bal ‘an al-dunyâ bi l-kulliyya) et endossa une cape puis se rendit en pèlerinage à Bayt al-Maqdis (Jérusalem)[146] ; ou encore Bûrân bt al-Shihna (m. 938/1531), femme de lettres, savante et sainte (wa kânat sâliha khayyira) ; quand elle fut à l’agonie, elle rendit grâce à Dieu de n’avoir dans son coffre aucun dirham ni aucun dinar[147].

-Corps et ascèse

S’agissant du corps[148], et sans présenter des expériences comparables à celles des saintes chrétiennes dans leur mise à mal volontaire du corps prenant parfois des formes radicales ou extrêmes[149], nombreuses sont les sâlihât ayant acquis leur réputation de sainteté par la rigueur de leur ascèse et le port d’étoffes grossières (kisâ’ khalq ou encore khashin al-thiyâb) et de vêtements de bure (al-sûf) ; il en est ainsi de la marocaine Umayya bt Ya‘rûsin et cette vieille de Bâb Aghmât à Marrakech rencontrée, en 603/1207 par Ibn al-Zayyât à Ribât Shâkir[150] ou encore Mu’mina al-Tilimsâniyya, rencontrée par Ibn Qunfudh[151]. Leurs jeûnes prolongés (à l’image de l’andalouse Shams Umm al-fuqarâ’ qui pratiquait le jeûne continu)[152], leurs veillées de prière font que leur peau noircit, et, par évacuation progressive de la chair, en vient à coller aux os, telle la vieille de Bâb Aghmât et Munya bt Maymûn al-Dukkâlî. Certaines sont darîra (aveugles)[153] ; s’agit-il d’une cécité congénitale ou d’une cécité advenue en raison de l’abondance des larmes ? On ne peut trancher ; on sait, toutefois, que le modèle, non seulement existe, mais est encore prégnant[154]. La rigueur de l’ascèse de certaines, telle l’andalouse ‘Â’isha bt ‘Abdallâh b. ‘Âsim al-Andalusiyya (m. 705/1305), arrivera jusqu’à Dhahabî qui rapporte, d’après plusieurs témoins, son abstention de toute alimentation durant plus de 20 ans ; au-delà de la dimension édifiante de ce récit, il indique, néanmoins, un idéal de sainteté qui garde encore aux VIIe/XIIIe –VIIIe/XIVe siècles, toute sa prégnance ; elle s’était retirée, nous dit-il, dans une pièce au-dessus de la Mosquée al-Mu‘allaq à al-Jazîra al-khadrâ’ (Algeciras) en al-Andalus ; l’exemple de cette sainte de l’Occident musulman semble avoir inspiré d’autres femmes ascètes à Wâsit, en Iraq, et au Khwarizm, qui en avaient fait autant[155].

L’Orient avait déjà connu des figures célèbres par leur ascétisme telle Zahrâ’ al-Wâliha « semblable à un morceau de bois brûlé, vêtue de sûf et couverte d’un voile en poil noir ; elle paraissait exténuée par l’effort, mortifiée par l’affliction et consumée par l’amour »[156], ou encore Barada al-Sarîmiyya « dont les larmes, écrit Munâwî, étaient si abondantes qu’elle en perdit la vue »[157] ; il en est ainsi de ‘Ufayra al-Basriyya[158]. Au VIIIe/XIVe siècle, Ibn Hajar al-‘Asqalânî écrit au sujet de ‘Â’isha (m. 741/1340) bt Ibrâhîm b. Siddîq, qu’à force d’adoration, elle perdit la vue (wa kânat ‘adîmat al-nazar li-kathrai ‘ibâdatihâ)[159].

 

   2-Femmes et ribât 

Une tradition de murâbata des femmes, entendue ici comme pratique ascétique et de retraite pieuse est ancienne sur le littoral ifriqiyen : en effet, il paraît acquis aujourd’hui que des femmes en nombre pratiquaient le ribât, à telle enseigne qu’on a dû, à une date qu’on ne saurait fixer avec exactitude, leur édifier des bâtiments propres. En effet, al-Bakri (m. 487/1094), dont les observations concernent non pas le Maghreb du Ve/XIe siècle, mais celui d’un ou de deux siècles plus tôt[160], évoque « au sud du Qasr al-Munastîr[161], sur une grande place, [les] coupoles (qibâb) hautes et bien construites, fréquentées par les femmes murâbitât et connues sous le nom de Qibâb jâmi‘ »[162]. On sait qu’Ibn Sahnûn (m. 256/870) avait requis comme condition pour les femmes souhaitant accompagner leurs époux dans leur ascèse dans les ribât-s, que celle-ci fût « dans des lieux sûrs et bien peuplés, comme Alexandrie ou Tunis » ; la possibilité est moins nette pour les villes de Sfax et Sousse et il n’est pas question qu’elles se rendent dans les fortins servant de ribât sur la côte ifrîqiyenne[163].

La fréquentation par les femmes des ribât-s, voire probablement le séjour plus ou moins long dans ces institutions, devait connaître une certaine faveur au Maroc au VIe/XIIe siècle ; Ibn al-Zayyât agrège la sâliha Ti‘izzât bt. Husayn al-Hantîghî, Umm ‘Asfûr, aux « gens du Ribât de Mlûlâsin (min ahli Ribât Mlûlâsin)[164], sans plus d’informations ni sur la durée et la temporalité de ces séjours, ni d’ailleurs sur l’institution elle-même. En tout cas, la formulation accrédite bien l’idée d’un séjour prolongé, d’une murâbata (dans le sens de retraite et d’ascèse) et non d’une visite pieuse ou encore d’un pèlerinage ponctuel, comme il semble que l’on doive interpréter cette autre évocation par l’auteur du Tashawwuf  concernant Munya bt. Maymûn al-Dukâlî (m. 596/1198) ; en effet, Ibn al-Zayyât nous apprend que cette sâliha fréquentait en compagnie de murîdîn (aspirants) le Ribât Shâkir[165], un haut lieu de la sainteté féminine et de rencontre des sulahâ’ notamment durant le mois de Ramadân, occasion d’un pèlerinage annuel très populaire et où se tenaient des tribunes pour sermonnaires[166]. Ce pèlerinage annuel devait drainer, semble-t-il, un nombre important de femmes saintes, même si le propos attribué à Munya bt. Maymûn est très probablement exagéré : ‘‘cette année mille femmes saintes ont fréquenté ce Ribât’’ » (hadara bi-hâdhâ al-‘âm bi-hâdhâ al-ribât alf imra’a min al-awliyâ’)[167].

Une mention particulière doit être faite de l’ifrîqiyenne Umm Yahyâ Maryam (m. ap. 621/1224), sainte originaire d’al-Minya sur le littoral de la ville de Sfax en Ifrîqiya, et compagne du saint kairouanais Abû Yûsuf al-Dahmânî (m. 621/1224), et de l’adjectif de murâbita, dont cette sainte, à l’exception des sâlihât qui lui sont contemporaines, est créditée. Le caractère exclusif à Umm Yahyâ de cet adjectif de murâbita, alors que les désignations courantes adoptées par la documentation sont al-sâliha, al-‘ârifa bi l-Lâh, al-‘âbida, ne serait pas, de ce point de vue, arbitraire. S’il est vrai que les sources ne signalent pas pour l’époque une pratique collective de murâbata des femmes sur le littoral ifrîqiyen, à l’image de ce qu’avait constaté al-Bakrî, ne peut-on, du moins, retenir l’hypothèse d’une activité personnelle et probablement saisonnière de retraite pieuse à laquelle se serait livrée la sainte dans un ancien masjid-fortifié, comme ceux décrits ci-dessus par al-Tijânî sur le littoral tripolitain[168], ou encore dans une râbita voire dans l’un des nombreux ribât-s de la côte à certaines périodes de l’année, durant les mois sacrés ou encore lors de la ‘Ashûrâ’[169] ? Il est vrai que, là encore, les sources sont très avares d’informations, notamment sur Umm Yahyâ et sur al-Minya, son lieu d’origine ; une autre hypothèse serait que cet adjectif lui aurait été rétroactivement donné à la lumière de sa fréquentation, en compagnie du cheikh Abû Yûsuf al-Dahmânî, et à des fins de retraite pieuse, des qasr ou ribât-s du littoral, et qui, à l’époque almohado-hafside connaissent un regain de vitalité. Enfin, demeure aussi l’hypothèse qu’il s’agirait probablement de l’un des exemples les plus anciens dans les sources ifrîqiyennes de l’usage, bientôt générique, de murâbit, pour désigner un saint ou une réputation de sainteté et de vertu (salâh) vers laquelle pointe désormais de plus en plus le terme[170]. En tout cas, il n’est pas indifférent que cet adjectif, qui renvoie à l’une de plus anciennes catégories de saints et de dévots dont les notices figurent dans des dictionnaires comme le Riyâd al-nufûs d’al-Mâlikî, et que la mémoire, tant savante que populaire, retiendra plus tard pour désigner le saint homme, soit associé à une femme.

En Orient, au VIIIe/XIVe siècle, nombreuses sont les femmes connues par un ribât[171] ou encore résidant dans ce type d’institutions[172], comme cette Balagha al-Munâ al-Bâriziyya qui habitait le Ribât al-Quffâ‘iyya à la Mecque où elle avait trois khalwa-s (cellules)[173], ou encore ces deux sâlihât citées par Ibn Fahd et, à sa suite, Sakhâwî : Hâjir, désignée sous le prénom de Fâ’ida, fille du qâdi de Fayyûm, et sa compagne, Tujjâr bt al-Misriyya, qui faisaient partie des novices de la shaykha ‘Â’isha al-Zâhiriyya, déjà citée (wa kânatâ min fuqarâ’ al-shaykha)[174] ; d’autres sont désignées comme shaykhat ribât, à l’image de cette Sitt al-‘ulamâ’ surnommée al-Bulbul, shaykhat Ribât Darb al-Mahrânî à Damas, réputée pour sa piété la nuit et dès l’aube, ses sermons et ses homélies ; une foule nombreuse de femmes assista à ses funérailles (wa kânat janâzatuhâ hâfila bi l-nissâ’)[175], ou encore Zayn al-‘Arab (bt al-Jawbarânî), shaykhat Ribât al-Haramayn[176], ou enfin Hujjâb bt ‘Abdallâh (m. 725/1324), al-shaykha al-sâliha, shaykhat Ribât Baghdâd[177].

 

 

3-Entre Kasb et tawakkul

Nous sommes là au cœur de l’épineuse question de la relation aux biens, consubstantielle, chez le saint en islam, à sa doctrine de la connaissance et à son mode de sanctification et donc de réalisation spirituelle[178]. Là encore, c’est le modèle prophétique qui va servir de source d’inspiration ; d’après Sahl al-Tustarî, gagner sa vie, c’est suivre la sunna du Prophète ; s’en remettre à Dieu, c’est se conformer à son état (hâl). « L’interdiction de travailler qui est faite aux saints à un certain stade de leur parcours est assez fréquente et marque l’accès à cet état prophétique »[179]. La pratique des saints musulmans a oscillé entre ces deux pôles du kasb et du tawakkul[180] ; un même maître passant de l’un à l’autre, selon l’étape qu’il traverse dans son itinéraire de sainteté ; l’adoption de l’une ou l’autre de ces deux attitudes peut aussi relever d’un idéal de sainteté, le kasb étant le plus souvent synonyme de scrupule dans la conduite du saint à l’égard des biens matériels et de leur licéité. Les femmes saintes n’ont pas échappé, dans leur pratique religieuse et sociale, à cette question, au cœur de leur ascèse et de leur réalisation spirituelle. L’un et l’autre modèles ont été suivis, comme le montrent les exemples ci-dessous.

 

Fâtima bt Abî l-Muthannâ vivait à ses débuts du filage de la laine, mais, rapporte Ibn al-‘Arabî, Dieu lui enlève l’usage du doigt avec lequel elle filait ; désormais, elle est appelée à se confier totalement à Dieu (al-tawakkul) en matière de subsistance ; elle renonce à gagner sa vie et ne se nourrit que des restes que les gens laissaient[181]. Umm Muhammad al-Urbusiyya, cette sainte ifrîqiyenne, compagne spirituelle d’al-Dahmânî (m. 621/1224), s’auto-qualifie de « pauvre en Dieu, confiante en son Créateur (al-mutawakkila ‘alâ khâliqihâ), s’en remettant totalement à Lui »[182] ; peut-on en déduire une consécration totale de la sainte à l’adoration et à l’ascèse, s’abandonnant à Dieu pour sa subsistance, en d’autres termes vivant des aumônes et dons des fidèles, à l’image d’autres soufies contemporaines pratiquant le tawakkul ? Quasi contemporaine, ‘Â’isha al-Mannûbiyya, si l’on s’en tient à son hagiographie, n’aurait pas exercé d’activité économique et aurait vécu des dons de ses contemporains ; dons qu’elle redistribuait en aumônes aux plus pauvres[183]. Une telle pratique est aussi visible, vers la même époque au Machreq où al-Safadî évoque Sitt al-Ahl (m. 703/1303) bt ‘Alwân b. Sa‘îd b. ‘Alwân, al-shaykha al-sâliha al-musnida, originaire de Ba‘labak (Baalbeck) qui écrit-il « ne se soucie guère d’elle-même, de sa nourriture, ni d’aucun autre besoin (lâ tubâlî bi-nafsihâ fî ma’kal wa lâ ghayrihi)[184]

 

Parallèlement à ce modèle pratiquant le tawakkul, d’autres saintes vivaient de leur labeur ; nous avons déjà cité le cas d’Umm al-‘Ulâ al-‘Abdariyya (m. 647/1249) qui était préceptrice à la cour hafside : elle dépensait tout ce qu’elle gagnait au profit des pauvres parmi les prisonniers musulmans et afin de racheter les captifs à une époque où la course était florissante[185]. D’autres, sont particulièrement rigoureuses dans leur scrupule (le fameux wara‘) à l’égard des biens matériels, se défiant non seulement des dons en nature ou en argent, mais poussant le scrupule à refuser tout bien dont l’origine est jugée suspecte ; tel semble avoir été le cas de plusieurs saintes ; le modèle, on le sait, jouit d’une grande faveur dans la littérature biographique orientale de saints et de soufis (l’exemple de Râbi‘a al-‘Adawiyya qui refusait de coudre à la lumière d’une lampe dont l’huile provenait des pressoirs royaux, est bien connu)[186]. La conduite de cette sainte anonyme de Kairouan, contemporaine du faqîh al-Qâbisî (m. 403/1012)[187], évitant de passer par une rue éclairée par les lanternes des marchands aux revenus douteux, émut le célèbre juriste[188]. D’autres exemples nous sont rapportés par Ibn al-Zayyât dans son Tashawwuf : ainsi Umm Muhammad al-Salâma ne vivait que de ses récoltes[189] ; de même nous est rapportée l’épreuve de Munya bt. Maymûn al-Dukâlî, le jour où, par courtoisie à l’égard de son hôte, un commerçant de Marrakech qui l’avait invitée à manger, et bien que la nourriture l’eût « informée » sur son caractère illicite, elle en consomma un peu ; trois jours durant ses prières furent irrecevables[190]. Ibn Qunfudh quant à lui, fut témoin de l’ascétisme, du dépouillement et du scrupule de Mu’mina al-Tilimsâniyya qui vivait du filage de la laine et n’acceptait de dons de personne, y compris de lui, refusant même de recevoir le sayyid al-shurafâ’ (le chef des Ashrâf)[191] de l’époque, arguant de la fréquentation par ce dernier des gens de ce monde[192].

 

   4-Célibat et virginité 

Nous avons évoqué, ci-dessus, le cas de ces trois saintes restées toutes vierges (bikr) ayant choisi une forme assez rigoureuse d’ascèse dans les grottes et les cavernes. Le choix de la virginité voire du célibat, sans jamais être érigé, comme dans la sainteté chrétienne, en idéal de sainteté, fut néanmoins pratiqué par plusieurs saintes du Maghreb à l’époque médiévale, le modèle marial ouvertement revendiqué parfois, est probablement à la base de ce choix. Ce dernier perdurera d’ailleurs durant les siècles ultérieurs : sur les six sâlihât créditées de notices dans le dictionnaire biographique d’al-Kinânî (au XIXe siècle), le Takmîl al-sulahâ’ wa l-a‘yân, pour deux d’entre elles seulement est signalé explicitement un époux[193]. Ainsi, on notera l’importance relative du célibat féminin, souvent associé au type spirituel de la « ravie » en Dieu. A celles déjà évoquées, ajoutons Ruqayya al-Hintâtiyya, sainte morte célibataire comme le suggère le substantif figurant sur sa stèle funéraire : al-bint al-sâliha[194], et cette sainte, très probablement une esclave affranchie comme l’indique l’inscription figurant sur sa stèle funéraire : « al-hurra (la libre) al-tâhira (la pure), al-zakiyya (la chaste) al-sâliha (la sainte) al-taqiyya (la pieuse) al-muqaddasa (la sanctifiée) al-marhûma (Dieu lui fasse miséricorde) Diyâ’ »[195]. La sainte ifrîqiyenne la plus célèbre ayant opté pour le célibat, reste sans aucun doute ‘Â’isha al-Mannûbiyya : à l’âge de douze ans, elle reçoit la vision d’al-Khadir, qui l’aborde sous les traits d’un jeune homme : « tu es inscrite sur mes registres depuis 3000 ans » s’entend-elle dire. Afin de couper court aux ragots, son père décide de la marier ; mais elle refuse d’épouser, comme le veut la coutume de l’époque, son cousin germain, et s’installe, à une date que nous ignorons, à Tunis, la capitale des Hafsides, à Bâb al-Fallâq, dans le faubourg sud de la ville, où de nombreux compagnons d’al-Shâdhilî, dont certains figurent dans l’hagiographie, avaient également élu domicile. Son célibat d’ailleurs fera jaser, voire lui attira les foudres des juristes de son temps.

Le célibat était aussi pratiqué chez de nombreuses femmes du Machreq, débordant d’ailleurs le milieu des saintes, pour celui des musnidât (transmetteuses de recueils de traditions prophétiques), voire de femmes de la cour : Ibn Hajar en cite quelques unes appartenant toutes au VIIIe/XIVe siècle[196] ; d’ailleurs, certaines d’entre elles portent une kunya en « Umm » (Umm ‘Abdallâh, Umm ‘Abd al-Rahmân, etc.)[197].

 

5-Le mariage : une voie de sanctification ? Les couples de saints

Plus conforme à la norme sociale et religieuse devait être le mariage ; ce dernier est crédité en islam d’une valeur positive, le modèle par excellence étant le Prophète qui « fait du mariage sa sunna, donc l’une des voies d’accès à Dieu »[198]. Les couples de saints, et malgré la parcimonie de nos informations, ne sont pas absents des recueils hagiographiques ; le modèle d’ailleurs existe au Machreq depuis les trois premiers siècles de l’islam avec Amatullâh et son époux Rabâh al-Qaysî (m. v. 180/796), Ibn Abî l-Hawârî (m. 246/860) et son épouse Râbi‘a (ou Râyi‘a) bt Ismâ‘îl al-Shâmiyya (m. 229/843) ; Habîb al-Fârisî et ‘Umra ;  Silâ b. Ashyam (m. 95/713-4) et Mu‘âdha al-‘Adawiyya al-Basriyya[199]. Il n’est pas rare non plus que dans cette sainteté partagée, la supériorité de la femme sur son saint époux soit exaltée[200]. Dans le milieu ifrîqiyen des IIIe/IXe – IVe/Xe siècles, al-Mâlikî cite Taqiyya l’épouse d’Abû ‘Abdallâh al-Msûhî, dévot de la « classe » de Sahnûn (m. 240/854)[201], ainsi que Nusra l’épouse d’Ibrâhîm al-Muta‘abbid (m. 349/960)[202]  et Hasna l’épouse de Muhammad b. al-Hasan b. Nasr de Sousse (m. 341/952)[203]. En Ifrîqiya toujours, au VIIe/XIIIe siècle, dans le milieu madyanî, à Kairouan, signalons le cas d’Umm Yûsuf la première des quatre épouses d’al-Dahmânî qui nous est présentée comme sainte : elle est louée par son époux pour sa vertu, sa beauté, l’excellence et l’ancienneté de sa dévotion et de ses prodiges (wa taqaddama lahâ ‘ibâdatun wa karâmât)[204]. Toujours dans le même milieu madyanî mais à Tunis cette fois, l’épouse du cheikh Abû Sa‘îd al-Bâjî (m. 628/1231) est également sainte (sâliha) ; elle nous est montrée non seulement l’accompagnant aux lieux saints et, bravant pour cela bien des dangers, ainsi que lors de ses pérégrinations en Syrie, mais aussi à Manârat Qartâjanna, sur ce promontoire surplombant le littoral carthaginois, dans une tour à feu fortifiée où il s’était retiré, là même où elle sera enterrée.  Dans l’entourage d’Abû Sa‘îd, l’épouse de son compagnon Abû ‘Abdallâh Muhammad b. al-Haddâd al-Ûdhnî est présentée comme sâliha (sainte)[205]. De même, al-Hawwârî évoque ‘A’isha, l’épouse du cheikh Abû ‘Umar al-Jâsûs,  l’un des disciples du célèbre saint du Jérid, Abû ‘Alî al-Naftî (m. 610/1212), qualifiée d’al-hurra (femme libre) al-sâliha (la sainte) al-‘âbida (qui s’adonne aux exercices d’adoration) al-mu’addaba (qui respecte les convenances spirituelles)[206] al-muhibba (l’aimante)[207] ; tous ces attributs laudatifs renvoient au lexique de la mystique musulmane. En al-Andalus, Ibn al-‘Arabî évoque dans ses Futûhât sa « sainte femme Maryam bt Muhammad b. ‘Abdûn », ses « moments d’extase », et ses visions[208]. Au VIIIe/XIVe siècle, Ibn Nâjî signale Mallûka bt. ‘Abd al-Wahhâb d’origine marocaine, épouse du saint d’origine bédouine installé à Kairouan, Maymûn b. Zayd al-Kirfâh et qui se serait livrée à ses côtés à ses exercices d’adoration (wa ta‘abbadat ma‘ahu)[209]. Lors de sa siyâha dans le Maroc du VIIIe/XIVe siècle, et plus particulièrement dans la région d’Azemmûr, Ibn Qunfudh rencontre un couple saint : Abû Muhammad ‘Abd al-Wâhid al-Sanhâjî et « sa femme, la libre, la sainte, Fâtima », de qui il reçut la baraka et bénéficia, nous dit-il de ses saintes invocations (du‘â). Aux dires d’un faqîh dont l’auteur du Uns cite le propos, la baraka de Fâtima, qui avait prééminence sur son saint mari, rejaillissait sur celui-ci, (mâ huwa illâ fî barakat zawjatihi)[210]. On attribue au couple des travaux d’utilité publique tel le creusement d’un puits, sur la route, non loin de leur domicile.

 

  6- Compagnonnage spirituel et prémices d’organisation

Nous évoquons ici les cadres d’abord informels, puis prenant progressivement une forme plus institutionnelle de ce soufisme féminin en nous arrêtant sur trois formes qu’il a prises : celle du compagnonnage spirituel encore assez informel, puis des formes d’ascèse en commun ayant pour cadre une zâwiya, cette institution soufie qui commence à se diffuser à partir essentiellement du VIIe/XIIIe siècle, notamment en Ifrîqiya, et enfin, un encadrement propre aux femmes à l’intérieur d’une voie initiatique, les fameuses tâ’ifa-s notamment marocaines.

 

La relation de suhba (compagnonnage) reliant un maître et une femme est un trait commun du soufisme oriental et maghrébin : de nombreux exemples en sont attestés dans la tradition orientale des premiers siècles, sous la plume de Sulamî, notamment (telle Umm al-Husayn al-Qurashiyya qui « accompagna Abû l-Qâsim al-Nasrâbâdhî et Abû l-Husayn al-Khidrî et d’autres maîtres spirituels » ; ou encore ‘Unayza al-Baghdâdiyya qui était au service d’Abû Muhammad al-Jarîrî (m. 311/923-4), disciple de Junayd ; ou bien encore ‘Azîza al-Harawiyya qui accompagna ‘Abd al-Rahmân b. Shahrân à Hérat ou enfin Fâtima bt ‘Imrân  qui accompagna Abû ‘Abdallâh al-Zâhid à Dâmaghân)[211]. Pour les siècles ultérieurs, Ibn Fahd cite cette sainte et ascète compagne d’al-Suhrawardî, l’auteur des ‘Awârif al-ma‘ârif, notamment en hadîth, Makkiyya bt Abî l-Faraj Hibat Allâh (m. 549/1154)[212].

Parmi les compagnes d’origine andalouse d’Abû Madyan (m. 594/1197), figure emblématique du soufisme maghrébin, déjà cité, les sources évoquent Fâtima al-Andalusiyya qui aurait assisté, chez le cheikh à Fès, en compagnie d’autres compagnons, à un samâ‘ (oratorio spirituel) nocturne[213].

 

L’Ifrîqiya connaît, pour sa part, assez tôt, depuis le IVe/Xe siècle, une tradition de compagnonnage entre un saint homme et une sâliha ; les Manâqib du cheikh Muhriz b. Khalaf (m. 413/1022) évoquent une sâliha du nom d’Astûna qui accompagnait le cheikh (wa kânat tashab al-Mu’addib)[214], le visitait chez lui l’appelant « mon frère », tandis que lui l’appelait « ma sœur » ; nous n’en saurons pas davantage[215]. La relation qui semble avoir lié Umm Yahyâ Maryam (m. ap. 621/1224) à Abû Yûsuf al-Dahmânî est, tout à la fois, une relation de khidma et de suhba : service et compagnonnage, l’un n’excluant pas l’autre. Ibn Nâjî (m. 839/1435), dont le Ma‘âlim al-îmân (v. 808/1405), est compilé en grande partie à partir d’al-Dabbâgh, attribue à al-Dahmânî ce propos à l’adresse de ses premiers compagnons, au nombre desquels figure la sainte d’al-Minya : « mes premiers compagnons sont entrés par la même porte que moi et ont récolté ce que j’ai récolté, voire davantage »[216]. L’intimité spirituelle d’Umm Yahyâ avec al-Dahmânî nous est présentée comme comparable à celle qui liait le cheikh à un autre maître ifriqiyen de l’école d’Abû Madyan, le saint patron du Jérid dans le sud ifrîqiyen, Abû ‘Alî al-Naftî (m. 610/1213) : « ma maison, celle d’Abû ‘Alî [al-Naftî] et celle de la murâbita Umm Yahyâ […] ne forment qu’une seule et même maison »[217]. Ainsi, cette mystique appartient à l’école d’Abû Madyan, via le rameau d’al-Dahmânî, école qui commençait alors à se propager en Ifrîqiya. Selon son propre témoignage, elle avait coutume d’accompagner le cheikh dans ses pérégrinations (siyâha[218]). L’hagiographe, qui exalte l’attachement que portait la sainte à Abû Yûsuf, insiste sur le profond accord existant entre eux au niveau de leurs pensées intimes (al-khâtir) ; Ibn Nâjî évoque « la bonne intention et l’union dans l’amitié et le discernement des esprits » (niyya hasana wa ittihâd mahabba wa firâsa) qui liait Umm Yahyâ au cheikh Abû Yûsuf[219]. Ils nous sont montrés se consultant mutuellement au sujet des fuqarâ’ (les novices)[220] ; la sainte, par respect, s’en remettait à la décision du cheikh. Umm Yahyâ participait à des séances de récollection communes avec le cheikh dans les qasr du littoral, et l’hagiographe évoque la cohabitation avec le cheikh et sa famille à Mahdia, ainsi que les visites réciproques qu’al-Dahmânî et sa compagne spirituelle se rendaient mutuellement, ce dernier passant parfois, en compagnie de quelques disciples, la nuit chez elle, à al-Minya[221]. Evoquant la visite que la sainte rendit aux fils d’al-Dahmânî à la mort de ce dernier, à Kairouan, al-Dabbâgh rapporte qu’on proposa à Umm Yahyâ de s’asseoir à la place qu’occupait habituellement le cheikh ; elle refusa, répondant : « j’aurais honte devant Dieu de manquer aux convenances à l’égard du cheikh, mort, alors que je les respectais de son vivant »[222] ; ce récit, hautement symbolique, pointe une reconnaissance, par les descendants charnels du saint, du rang spirituel d’Umm Yahyâ Maryam, et de la nature des liens qui la rattachaient au cheikh al-Dahmânî.

 

Un autre exemple de compagnonnage en milieu ifrîqiyen est celui qui unit ce même saint kairouanais, Abû Yûsuf al-Dahmânî, à Umm Muhammad al-Urbusiyya[223] ; ce compagnonnage, ne nous est dévoilé qu’à l’occasion d’une lettre de condoléances qu’Umm Muhammad adressa aux enfants du cheikh, à la mort de ce dernier, et dont l’auteur (al-Dabbâgh) nous retranscrit le texte dans l’hagiographie du cheikh[224]. Il semblerait, au ton de la lettre de condoléances de trois folios, qu’Umm Muhammad ait été très proche d’al-Dahmânî, qu’elle qualifie de « maître de son temps », de « pôle » (la dignité la plus élevée dans la hiérarchie invisible des saints), de « diadème des gnostiques », « d’imâm des cheminants » et de « guide des aspirants sincères ». Le thrène se termine par un poème de treize vers, dans lesquels la sainte laisse libre cours à sa douleur, évoquant la lourde perte que constitue le décès du cheikh dont elle exalte, une fois de plus, les qualités spirituelles, invitant ses enfants à s’armer de longanimité et appelant sur lui la miséricorde divine.

Une autre compagne du cheikh al-Dahmânî est citée dans la Risâla de l’égyptien Safî al-Dîn, il s’agit de Sitt al-Mulûk qui, aux dires de l’auteur, « vint du Maghreb en compagnie du cheikh Abû Yûsuf al-Dahmânî », donc vers 595/1199, date du pèlerinage du cheikh ; elle visita Jérusalem et épousa le saint ‘Alî b. Ghulays al-Yamânî[225].

Une forme d’ascèse en commun (hommes/femmes) dans une institution soufie, type zâwiya, et sur laquelle nous ne disposons, malheureusement, que de peu d’éléments, est la cohabitation d’Umm Salâma Zaynab (m. 670/1272)[226] avec son fils dans la zâwiya de ce dernier, en compagnie de l’un de ses disciples. Les éléments hagiographiques les plus anciens concernant cette sainte figurent, en effet, dans la notice biographique consacrée à son fils Abû ‘Alî Sâlim al-Qadîdî (m. 699/1300) dans le dictionnaire d’Ibn Nâjî, Ma‘âlim al-îmân, rédigé v. 808/1405[227]. La sainteté d’Umm Salâma n’est pas pour autant une sainteté « par association » ; celle que l’on qualifie de « Râbi‘a de son temps » est sainte avant même que son fils n’ait achevé son initiation auprès de son maître Abû Hilâl al-Saddâdî, saint du VIIe/XIIIe siècle, originaire du Jérid, lié à l’école d’Abû Madyan (m. 594/1197) par des liens de fraternité spirituelle. En guise de testament spirituel, Abû Hilâl recommande au jeune novice d’être pieux envers sa mère[228], car lui dit-il « elle est dépositaire du secret de Dieu » (fa inna ma‘ahâ sirr Allâh)[229]. Lorsque le fils fondera, sur l’ordre de son maître, une zâwiya dans le village natal, elle s’y adonnera à ses exercices de piété et d’adoration ; une ascèse qu’elle mène aux côtés de son fils Sâlim et du disciple de ce dernier, ‘Ammâr al-Ma‘rûfî (m. v. 669/1270) (saint-patron aujourd’hui de la ville de l’Ariana, au nord de Tunis où il repose)[230]. C’est, en effet, l’époque qui voit l’apparition, puis la diffusion, des premières zâwiya, lieu de récollection et d’ascèse, regroupant autour d’un maître des dizaines de disciples. Dans le milieu soufi kairouanais, peu favorable à la promiscuité hommes/femmes, y compris âgées, cette ascèse à trois n’est pas dénuée d’une certaine originalité même si la chose n’est pas entièrement nouvelle, si l’on en juge par le cas, cité ci-dessus, d’Umm Yahyâ Maryam, la compagne d’Abû Yûsuf al-Dahmânî (m. 621/1224)[231], de peu antérieure. Une scène nous décrit Umm Salâma intercédant, avec succès, auprès de son fils en faveur de son  disciple entré en disgrâce pour avoir manqué aux convenances spirituelles (al-adab) concernant ses états spirituels (ahwâl) ; cette anecdote, outre sa dimension doctrinale et édifiante, exalte la piété filiale d’Abû ‘Alî Sâlim envers sa sainte mère et la haute considération dans laquelle il la tenait : le cheikh, souligne l’hagiographe, était resté, jusque là, sourd à toutes les requêtes que beaucoup de personnes avaient formulées en faveur du jeune disciple[232].

Cette ascèse dans la zâwiya de son fils ne semble pas, par contre, avoir été pratiquée par Umm al-Khayr, la mère du saint Abû ‘Alî Sâlim al-Tibâssî (m. 642/1244), disciple d’Abû Madyan[233] et l’un des compagnons de Shâdhilî, à Tunis ; c’est à l’inventaire des saints enterrés dans la nécropole du Sharaf, dans la capitale de Hafsides,  que l’on doit de connaître l’existence de cette sâliha[234] ; elle n’est nulle part évoquée dans l’hagiographie de son fils[235].

    Le Maroc nous offre probablement la mention la plus ancienne (VIIIe/XIVe siècle) pour le Maghreb d’une forme d’organisation propre aux femmes à l’intérieur d’une tâ’ifa, cette dernière étant, ici, synonyme de voie initiatique fondée par un maître autour duquel s’agrègent des disciples. En effet, dans son témoignage sur la sainte marocaine ‘Azîza al-Saksâwiyya[236], Ibn Qunfudh parle de tâ’ifat al-nisâ’ :

« Elle a des disciples parmi les hommes et parmi les femmes (lahâ atbâ‘ min al-rijâl wa atbâ‘ min al-nisâ’) et chaque tâ’ifa qui s’adonne à l’adoration et aux exercices de piété surérogatoire dans une région donnée, lui réserve une place qui lui est propre et lui dresse une tente au centre du campement, à proximité de la tâ’ifa des femmes (tâ’ifat al-nisâ’),  et personne ne bouge que sur son ordre »[237].

D’après le contexte, il semblerait que les femmes affiliées à une voie, étaient regroupées dans un cadre organisationnel propre à elles. Malheureusement, on ne peut en dire davantage, l’auteur ne donnant guère de détails, mais l’information est capitale, pointant une forme d’organisation de ce soufisme féminin resté jusque là plutôt informel.

Comment cette sainteté des femmes dont nous avons passé en revue les diverses formes de l’ascèse, fut-elle perçue par le milieu savant, aussi bien que par la vox populi ?

 

IV-La réception de cette sainteté et son inscription sociale

    Nous sommes là au cœur d’une problématique essentielle : celle de l’autorité, reconnue ou non, à ces femmes exemplaires ; tout d’abord au niveau de la hiérarchie spirituelle elle-même, c’est-à-dire de leur accès concédé ou refusé aux plus hauts degrés de la sainteté ; ensuite au niveau de leur reconnaissance par les ulémas et les détenteurs de l’autorité politique ; enfin, au niveau des pouvoirs, y compris surnaturels dont elles sont créditées. Furent-elles, comme leurs émules, les saints hommes, des médiatrices entre ciel et terre, entre Dieu et les hommes, ou encore entre ces derniers eux-mêmes, certaines se voyant investies de missions d’arbitrage dans les conflits opposant deux tribus ou deux confédérations de tribus, voire dans des conflits politiques où elles nous sont montrées dictant leur conduite aux princes et aux ulémas ? La sainteté fut-elle la voie royale à certaines d’entre elles pour échapper au contrôle social, voire au statut d’esclaves ?  Les formes de leur ascèse, leur pratique religieuse et sociale ont-elles fait l’objet de contestations de la part des milieux juridiques ? Davantage : certaines se sont-elles vu dénier, par ces mêmes milieux, leur statut de sainte ?

 

  1 -Femmes saintes, autorité et pouvoir

 

Certaines femmes sont créditées des plus hauts degrés dans la voie de la sainteté, notamment le degré de l’esseulement (al-fardâniyya) et des plus hautes fonctions dans la hiérarchie ésotérique des saints : celle de pôle (al-qutbiyya) et celle de la lieutenance divine (al-khilâfa), dont une sâliha comme ‘Â’isha al-Mannûbiyya (m. 665/1267), volontiers comparée à Marie, offre un exemple digne d’intérêt, à une époque et dans un milieu où la sainteté apparaît de plus en plus comme l’héritière des prophètes et surtout du prophète Muhammad et de l’archétype même de sainteté en islam, la haqîqa muhammadiyya.

Les « esseulées » (al-afrâd) ou le degré suprême de la sainteté

Munya b. Maymûn (m. 595/1198), la sainte marocaine citée par Ibn al-Zayyât dans son Tashawwuf  avait atteint la station de l’Esseulement (wa kânat min al-afrâd), c’est-à-dire de la Proximité avec Dieu, le degré suprême de la sainteté chez Tirmidhî et à sa suite chez Ibn al-‘Arabî[238], au-delà duquel ne subsiste aucun degré. Une autre sainte ayant atteint ce maqâm (ou station spirituelle), citée également par le Tashawwuf, est Umm Muhammad al-Salâma (ou Tîn al-Salâma), dont « la réputation était grande parmi les esseulés » (kabîrat al-sha’n fî l-afrâd)[239].

De la figure de Marie à celle de qutba (pôle en sainteté) : héritage prophétique et fonction eschatologique

 

La figure de sainteté de ‘Âisha al-Mannûbiyya est associée à celle de Marie (Maryam) ; son hagiographie revendique un triple legs marial, de gratification, de purification et d’élection, dont la sainte est dépositaire :

« J’ai hérité de Marie -paix sur elle- trois traits : le premier, la parole divine : « Car Dieu gratifie qui Il veut sans compter » [Cor. III : 37] ; le deuxième, cet autre verset : « Ô Marie, d’où cela te vient-il ? Cela vient de Dieu, dit-elle » [Cor. III : 37] et le troisième, ce propos de Dieu -exalté soit-Il- : « Lors les anges dirent : « Marie, Dieu t’a élue et t’a purifiée : Il t’a élue sur les femmes des univers » [Cor. III : 42]. Moi aussi, j’ai reçu trois qualités : Dieu m’a gratifiée, m’a parlé, m’a soutenue, m’a élue et m’a purifiée »[240].

Il s’agit là d’une insigne dignité, Maryam représentant l’archétype coranique féminin par excellence de la sainteté. D’autre part, l’hagiographie de ‘Â’isha est émaillée de propos extatiques, où apparaît clairement la fonction cosmique et eschatologique attribuée à la sainte. Elle est, en effet, héritière des prophètes : pour chaque prophète cité (Nûh –Noé–, Adam, Shît –Seth–, Ibrâhîm, Dâwûd, Sulaymân, Mûsâ, ‘Isâ –Jésus– et Shu‘ayb), ‘Âisha revendique « la totalité de son héritage » (akhadhtu wirâthatahu)[241], imitant en cela le Prophète Muhammad qui contient la totalité des types prophétiques et intègre en sa personne « les vertus spécifiques de chacun d’eux »[242]. Quant à l’héritage à proprement parler muhammadien, la sainte se glorifie de l’avoir reçu du Prophète lui-même, le Maître par excellence[243] ; la vision du Rasûl (l’Envoyé) par la sainte requiert une dimension initiatique au sens le plus technique et le plus ritualisé du terme[244]. L’hagiographe attribue à ‘Âisha plusieurs propos où elle se proclame « Pôle des pôles » (qutbat al-aqtâb -on peut remarquer, au passage, la féminisation de ce vocable ainsi que d’autres-) et « vicaire de Dieu » (khalîfat Allâh)[245] ; les Manâqib nous livrant même une scène d’intronisation à cette station de « pôle » au cours de laquelle Dame ‘Âisha reçoit d’une assemblée de saints un pacte d’allégeance (bay‘a)[246]. Or, chez Ibn al-Fârid, le Pôle des pôles, cet axis mundi autour duquel pivotent toutes les réalités existenciées et tous les pôles, et qui est envoyé comme miséricorde pour les univers, est la réalité muhammadienne (al-haqîqa al-muhammadiyya) ; la lieutenance est l’un des autres noms du qutb et l’une de ses fonctions essentielles[247]. La reconnaissance au VIIIe/XIVe siècle à une femme de cette dignité est un signe fort, même si Ibn al-‘Arabî dans ses Futûhât s’était déjà fait l’apôtre d’une parfaite égalité à ce niveau entre les hommes et les femmes « qui ont leur part de tous les degrés, y compris celui de la fonction de pôle »[248].

-Des médiatrices au du‘â’ exaucé

La figure du saint exaucé est consubstantielle aux premières expériences de sainteté en Orient comme en Occident musulman[249] ; lorsqu’on venait solliciter un du‘â’ (invocation) de ‘Abd al-‘Azîz al-Tûnusî (m. 486/1092), il avait coutume d’envoyer le requérant chez sa sœur (ya’muruhu an yadhhaba ilayhâ litad‘uwa lahu), écrit Ibn al-Zayyât[250]. Fâtima al-Sanhâjiyya, cette sainte déjà citée, rencontrée par Ibn Qunfudh lors de sa siyâha à travers le Maroc, plus précisément à Azemmour, était connue pour ses invocations (ad‘iya) impressionnantes (‘azîma) qu’on serait, écrit-il, incapable de réciter, même d’un livre (yaqsir ‘anhâ man yasruduhâ min kitâb) : « les gens, écrit-il, affluaient de toutes parts dès qu’ils avaient ouïe de la ‘‘sortie’’ de la sainte afin d’écouter ses invocations » ; la sainte se présente debout puis laisse retomber sur elle un kisâ’[251], et aussitôt, commence à égrener un flot d’invocations puissantes[252].

Autorité juridique, sermons et missions d’arbitrage

Nous avons déjà évoqué la figure de la sainte savante, notamment en sciences religieuses ; que cette autorité soit reconnue, notamment au niveau juridique, en plein VIIIe/XIVe siècle, période de résurgence du rite mâlikite, est un autre signe fort quant à la réception de cette sainteté des femmes dans le milieu marocain. C’est le cas de la marocaine ‘Azîza al-Saksâwiyya, versée, nous dit Ibn Qunfudh, l’auteur du Uns, dans le fiqh et autres sciences religieuses : sa science et ses réponses, dûment argumentées, suscitaient l’admiration du maître de Marrakech, ‘Âmir b. Muhammad al-Hintâtî, ayant lui-même une solide érudition et une grande éloquence (mâ ra’aytu anfadha min hujjatihâ fîmâ tahtajju ‘alayya bihi)[253]. Elle jouissait d’une autorité telle qu’elle était souvent sollicitée pour des missions d’arbitrage dans les conflits opposant deux tribus ou deux confédérations de tribus ; Ibn Qunfudh, l’accompagne dans l’une de ses missions et nous livre son témoignage :

 

« C’est elle, écrit-il, qui amena ‘Amîr b. Muhammad al-Hintâtî qui avait levé une armée de 6000 hommes, à renoncer à assiéger le Saksawî, lui promettant –et lui obtenant- l’allégeance des tribus »[254].

 

‘Azîza al-Saksâwiyya fait écho à cette sainte d’Iraq, Fâtima bt ‘Abbâs (m. 724/1324), contemporaine d’Ibn Taymiyya (m. 728/1328) al-shaykha, al-mudarrisa, al-faqîhiyya al-wâ‘iza, qui montait en chaire et discutait avec Ibn al-Wakîl (m. 791/1389) le point de vue théologique sur les menstrues[255].

 

Une autre forme, en effet, d’autorité incarnée par les sâlihât –et reconnue- par leur milieu, est la pratique du sermon : l’un des rares exemples que nous livre l’hagiographie maghrébine est celui de cette même sainte, ‘Azîza al-Saksâwiyya, dont Ibn Qunfudh évoque « l’éloquence dans ses réponses juridiques, ses injonctions et ses sermons » (hiya fasîha jiddan fî ajwibatihâ wa awâmirihâ wa wa‘zihâ) et l’attroupement des gens autour d’elle (wa ra’aytu al-nâs yatazâhamûn ‘alayhâ)[256]. Au Machreq, à part Fâtima al-Baghdâdiyya que l’on vient aussi de citer, les biographes évoquent deux autres sermonnaires : Sitt al-‘ulamâ’ surnommée « Bulbul » (m. 712/1312), la Shaykha du Ribât Darb al-Mahrânî à Damas, dont la qualité des sermons avait fait sa réputation[257] et Dayfa (m. 763/1362) bt Shams al-Dîn Muhammad b. Bishâra al-Kilâbî connue pour ses sermons à l’adresse des femmes (wa kânat ta‘iz al-nisâ’)[258].

Dans un autre domaine, cette fois, celui de la transmission du hadîth, dans lequel maintes sâlihât orientales se sont distinguées, les auteurs de dictionnaires biographiques de a‘yân signalent leur reconnaissance par les plus grandes autorités en la matière ; telle était « unique à son époque » (tafarradat fî waqtihâ) ; telle autre était un maître reconnu (qara’a ‘alayhâ ‘adîdûn)[259].

La dimension doctrinale

Au niveau doctrinal, et à de très rares exceptions, les saintes maghrébines ne nous ont guère laissé d’écrits ; seuls quelques aphorismes, propos extatiques, exhortations et enseignements divulgués à leurs disciples, nous renseignent sur ce soufisme féminin ; plus rarement, des invocations nous font pénétrer l’univers spirituel de ces femmes et leur expérience intime du divin. Nous avons déjà évoqué le thrène adressé par Umm Muhammad al-Urbusiyya aux enfants du cheikh Abû Yûsuf al-Dahmânî (m. 621/1224) dans lequel on perçoit une dimension doctrinale : il s’ouvre sur un hymne à l’Unicité et à la transcendance divines, ainsi que sur l’évocation de quelques Attributs et Noms divins ; il s’agit de l’un des rares témoignages de cet ordre dans le milieu soufi féminin pour l’époque :

« En Dieu se trouve une compensation à toute chose ; œuvrer à se rapprocher de Lui empêche de s’occuper des morts comme des vivants ; dans l’acceptation de Son bon-vouloir, se trouve une consolation face à tout malheur, et dans l’agrément au bien-fondé de Son choix, un réconfort face à toute cause d’affliction. Car c’est à Lui qu’aspirent les amoureux ; Il est la fraîcheur des yeux des gnostiques, le trésor de ceux qui s’abandonnent à Lui et l’ultime désir de ceux qui suivent la voie droite et ont réalisé leur vraie réalité. Il choisit qui Il veut parmi ses serviteurs, éloignant leur être intime de la vue de la jalousie, et purifiant leur extérieur de la souillure de leur humaine condition ; aussi, affrontent-ils toute chose avec satisfaction et respect des bonnes convenances [avec Dieu] ; aucun malheur ne les frappe qui ne soit pour eux une échelle les menant aux plus hauts degrés et demeures. […] Votre cheikh était semblable à la mer que rien n’altère, et à la pureté que rien ne ternit. De lui, les réalités [spirituelles] sont puisées, et dans l’imitation de son exemple se trouve un soutien pour quiconque œuvre à chasser [de son âme] les préoccupations terrestres ; la mort n’est-elle pas le bien excellent réservé [par Dieu] aux saints et le vœu des purs » (tuhfat al-awliyâ’ wa umniyat al-asfiyâ’) ? [260]         

L’auteur des Manâqib de la sainte de Tunis, ‘Â’isha al-Mannûbiyya (m. 665/1267), crédite la sainte de propos de jactance dont la portée doctrinale a été explicitée ci-dessus. Il lui attribue également un certain nombre de sapiences et d’exhortations qu’elle prodigue notamment à son disciple ‘Uthmân al-Haddâd (VIIe/XIIIe) :

– « Ô ‘Uthmân, ne sois pas fier, ni orgueilleux ; recherche les lieux inhabités (al-khalâ’) et la retraite (al-khalwa) car si le serviteur vide (khalâ) son cœur du souvenir des hommes, il le remplit par Dieu –exalté soit-Il ; évite les assemblées de fuqarâ’[261] de nos jours, car leurs réunions sont mensonge, leurs cœurs sont dépourvus d’intimité (uns) et de leur dhikr, tout sentiment est absent ». -« Ô ‘Uthmân, il n’y a aucun bien à invoquer Dieu par la langue alors que le cœur est absent » – « Si le serviteur obéit à Dieu en toute chose, le Tout-Puissant lui révèle les déficiences de ses œuvres ; aussi s’en préoccupe-t-il au lieu de s’en prendre aux créatures »[262].

L’idéal de sainteté qui se dégage de cet enseignement spirituel est fait de renoncement au monde, d’humilité et d’ascèse constamment habitée par le Rappel (dhikr), le souvenir permanent de Dieu, dont la pratique est vivement recommandée ; une sainteté d’observance scrupuleuse où l’avilissement de l’âme charnelle (nafs), le combat de ses vains désirs, la mort des sens, l’invite à la prière sur le Prophète et au respect de sa sunna (faits, gestes et propos), dont les vertus sont maintes fois rappelées, occupent une place centrale.

Pour le Machreq, nous avons déjà cité Sitt ‘Ajam bt al-Nafîs al-Baghdâdiyya (encore en vie en 686/1287), la commentatrice d’Ibn al-‘Arabî ; à part le Sharh al-Mashâhid al-qudusiyya, elle est l’auteur d’un autre ouvrage de soufisme, très proche du premier : Kashf al-kunûz[263]. Ibn Fahd cite la composition par Kamâliyya (m. 849/1445) la fille du qâdî Taqî al-Dîn Abî l-Yumn Muhammad al-Harâzî, d’un poème en l’honneur du Prophète[264]. Les biographes ont recensé non moins de cinq ouvrages de soufisme et de poèmes à la gloire du Prophète attribués à ‘Â’isha al-Bâ‘ûniyya (m. 922/1516), tous nommément cités dans sa notice[265] ; retenons à titre d’exemple al-Ishârât al-khafiyya fî l-manâzil al-‘aliyya, qui est un résumé (en vers) du livre d’al-Ansârî al-Harawî, Manâzil al-sâ’irîn[266].

 

    2-Les pouvoirs surnaturels

Dans les prodiges attribués aux sâlihât du Maghreb et qui embrassent la typologie usuelle des karâmât dont sont crédités les awliyâ’, aucune discrimination ne se laisse percevoir, ni encore de spécialisation ; ces karâmât donnent la mesure de la présence de ces saintes dans la vie des hommes et de la cité, souvent en relation étroite avec le contexte de l’époque. Telle sainte est qualifiée de « thériaque éprouvé » (tiryâq mujarrab), telle autre de « gardienne du Littoral » (ghafîrat al-Sâhil) ; nombre de saintes sont des visionnaires réputées pour leurs dons de claire-vue.

L’auteur du Tashawwuf nous rapporte que chez les Masmûda, 27 saints « traversent les airs » (yakhtariqûn al-hawâ’) et parmi eux, 14 sont des femmes : trois sont citées dans son dictionnaire : une vieille du Dra‘, une autre vieille sainte aveugle du pays Haskûra, la sâliha Tîn al-Salâma du Dukkâla[267]. Zaynab al-Qal‘iyya, contemporaine d’Ibn al-‘Arabî (m. 638/1240), « quand elle s’asseyait, écrit-il, pour pratiquer l’invocation, elle s’élevait à quinze mètres  du sol ; puis elle redescendait quand elle avait terminé son dhikr »[268].

Ibn al-Zayyât évoque, d’autre part, le don de claire vue de Tîn al-Salâma : il s’agit ici d’un type spirituel appelé à une grande postérité dans la sainteté des VIIIe/XIVe et IXe/XVe siècles : le saint ou la sainte visionnaire. L’auteur attribue à cette sainte une vision de la victoire des Almohades (al-Muwahhidûn) à al-Arak (Alarcos) en 591/1195[269]. Quant à Munya bt. Maymûn al-Dukkâlî, elle fut « informée » (qîla lî), de manière surnaturelle de sa mort prochaine[270]. Ibn al-‘Arabî nous livre son témoignage sur les dévoilements « remarquables » de Shams Umm al-fuqarâ’, notamment à son sujet ; « elle avait le pouvoir d’exprimer les pensées des autres. Ses révélations étaient véridiques »[271]‘Azîza al-Saksâwiyya, nous dit Ibn Qunfudh, était connue pour son don de claire-vue, devançant les questions de son interlocuteur[272].

Parmi ces saintes « visionnaires », il convient de distinguer celles qui sont chargées de divulguer des messages prophétiques, un phénomène appelé à prendre une grande ampleur à partir des VIIIe/XIVe – IXe /XVe siècles chez les saints hommes[273] et dont nous avons, là, les prémices ; qu’il s’agisse de sâlihât, cela devrait ouvrir la voie à reconsidérer la question des karâmât (prodiges) et, au-delà, la place des femmes dans la sainteté islamique. Telle sainte, comme l’ifrîqiyenne Mu’nisa al-Msûhiyya, citée par Ibn Nâjî au nombre des ‘âbidât du IIIe/IXe siècle, a une vision du paradis dans laquelle la prééminence du saint et faqîh Abû Muhammad ‘Awn b. Yûsuf al-Khuzâ‘î (m. 240/854) sur un shahîd (martyr), autre catégorie de la perfection humaine en islam, est reconnue grâce à sa science (fuddila ‘alayhi bi l-‘ilm)[274] ; le message est clair : on cherche vraisemblablement à accréditer le paradigme d’une sainteté de science plutôt que d’effusion du sang ; que la médiatrice soit une femme n’est pas insignifiant. Parmi les saintes créditées d’une vision du Prophète, à charge pour elle de divulguer un message, Ibn Nâjî évoque cette vieille du quartier (‘ajûz al-hâra), une sainte non identifiée, déjà citée, contemporaine du faqîh Ibn al-Qâbisî (m. 403/1012), qui est chargée par le Prophète dont elle reçoit la vision (ra’aytu al-nabî […] fa-qâla lî…) de prévenir le juriste de sa mort prochaine et de la nécessité de s’y préparer (qul lahu ta’ahhab fa’innakâ ‘indanâ laylata al-ithnayn)[275]. Une autre anecdote est rapportée par Ibn Qunfudh et concerne une sainte aveugle, anonyme elle aussi, qui vivait retirée dans une grotte ; le destinataire du message délivré par la sâliha est Abû l-Hasan b. Yûsuf al-Sanhâjî, un saint des Âyit Mahbûb rencontré par l’auteur lors de sa siyâha au Maroc, et dont la renommée était grande parmi les bakkâ’ûn (les saints connus pour l’abondance de leurs larmes)[276] ; la sainte lui divulgua un message prophétique (amr nabawî) qui, grâce à sa baraka, lui aurait été dévoilé (kushifa lahu bi-barakatihâ) ; aussi, succomba-t-il dès qu’il le vit (‘inda mu‘âyanatihi)[277].

« [Umm Yahyâ, la compagne spirituelle d’Abû Yûsuf al-Dahmânî (m. 621/1224)] faisait partie des plus grands saints, écrit al-Dabbâgh, on lui connaît de nombreux prodiges ; je ne les cite pas par souci de concision »[278].

Plusieurs récits de prodiges exaltent son don de claire-vue, sa connaissance des mystères, ses dévoilements (al-ikhbâr bi-ba‘d al-mughayyabât wa l-kashf) et son pouvoir sur les animaux[279]. Ibn al-‘Arabî rapporte comment Fâtima bt. Abî l-Muthannâ, une nuit, sa lampe venant à manquer d’huile, sa main trempa, dans l’obscurité, dans de l’eau contenue dans un récipient qui se trouvait près d’elle, sur quoi, une invocation lui échappa, et l’eau fut aussitôt changée en huile[280]. D’ailleurs l’auteur rapporte qu’elle lui confia que la Fâtiha [la sourate liminaire du Coran] lui a été donnée et qu’elle est ‘‘à son service’’, racontant comment elle ‘‘l’envoya’’, un jour, à Sharîsh Sidûniya (Jerez de la Frontera) à deux jours de voyage de Séville, ramener un homme dont sa femme s’était plainte à elle qu’il allait prendre une deuxième épouse[281].

Les pouvoirs miraculeux attribués à ‘Â’îsha al-Manûbiyya (m. 665/1267), qualifiée de « thériaque éprouvé »[282], sont entièrement au service des hommes : son hagiographe relate quelques cinquante deux prodiges in vita et post mortem au nombre desquels figurent : guérisons, libération de captif, pluies bénéfiques, secours dans l’indigence matérielle, protection des voyageurs et des transfuges, prédictions, restitution des facultés mentales, etc. Elle est sollicitée par des gens de toutes conditions, y compris par des savants, des juristes ou de hauts fonctionnaires. La dimension sotériologique est également très présente dans cette sainteté, l’hagiographie exaltant les pouvoirs d’intercession de la sainte à qui Dieu « donna l’arche du salut »[283].

Umm Salâma Zaynab (m. 670/1272) est qualifiée de « gardienne du Sâhil » (ghafîrat al-Sâhil)[284] ; quant on sait que la protection fut l’une des principales « fonctions » attachées à la sainteté en islam, notamment au Maghreb à l’époque médiévale, où émerge la figure du patron terrestre et céleste[285] qu’incarne désormais le saint, on mesure toute la signification attachée à cet adjectif dont la sainte de Manzil Qadîd est créditée. Plusieurs prodiges post-mortem sont attribués à Umm Salâma dont trois focalisant sur son corps sanctifié, où nous croyons percevoir le modèle prophétique ; cet intérêt pour le corps, locus des grâces probatoires, retient l’attention dans un dictionnaire biographique peu prolixe en matière de sainteté féminine :

Lors de sa toilette funéraire, le corps d’Umm Salâma était parfaitement docile entre les mains de ses brus et « se retournait au gré de leurs besoins »[286] ; elle avait recouvert, de sa main, ses parties intimes. [Un autre récit exalte sa conscience de son indigence ontologique] : lorsque son fils, Abû ‘Alî Sâlim, qui la porta en terre, voulut lui recouvrir la tête, elle lui ôta la main en signe de désapprobation ; le fils s’exécuta[287] [elle ne voulait pas être privée d’un contact direct avec la matière la plus humble d’où l’homme fut créé (Cor. XXXV : 11)]

Assiste-t-on à un certain « retrait » du merveilleux dans les critères de sainteté féminine dans la production biographique issue des milieux savants, notamment de traditionnistes, en Orient aux époques Ayyûbide et mamelouk ? C’est ce qui ressort à la lecture des notices de saintes, figurant dans ces dictionnaires de a‘yân ; en tout cas, on y observe une grande discrétion : c’est ainsi qu’une des rares évocations de karâmât (prodiges) apparaît sous la plume d’al-Safadî, dans la notice qu’il consacre à Fakhriyya bt ‘Uthmân al-Basrawiyya (m. 753/1352) : wa kâna lahâ karâmât[288]. Ceci étant dit, très souvent, nos biographes, notamment Ibn Fahd, emploient l’adjectif « mubâraka »[289] (qu’une traduction minimale rendrait par « bénie », mais qu’on peut aussi traduire par « porteuse d’un influx bénéfique » (la baraka), cette force miraculeuse, comparable à la virtus du saint chrétien, et qui n’est autre que la manifestation en lui du pouvoir de Dieu. Ainsi dans la notice consacrée à Balagha l-Munâ al-Bâriziyya, Ibn Fahd écrit « elle avait une force, une rigueur[290] et une baraka telles qu’elle se rendait au Hijâz et dans les vallées environnantes, afin d’y vendre des parfums (al-tîb) et revenait saine et sauve »[291]. Au Xe/XVIe, la même retenue est encore observée dans les Kawâkib al-sâ’ira d’al-Ghazzî, parmi les rares évocations de pouvoirs surnaturels attribués à des femmes, on retrouve les dons d’exorcisme de djinns par la ruqya[292], et dont l’auteur loue l’efficacité, attribués à Bây Khâtûn al-Halabiyya, la nièce du shaykh al-islâm Zayn al-Dîn ‘Umar  b. al-Shammâ‘ ; ce dernier lui rendait souvent visite et c’est sous sa direction qu’elle étudia une partie du Ihyâ’ ‘ulûm al-dîn de Ghazâlî[293]. Une autre mention de dons surnaturels, cette fois de claire-vue, se trouve dans la notice de Khadîja al-Sâlihiyya, en qui les gens croyaient (wa kâna li l-nâs fîhâ i‘tiqâd) ; ce don de vision prémonitoire s’exerçait de nuit ; elle en délivrait la teneur le lendemain[294].

Les exemples que nous venons de citer montrent quelques modalités et formes de reconnaissance par le milieu, tant savant que populaire, de la sainteté des femmes, de leur excellence, n’ayant rien à envier à celle des hommes, ainsi que de l’autorité et de l’aura que leur confère leur statut de saintes, et enfin de leurs charismes, lesquels sont parfaitement similaires à ceux reconnus aux saints hommes. Ce tableau ne devrait pas, pour autant, occulter les problèmes, le poids du contrôle social, les suspicions, les tensions, voire les condamnations encourues par certaines saintes.

 

    3-Le poids du contrôle social

Nous abordons ici une question essentielle qui, s’agissant des femmes, peut difficilement être éludée. La reconnaissance à ces femmes d’un statut d’excellence n’alla pas toujours de soi ; certaines se sont même vues suspecter, qui, dans sa moralité, qui dans la santé de ses facultés mentales, voire dans l’origine, satanique et non divine, de son inspiration et de sa conduite[295]. Ceci pour les cas documentés ; pour les autres, celles qui n’ont point accédé à la dignité de figurer dans un dictionnaire biographique, on ne saura jamais ; le poids du contrôle social, exercé en amont, a peut-être contrarié certaines carrières, lesquelles, confinées, resteront à jamais dans l’ombre. Les femmes ont-elles dû manifester un « surcroît d’héroïsme » afin de « transcender les limites étroites à l’intérieur desquelles se déroulait leur existence quotidienne » ?[296] Et quand la femme est au plus bas de l’échelle sociale, une esclave par exemple, la sainteté a-t-elle constitué une sorte de voie royale, certes, étroite, mais assurée, d’échapper à un destin cruel et d’accéder à la liberté ; une liberté qui, quelque soit, cette fois, le statut juridique ou social de la femme, était somme toute plus grande, en soufisme, que dans la vie courante ? C’est ce que nous examinons ci-dessous.

-La sainteté, voie royale à la liberté ?

Parmi les sépultures de femmes saintes dont les stèles funéraires nous ont été conservées, figure celle de cette Diyâ’, déjà citée, décédée à Tunis en 682/1283, vraisemblablement une esclave (noire ?) affranchie, comme tendrait à le confirmer l’absence de filiation dans son épitaphe, d’une part, et son ism (prénom) : un euphémisme, diyâ’ signifiant lumière, clarté. Afin de mesurer le chemin parcouru, par le truchement de la sainteté, de cette ancienne esclave, il n’est que de rappeler les adjectifs figurant sur son épitaphe : « al-hurra (la libre) al-tâhira (la pure), al-zakiyya (la chaste) al-sâliha (la sainte) al-taqiyya (la pieuse) al-muqaddasa (la sanctifiée) al-marhûma (Dieu lui fasse miséricorde) Diyâ’ »[297]. Le cas le plus célèbre dans l’hagiologie de l’islam est celui de Râbi‘a al-‘Adawiyya[298], donnée comme ancienne esclave affranchie du clan d’al-‘Atîk. Les dictionnaires biographiques orientaux citent nombre de saintes noires ou esclaves d’origine (citons à titre d’exemple, Maymûna al-Sawdâ’[299] ou encore Fâtima bt ‘Abd Allâh connue comme Juwayriyya (« la petite esclave »)[300]. Au IXe/XVe siècle, Ibn Fahd cite Nasîm al-Habashiyya (m. 859/1455), surnommée al-Junaydiyya en raison du voisinage de sa maison avec la zâwiya d’al-Junayd à la Mecque ; ancienne esclave affranchie (‘atîqat), elle était connue pour son dhikr inlassable (lâ yaftur lisânuhâ ‘an dhikr Allâh)[301]. Tel semble aussi être le cas de Yahib Allâh bt ‘Abdallâh al-Habashiyya, dont l’auteur d’al-Durr al-kamîn nous livre une liste de ses samâ‘ât[302] ; ou enfin Balagh al-Munâ al-Bâriziyya, une autre esclave affranchie (‘atîqat)[303] et d’autres sâlihât dont l’ascendance n’est pas indiquée.

 

-Les contestations

 

Nous évoquons, ci-dessous, quelques contestations ou accusations qu’eurent à encourir certaines saintes, du fait de leur pratique religieuse et sociale, contestations affleurant dans quelques anecdotes, et dont la fonction, dans une source à caractère édifiant telle que les manâqib ou encore les dictionnaires de saints, est d’avérer ou encore de « prouver » l’élection du personnage ; les prophètes n’ont-ils pas encouru les pires avanies, contestations et accusations ? Ceci dit, la tentation de passer sous silence toute contestation, de présenter une sainteté sans accrocs et sans faille, demeure ; sachons gré à certains hagiographes de n’avoir pas rendu totalement « lisse », sans aspérités, leur discours sur les saintes.

 

Ibn al-Zayyât évoque la suspicion que s’attira Munya bt Maymûn à qui il arrivait de recevoir, de nuit, chez elle, des disciples hommes, tel un certain ‘Îsâ b. Mûsâ qui passa la nuit chez elle ; la sainte dût se justifier par la présence, la même nuit, de son neveu, ajoutant « qu’une lumière pénétrait par la lucarne et éclairait [le groupe] »[304].

 

Il semblerait qu’Umm Yahyâ Maryam ait encouru quelques critiques dont l’hagiographe ne nous livre pas la teneur ; elle a probablement été victime de calomnies ; sa pratique et sa proximité du cheikh Abû Yûsuf al-Dahmânî (m. 621/1224) ont pu faire jaser ; dans une anecdote rapportée par al-Dabbâgh (m. 699/1300), le cheikh nous est montré prenant la défense de la sainte contre l’un de ses détracteurs[305] ; on sait que le milieu ifriqiyen et plus particulièrement kairouanais ne voyait pas d’un œil propice la promiscuité hommes/femmes, y compris âgées, dans les lieux de culte et dans l’espace public[306], d’où peut-être cette insistance de l’hagiographe à exalter la pudeur de la sainte dans sa relation au maître : « elle ne s’est jamais assise, dans une pièce avec le cheikh, sinon voilée, et ne l’a jamais regardé, en signe de considération et de révérence »[307].

 

Comme al-Khadir, dont le comportement déroute profondément Moïse, les « ravis » en Dieu s’exposent aux condamnations de leurs contemporains ; être une femme de surcroît devient une circonstance aggravante. Au récit de ses Manâqib, « ravie en Dieu » dès son enfance, ‘Âisha passe pour folle (mahbûla) et s’attire les railleries de son entourage[308]. Refusant, d’autre part, d’épouser son cousin germain[309], elle confirme encore davantage une conduite hors normes ; installée à Tunis pour échapper probablement à un contrôle social devenu trop lourd dans son village natal,  son jadhb, là encore, lui attire de nombreux reproches de la part de certains fuqahâ’ (juristes), parmi lesquels, le célibat – statut peu recommandable même s’il n’était pas exceptionnel – et la fréquentation des hommes ne sont pas les moindres. On sait qu’elle avait des disciples hommes, dont le plus cité dans son hagiographie, ‘Uthmân al-Haddâd, l’accompagnait souvent dans ses siyâha-s et à la mosquée du Saule où elle avait coutume de se rendre ; c’est encore lui que l’on nous montre passant plusieurs jours à son chevet lors de la maladie dont elle mourra. Le qâdî de Tunis veut lui appliquer le châtiment de lapidation, la traitant de « folle qui aborde les hommes et se laisse aborder par eux, et qui n’a point de mari »[310]. Son hagiographie évoque l’un de ses fuqarâ’ qui fut raillé par les notaires de la ville[311]. Objet de la vindicte des savants et des juristes, traitée tantôt de folle, tantôt de « fillette fréquentant les hommes », et tantôt d’être satanique[312], vilipendée par les uns, vénérée par les autres, c’est une véritable onde de choc que ‘Â’isha crée dans la société de son temps. La reconnaissance de la sainte ne vint pas d’abord de son village natal, Mannûba, mais de Tunis ; l’autre mettra quelque temps à se manifester ; en témoigne cette hagiographie mi-anonyme ; et sur 60 récits rapportés par l’hagiographe, seuls huit sont explicitement attribués à des gens de Mannûba ou présumés tels[313].

Nous avons évoqué, ci-dessus, les pouvoirs de visionnaire de l’orientale Khadîja al-Sâlihiyya (m. 946/1539)[314] dont elle livrait la teneur le lendemain matin ; ceux-ci étaient contestés, rapporte al-Ghazzî, par son cousin germain, le cheikh Zayn al-Dîn ‘Umar b. Nasr Allâh qui y voyait une pratique divinatoire (hadhâ min fi‘l al-kahana wa lâ arâ laki dhâlika)[315].

Il convient, néanmoins, de rappeler que des condamnations et des accusations notamment de zandaqa (hérésie) frappèrent nombre de soufis hommes ; d’autre part, la « misogynie littéraire » est loin d’être à l’époque une « spécialité » islamique ; elle est un topos largement partagé dans le bassin méditerranéen. Enfin, malgré les contestations, une sainte comme ‘Â’isha réussit finalement à imposer sa reconnaissance, et le signe le plus éclatant est encore ce monument (l’hagiographie) érigé en son honneur par le faqîh et imâm de la mosquée de Mannûba, l’un des très rares recueils de manâqib consacré à une femme, ainsi que l’attribution à la sainte des plus hauts degrés de la sainteté en islam.  L’itinéraire  d’une sainte comme Umm Yahyâ Maryam, autant que l’on puisse en juger à partir de l’hagiographie de son compagnon et maître Abû Yûsuf al-Dahmânî, montre qu’une relation de compagnonnage spirituel entre un saint et une sainte pouvait avoir, malgré tout, droit de cité – plusieurs exemples en sont attestés dans tout le Maghreb à l’époque. Enfin, Munya bt. Maymûn est agrégée à la plus haute catégorie de saints en islam : les Esseulés (al-afrâd). Nous avons souligné, ailleurs, le danger d’une approche essentialiste du discours normatif et de la tentation d’y voir une sorte de reflet réifié de la réalité[316].

 

L’entrée de ces saintes dans la « longue durée », à travers le culte qui leur est rendu (pour certaines, jusqu’à nos jours), est un autre signe de cette reconnaissance que l’on aurait tort de considérer comme relevant de la seule dévotion populaire.

 

   4-La carrière posthume

Notre documentation montre, en effet, qu’agissantes de leur vivant, nombre de ces sâlihât continuent après leur mort d’être présentes dans le vécu et dans l’imaginaire religieux de leurs communautés. D’ailleurs plusieurs cultes médiévaux ont traversé les siècles et alimentent aujourd’hui encore la piété de tous ceux et celles qui continuent de voir en ces femmes d’élection, d’efficaces intercesseurs dans ce monde et dans l’autre.

Nous avons déjà évoqué la vénération particulière que les Kairouanais à l’époque d’Ibn Nâjî (m. 839/1435) avaient pour Masjid Sayyidâtî Tayyâha, car pour eux, le tombeau qui s’y trouvait était celui de cette sainte[317].

Au témoignage également d’Ibn Nâjî, le tombeau d’Umm Salâma Zaynab (m. 670/1272), qui se trouvait dans la mosquée de la zâwiya fondée par son fils Abû ‘Alî Sâlim al-Qadîdî (m. 699/1300), à Manzil Qaddîd, dans le Sâhil ifrîqiyen, était déjà réputé et devint un lieu de pèlerinage ; l’invocation y était exaucée[318] ; tel saint du littoral avait pour elle une grande vénération et avait recommandé à son fils de la visiter. Il s’agit ici de l’un des exemples les plus anciens en Ifriqiya de zâwiya-tombeau, cette autre forme sacrale de la présence d’un saint ou d’une sainte qui, peu à peu, allait se diffuser. Un jour, écrit l’auteur du Ma‘âlim, un pèlerin, qui n’était pas en état de pureté rituelle, voulut se recueillir sur sa sépulture, afin d’invoquer Dieu par la bénédiction de la sainte, aussitôt une vipère sortit de la tombe et le pourchassa jusqu’à ce qu’il quittât la zâwiya[319] ; ce récit et d’autres, dont est émaillé le dictionnaire, sont de nature à dissuader les fidèles peu respectueux du caractère sacré de l’espace, d’y pénétrer, sous peine d’encourir le châtiment de la sainte.

On sait, d’autre part, qu’à une époque où les guides de pèlerinage n’avaient pas encore fait leur apparition en Ifrîqiya, en tant que littérature spécialisée, comme cela sera le cas, notamment au XIe/XVIIe siècle[320], circulaient, néanmoins, des inventaires de tombes, classées souvent par ville (par exemple, Tunis), voire par nécropole, tel le recueil déjà cité attribué à Ibn al-Sabbâgh et concernant la nécropole du Sharaf ; ces inventaires, par leur localisation très précise des tombes et par une courte notice sur les manâqib du saint qui y repose, sont les véritables ancêtres de cette littérature et ont certainement fortement impulsé le culte des saints, un culte déjà ancien en Ifrîqiya[321]. D’autre part, la littérature des manâqib devient parfois elle-même, sur des pages entières, un véritable guide pour visites pieuses. Il en est ainsi de l’hagiographie de ‘Â’isha al-Mannûbiyya ; c’est, en effet, là, que nous est indiquée avec une grande précision la sépulture de Sayyida Zaynab (m. 680/1281), fille de l’un des compagnons de Shâdhilî, une sharîfa dont est vantée la culture religieuse, notamment sa récitation fréquente du Sahîh d’al-Bukhârî[322]. Une autre sainte, anonyme est également citée dans les Manâqib al-Mannûbiyya, et qui était objet de ziyâra : il s’agit d’Umm khimâr (littéralement « la femme au voile ») dont la sépulture était à Bâb al-Fallâq, sous le mur d’enceinte, en face du Jallâz (la célèbre nécropole tunisoise), et où nombre de saints étaient enterrés[323]. D’autres sépultures de saintes sont également localisées dans l’inventaire des tombes du cimetière du Sharaf : Nijma al-Sha‘biyya (m. 678/1279) al-Sayyida al-mashhûra bi l-walâya, (« la Dame réputée pour sa sainteté »)[324]. De même est signalée la sépulture d’al-Sayyida ‘Â’isha al-Hâshimiyya, d’origine andalouse et d’ascendance sharîfienne[325]. Sont également citées quatre autres saintes parmi lesquelles Umm al-Khayr, la mère de Sâlim al-Tibâssî (m. 642/1244), Ruqayya al-Hintâtiyya, al-Sayyida Fâtima b. ‘Ayyâsh (m. 665/1267)[326] et al-Sayyida Maryam[327]. Notons que nous n’avons connaissance de ces saintes que par leur sépulture, c’est-à-dire le lieu par lequel s’est faite leur « sortie du monde », point de départ de leur carrière posthume. Notons également que l’ascendance sharîfienne d’un certain nombre de saintes était de nature à susciter la vénération des fidèles à une époque où les pratiques dévotionnelles au Prophète et aux Ahl al-Bayt prirent une importance accrue[328].

Vénérée déjà de son vivant, ‘Â’isha al-Mannûbiyya, unique sainte ifrîqiyenne à être créditée d’une hagiographie, et ce dès le XIVe siècle, semble au récit de celle-ci, l’objet d’un culte focalisé sur sa tombe, dont une localisation très précise nous est donnée sur les hauteurs surplombant le lac Sîjûmî[329], et qui est présenté comme le lieu de nombreux prodiges ; un khâdim était préposé au service de la tombe, qu’on voulut, en vain, doter d’une coupole ; la sainte s’interposait à chaque fois par un prodige[330]. ‘Â’isha ne tarda pas à bénéficier des faveurs beylicales dès le XVIe siècle, en témoigne la chronique d’Ibn Abî Dînar, al-Mu’nis fî târîkh Ifrîqiyya wa Tûnis qui évoque une tradition ancestrale qui prévalait à la cour, consistant en un pèlerinage englobant la tombe d’al-Sayyida (le surnom courant la désignant sans autre marqueur d’identité), aux côtés d’illustres saints patrons de la ville[331]. Un premier mausolée fut érigé à sa gloire dans la capitale, dans le quartier qui porte le nom de la Sayyida sur les hauteurs de Tunis, surplombant le lac Sijoumi à l’ouest, et le faubourg sud de la ville, à l’est ; bientôt suivi d’un deuxième dans sa bourgade natale la Manouba à l’emplacement présumé de la maison paternelle, sous le règne de Mahmoud Bey (r. 1814-1824) et agrandi sous Ahmad Bey (r. 1837-1855) ; ce qui était un culte bicéphale focalisé autour de sa tombe et du sanctuaire tunisois et dont la visite était devenue une pratique courante dans la famille beylicale à l’occasion des trois grandes fêtes de Laylat al-qadr (la Nuit du Destin) et des ‘îdayn (al-Fitr et al-Adhâ), allait bientôt devenir tricéphale avec le maqâm de la Manouba[332]. L’hagiographie de la sainte n’a cessé, depuis le VIIIe/XIVe siècle, d’être recopiée. Certes, les copies qui nous sont parvenues ne remontent pas au-delà du milieu du XVIIe siècle ; néanmoins, par leur nombre, les donations en biens inaliénables habous dont plusieurs ont fait l’objet, par les Beys de Tunis et les plus hauts dignitaires de l’Etat, au profit de la Grande Mosquée de la Zitouna, leur caractère soigné et souvent exclusif à la sainte, ces copies attestent de la grande dévotion portée à celle-ci. Son hagiographie compte parmi les premiers textes imprimés à Tunis, dès 1925. Son culte, qui perdure à ce jour, s’est focalisé, notamment depuis la disparition de sa tombe, sur les deux sanctuaires qui lui sont dédiés : la plus importante et la plus visitée aujourd’hui des deux zâwiya-s de la sainte, étant celle de la Manouba.

Une autre « ravie » en Dieu, certes, plus tardive et débordant le cadre chronologique de cette enquête, est Umm al-Zîn al-Buhliyya (« la folle ») ou encore al-Jammâliyya, déjà citée ; cette sainte du XVIIIe siècle, est vénérée, à ce jour par les tunisiens ; sa sépulture sur laquelle fut érigée un mausolée, dans sa ville natale de Jammâl (l’actuelle Jammel dans le Gouvernorat de Monastir en Tunisie) est l’objet de ziyâra[333].

Pour l’Orient, parmi les rares cultes attestés dans la documentation, celui de Sayyida Nafîsa (m. 208/824), dont le mausolée, situé au sud de la Qarâfa au Caire, « réputé pour son efficace sainteté », au récit d’al-Munâwî, est « devenu un lieu de pèlerinage » et fait partie aujourd’hui des principaux  lieux de ziyâra cairotes[334].

 

Conclusion

Ainsi, et malgré la parcimonie des informations, cette sainteté des femmes, tant au Maghreb qu’au Machreq, n’est pas réfractaire à toute tentative d’en saisir, un tant soit peu les contours : les paradigmes de sainteté, les modèles à imiter mis en lumière par l’hagiographie, les types spirituels investis par ces sâlihât, les formes de leur ascèse et leur réception par le milieu tant savant que populaire. Pour le Maghreb, il s’agit de saintes pour la plupart proches de l’époque de nos auteurs ou contemporaines, des saintes dont le souvenir est encore vivace et la présence à la vie de leurs communautés, palpable, et sur lesquelles nous disposons souvent d’informations qualitativement signifiantes. Dans l’idéal de sainteté qui se dégage de ces notices et hikâyât, l’ascétisme -qu’il prenne pour cadre une grotte, une maison, la cellule d’un ribât ou plus rarement une zâwiya-, et son corollaire de renoncement et souvent de dissociation par rapport au milieu, se taille encore une place de choix, et les modèles orientaux des premiers siècles sont encore vivaces et « actifs ». Cette sainteté est souvent aussi « savante », le Coran, le hadîth et parfois le fiqh y sont présents ; mais la science ne se hisse pas, toutefois, à un élément constitutif de l’idéal de sainteté comme on le verra chez les orientales à la même époque et dans le milieu des traditionnistes. Le kasb et le tawakkul coexistent et ont chacun leurs partisanes avec probablement à terme, comme pour les hommes, une tendance, plus on avance dans le temps, vers la prédominance du tawakkul. Si le célibat et la virginité ne participent pas d’un idéal agréé et propagé de sainteté, néanmoins, il est souvent pratiqué, montrant, par là, la prégnance du modèle marial dans les expériences féminines de sainteté. Quand à l’ascèse en couple, certes, elle est présente et attestée par plusieurs exemples, néanmoins, la documentation ne laisse pas émerger de couples célèbres de saints comme pour les premiers siècles en Orient. Enfin, le merveilleux paraît ici plus marqué, donnant la mesure, à la fois, de la présence agissante de ces saintes à la vie de leurs communautés et de leur efficace médiation, ainsi que de la représentation de la sainteté elle-même, celle-ci ne se conçoit pas sans prodiges, sans rupture du cours habituel des choses, le fameux kharq al-‘âdât.

 

Au Machreq, c’est, non pas dans la production hagiographique, où le poids des saintes des premiers siècles écrase littéralement les « modernes »[335], qu’il semblerait qu’il faille chercher les traces des figures féminines de perfection humaine pour les VIIe/XIIIe, VIIIe/XIVe et IXe/XVe siècles, mais plutôt dans la littérature biographique des a‘yân. Dans ce type de productions émanant du milieu des savants traditionnistes de Damas, du Caire ou de la Mecque, la siyâha, le renoncement, l’ascétisme, la pratique du jeûne, et l’abondance des exercices de piété surérogatoire, restent des vertus cardinales de sainteté ; mais désormais la science, notamment du hadîth (son acquisition et sa transmission), la charité (focalisant de plus en plus sur les fondations pieuses) et un certain retrait de la dimension merveilleuse, contribuent aussi à dessiner les contours d’un idéal de sainteté féminine que l’on retrouve sous la plume de ces auteurs. Ce regain d’intérêt pour le hadîth n’est peut-être pas étranger à la recrudescence des formes de vénération à la personne du Prophète, à partir notamment du VIIe/XIIIe siècle[336]. D’autre part, dans ces dictionnaires, dont le propos est organisé soit autour d’une cité comme al-Durr al-kamîn, soit autour d’un siècle, ce sont des femmes contemporaines ou proches chronologiquement dont on loue les saintes vertus et que l’on veut donner en exemples. Ces femmes participent pleinement de la mémoire d’une ville, ou encore de la galerie des célébrités d’un siècle donné (A‘yân al-‘asr) ; davantage : dans une production visant aussi à donner aux musulmans des « supports solides pour la victoire » sur leurs ennemis (a‘wân al-nasr)[337], ces sâlihât, ‘âbidât, musnidât, khayyirât, shaykhât, zâhidât et wâ‘izât, participent de cette « mobilisation » des ressources, et sont finalement dignement représentées. De cette sainteté, tout merveilleux n’est pas exclu, mais on ne peut manquer de constater la grande retenue et la discrétion, sous la plume de ces historiens et traditionnistes, dans l’évocation des karâmât (prodiges) de ces femmes d’exception. Ceci étant dit, l’omniprésence, dans les recueils hagiographiques produits par les « modernes » (al-Yâfi‘î, al-Hurayfish, al-Hisnî, Jâmî, Sha‘rânî, Munâwî), de notices des premières ascètes et soufies de l’islam, n’est pas dénuée de signification : l’idéal de sainteté incarné par ces femmes est non seulement encore d’actualité pour ces auteurs, mais il est donné aux femmes contemporaines comme modèles à imiter, et qui garde toute sa prégnance : al-Hisnî (m. 830/1426) se lance tous les deux feuillets dans un solennel avertissement à ses compatriotes femmes et les exhorte à prendre exemple sur leurs saintes aïeules[338]. Cela ne doit pas être perdu de vue.

 

D’autre part, ces sâlihât n’appartiennent pas, ici et là, aux mêmes milieux ; les saintes maghrébines citées dans nos sources sont, on l’a vu, le plus souvent des saintes que rien ne distingue de leur entourage, se fondant pour ainsi dire dans la mêlée, des femmes « ordinaires » en somme, un peu à l’image de ces premières figures de la sainteté féminine en Orient ;  alors que les saintes orientales plus « modernes », celles qui ont mérité de la gloire de figurer dans les dictionnaires de a‘yân sont très souvent des filles d’illustres personnages, eux-mêmes traditionnistes notoires, juges, prédicateurs, maîtres en soufisme, appartenant à des maisons prestigieuses, parfois du pouvoir (vizirs), ou descendantes de lignées illustres. On peut émettre l’hypothèse que le poids du contrôle social n’est pas le même dans chacun de ces deux milieux et que les deuxièmes étaient, probablement, plus étroitement surveillées et plus assujetties à la norme sociale et à celle du groupe, que les premières.

 

Au-delà des spécificités observées ici et là, et qu’une étude de tout le corpus disponible dans les deux aires devrait pouvoir confirmer -ou infirmer-, l’idéal de sainteté féminine qui se laisse déduire de ces notices fait encore, partout, la part belle aux vertus et aux prouesses ascétiques[339], mais, en même temps, à un engagement grandissant de ces saintes dans la vie « publique », qu’il prenne la forme de sollicitations et de demandes de médiation, de sermons et d’homélies, d’invocations que l’on sait être exaucées, d’éducation de disciples, de fondations pieuses (râbita, ici, ou ribât, là), d’enseignement et de transmission. Si beaucoup de ces sâlihât sont mariées, un nombre non négligeable opte, ici et là, pour le célibat et la virginité (en droite ligne de la figure mariale), même si, encore une fois, ce trait ne se hisse pas à un élément constitutif de l’idéal féminin de sainteté que l’on cherche à propager. Enfin, partout, ces femmes, au-delà de la parcimonie des informations les concernant en comparaison à celles réservées aux saints hommes, bénéficient d’une reconnaissance dont attestent, à la fois, les adjectifs laudatifs dont elles sont créditées, les plus hautes dignités dans la hiérarchie spirituelle qui leur sont accordées, et la place, somme toute importante, que certains biographes, notamment au Machreq, leur consacrent. La contestation dont certaines seront l’objet n’est pas un trait dominant et devra, de toute façon, être relativisée, en comparaison notamment avec celle qu’on opposa à des saints hommes. Le poids du rite mâlikite, si souvent invoqué pour le Maghreb, serait lui aussi à relativiser, sans minimiser, pour autant, la portée de certaines fatwa-s restrictives concernant la sortie des femmes (comme celles édictées par le célèbre Ibn ‘Arafa)[340] ; néanmoins, il faudrait d’abord en vérifier l’efficacité, dans les faits, et ne pas perdre de vue que ces consultations n’ont été édictées que parce que le besoin s’en faisait ressentir et que la réalité, elle, était à l’opposé. En même temps, on ne peut s’empêcher de poser la question, importante, du succès ultérieur et de la postérité que connaîtra un type spirituel comme celui des « ravies » en Dieu : ne laissait-on finalement aux femmes que le choix de la plus grande « extériorité », celui d’une sainteté paroxystique ?

Mais aux siècles qui nous concernent ici, on n’en est pas encore là : des trajectoires de sainteté comme celles incarnées par Munya bt Maymûn al-Dukâlî, al-murâbita Umm Yahyâ Maryam, Umm Salâma Zaynab, Fâtima al-Sanhâjiyya ou encore ‘Azîza al-Saksâwiyya, sont parfaitement intégrées ; même une ‘Â’isha al-Mannûbiyya qui, de son vivant, crée le scandale et s’attire les foudres des juristes, est créditée, moins d’un siècle après sa mort, d’une hagiographie qui non seulement la consacre aux côtés des saints patrons de la ville de Tunis, mais donne une grande impulsion à son culte, lequel ne devait plus se démentir.  Le soufisme fut historiquement un espace régi par ses propres codes et sa propre éthique et ceux-ci, partout où ils ont eu droit de cité, ont cohabité, avec plus ou moins de bonheur, avec les normes de la Loi exotérique, permettant notamment aux femmes –par le truchement de la sainteté- d’acquérir une présence, une liberté, une place et une reconnaissance, « rarement attestées dans d’autres sphères de la vie sociale »[341].

 

Tels sont, à grands traits, quelques éléments de comparaison que nous avons tentés, dans notre revisite de la sainteté féminine entre Orient et Occident musulmans. Est-ce une simple coïncidence que les hagiographes de ces deux grandes saintes de l’islam, Râbi‘a al-‘Adawiyya et l’ifrîqiyenne ‘Â’siha al-Mannûbiyya, « mobilisent » tous deux la figure mariale  ; le premier, ‘Attâr, au VIIe/XIIIe siècle dans sa Tadhkirat al-awliyâ’ invoque la figure de Marie pour justifier qu’une femme, Râbi‘a, soit citée dans les rangs des hommes d’élite[342] ; au siècle suivant, l’hagiographe de Dame ‘Â’isha présente cette dernière comme une seconde Marie[343]. Au-delà des particularismes locaux et du poids des milieux dans lesquels cette sainteté des femmes à pris corps, la figure mariale, l’archétype coranique féminin par excellence de la perfection humaine, polarise les expériences féminines de sainteté. Dame ‘Â’isha, dont le cœur est constamment « absent en Dieu » et qui, la nuit, invoquait ainsi son Seigneur : « mon Dieu, accorde-moi la bienveillance et l’assistance dans l’obéissance à Tes ordres, la longanimité face à Ton pacte, la certitude dans ma foi en Toi et la vue de Ta Noble Face »[344], est une wâritha (héritière) du maqâm de Marie, c’est-à-dire celui de la plus haute sainteté : « Ce qui fut demandé de Maryam, écrit Hakîm Tirmidhî, c’était l’invocation intérieure et qu’elle orientât son cœur vers Dieu, se plaçant sous l’ombre divine »[345].

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

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[1] M. Chodkiewicz, « La sainteté féminine dans l’hagiographie islamique », dans Sulamî, Femmes soufies, Entrelacs, Paris, 2011, p. 241.

[2] Cf. notre ouvrage consacré aux saintes du Machreq, N. et L. Amri, Les femmes soufies ou la passion de Dieu, Ed. Dangles, St-Jean-de-Braye, 1992 ; puis nos deux articles sur les saintes du Maghreb : N. Amri, « Les sâlihât du Ve au IXe siècle/XIe-XVe siècle dans la mémoire maghrébine de la sainteté à travers quatre documents hagiographiques », dans Al-Qantara. Revista de Estudios Arabes, vol. XXI, Fasc. 2, Madrid, 2000, p. 481-509 ; Id., « Entre hagiographie, hagiologie et histoire : la place des femmes dans le soufisme à travers quelques sources du Maghreb médiéval », in Graines de Lumière. Héritages du cheikh al-‘Alawî, Albouraq Ed., Paris, 2010, p. 398-424.

[3] Al-Mâlikî, Riyâd al-nufûs, éd. B. Baccouche, revue par M. L. Metoui, Dâr al-Gharb al-islâmî, Beyrouth, 1983, 2 tomes.

[4] Ibn Nâjî, Ma‘âlim al-îmân fî ma‘rifat ahl al-Qayrawân, Ed. al-Maktaba al-‘atîqa, 4 volumes, Tunis, 1978-1993.

[5] Ibn Nâjî, Ma‘âlim al-îmân, op. cit., t. IV, éd. M. al-Majdûb et A. al-Majdûb, Tunis, s. d., p. 51, 54, 86-87.

[6] Sur ces deux saintes, voir  N. Amri « Umm Yahyâ Maryam »,  dans A. Fella (dir.), Les femmes mystiques. Histoire et Dictionnaire,  Ed. Robert Laffont, Paris, 2013, p. 933-936 ; et Id., «Umm Muhammad al-Urbusiyya », in ibid., p. 929-931.

[7] Al-Dabbâgh, Al-Asrâr al-jaliyya fî l-Manâqib al-dahmâniyya, éd. A. Chibli, Mémoire pour l’obtention du Diplôme de Recherches Approfondies, M. Hassan (dir.), Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, Tunis, 1997 [tapuscrit] ; les pages indiquées désormais entre [.] réfèrent à ce dernier.

[8] Ibn Nâjî, Ma‘âlim al-îmân, op. cit., t. III, p. 221-223 .

[9] Sur cette littérature, cf. N. Amri, « L’hagiographie islamique : quelques remarques sur l’évolution de la littérature des manâqib au Maghreb oriental (Ve/XIe-XIe/XVIIe siècle) », dans Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, CRAI, Paris, 2015 (sous presse).

[10] Cf. N. Amri, La sainte de Tunis. Présentation et traduction de l’hagiographie de ‘Âisha al-Mannûbiyya (m. 665/1267), Sindbad-Actes Sud, Arles, 2008 ; et Id., « ‘â’isha al-Mannûbiyya », in Les femmes mystiques, op. cit.,  p. 76-79.

[11] Ibn al-Sabbâgh (Muhammad b. Abî l-Qâsim), Dhikr Mashâyikh al-Sharaf, Ms. 18555, Bibliothèque nationale, Tunis, f. 16b-19b, et Ms. 4179, f. 47a-50b. Connu anciennement comme al-Maqbara al-Hintâtiyya, ce cimetière est désigné ainsi car il surplombe (yushrifu) la Sabkha ou lac du Sîjûmî ; même si des shurafâ‘ y sont enterrés, néanmoins sa désignation n’a rien à voir avec le sharaf comme substantif signifiant une ascendance noble remontant au Prophète.

[12] Ibn al-Zayyât (al-Tâdilî), Al-Tashawwuf ilâ rijâl al-tasawwuf, éd. A. Taoufiq, Rabat, 1984.

[13] Ibn Qunfudh, Uns al-faqîr wa ‘izz al-haqîr, éd., A. Faure et M. Fâsî,  Rabat, 1965.

[14] Abû Madyan Shu‘ayb al-Andalusî (m. 594/1197) figure centrale de la sainteté maghrébine vers laquelle convergent depuis le VIIIe/XIVe siècle les  chaînes de transmission initiatique (silsilât al-sanad) et d’elle rejoignent les maîtres orientaux ; cf. sa notice biographique dans Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, notice n° 162 ; sur sa doctrine soufie et sa voie spirituelle, cf. V. Cornell, The way of Abû Madyan. Doctrinal and poetic works of Abû Madyan Shu‘ayb al-Husayn al-Ansârî (c 509/1115-6 -594/1198), the Islamic texts society, Cambridge, 1996.

[15] Sur ces deux ouvrages, cf. L’Introduction de G. Leconte, à la version française de la traduction par R. W. J. Austin de ces deux oeuvres du Shaykh al-Akbar, dans Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, Albin Michel, Paris, 1995, p. 11-14.

[16] Ibid., cf. les notices 54, 55, 64 et 65 ; nous utiliserons aussi l’article de D. Gril sur le Rûh al-Quds, « Le saint et le maître ou la sainteté comme science de l’homme », dans  N. Amri et D. Gril (dir.), Saint et sainteté dans le christianisme et l’islam. Le regard des sciences de l’homme, Ed. Maisonneuve et Larose – MMSH, Paris, 2007, notamment les p. 80-84 consacrées à Shams et à Fâtima.

[17] Mahmûd Maqdîsh, Nuzhat al-anzâr fî ‘ajâ’ib al-tawârîkh wa l-akhbâr, éd. A. Zouari et M. Mahfoudh, Beyrouth, 1988, t. II.

[18] Ibid., p. 293-296.

[19] Al-Kinânî, Takmîl al-sulahâ’ wa l-a‘yân li-Ma‘âlim al-îmân fî awliyâ’ al-Qayrawân, éd. M. Annabi, al-Maktaba al-‘Atîqa, Tunis, 1970.

[20] Sur ces notices consacrées aux sâlihât, Takmîl, op. cit., p. 112-113.

[21] Pour un aperçu « quantitatif » sur la présence des femmes dans l’hagiographie musulmane, M. Chodkiewicz, “La sainteté féminine », op. cit.,  p. 233-5 ; sur le même sujet assorti d’une évaluation qualitative, cf.  N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 49-65.

[22] Ibn al-Jawzî, Sifat al-safwa, Dâr al-ma‘rifa, Beyrouth, 2e Ed., 1979.

[23] cf. l’édition anglo-saxonne de ce texte par R. Cornell, Early sufi women, Louisville, 1999, et la traduction française, Sulamî, Femmes soufies, op. cit.

[24] Al-Hisnî (Taqî al-Dîn Abû Bakr b. Muhammad), Siyar al-sâlikât al-mu’minât al-khayyirât, Ms. Vollers 0693,  Leipzig, les notices des femmes se trouvent du f. 8b (inaugurées par Fâtima, la fille du Prophète) au f. 72b.

[25] Cf. M. Chodkiewicz, “La sainteté féminine », op. cit., p. 234

[26] N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 67-80.

[27] Ibid., p. 70.

[28] Cf. al-Sha‘rânî, al-Tabaqât al-kubrâ, éd. S. al-Sâlih, Dâr al-ma‘rifa, Beyrouth, 2005, de la  notice 122 à 137 (p. 99-103).

[29] Citée Fâtima bt al-Muthannâ ; Al-Nabhânî, Jâmi‘ karâmât al-awliyâ’, éd. I. A. ‘Awad, Beyrouth, 1991, t. II, p. 435-7.

[30] Voir infra.

[31] Safî al-Dîn b. Abî l-Mansûr, Risâla, Introduction, édition et traduction par D. Gril, IFAO, Le Caire, 1986, p. 192-3 de la traduction.

[32] Al-Nabhânî, Jâmi‘ karâmât al-awliyâ’, op. cit., t. II, p. 506.

[33] D. Gril, Risâla, op. cit., p. 17-8.

[34] al-Safadî (Salâh al-Dîn Khalîl b. Aybak), A‘yân al-‘asr wa a‘wân al-nasr, éd. ‘Ali Abû Zayd et alii, Dâr al-fikr, Damas, 1998.

[35] Ibn Fahd (‘Umar) al-Hâshimî al-Makkî, al-Durr al-kamîn bi-dhayl al-‘aqd al-thamîn fî târîkh al-balad al-amîn, éd. A. Ibn Dahîsh, Dâr Khidr, Beyrouth, 2000. Je remercie vivement Cl. Addas pour m’avoir signalé cet auteur et ses notices de femmes.

[36] Al-Sakhâwî, al-Daw’ al-lâmi‘ li-ahl al-qarn al-tâsi‘, Dâr al-Jîl, Beyrouth, 1992, t. 12.

[37] Cf. C. Mayeur-Jaouen, « Le saint et la sainteté comme objets des sciences de l’homme : quelques réflexions à propos du colloque de Carthage », dans  N. Amri et D. Gril (dir.), Saint et sainteté, op. cit., p. 353-372.

[38] C’est-à-dire soucieuse « de la qualité des informations […], laquelle doit être analysée et soumise à l’examen critique, plus que de leur quantité », M. Marín, « Women and sainthood in medieval Morocco », dans S. Boesch-Gajano et E. Pacce (eds), Donne tra saperi e poteri nella storia delle religioni, Brescia, Morcelliana, 2007,  p. 294.

[39] Pour Ibn al-‘Arabî, « Il n’y a pas de qualité spirituelle qui appartienne aux hommes sans que les femmes y aient également accès […] Les hommes et les femmes ont leur part de tous les degrés, y compris celui de la fonction de pôle (hattâ fî l-qutbiyya) » ; ces deux extraits traduits des Futûhât al-makkiyya, sont cités par M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints. Sainteté et prophétie dans la doctrine d’Ibn ‘Arabî, Gallimard, Paris, 1986, p. 127.

[40] Sur cette institution, qui aux côtés du ribât et de la zâwiya, compte parmi les institutions à caractère ou en tout cas à usage soufi, quoique non exclusivement, voir infra.

[41] Qutb al-aqtâb (le féminin étant qutba) ; sur cette dignité suprême dans la hiérarchie ésotérique des saints intercesseurs en islam, voire infra.

[42] Sur l’expérience de sainteté dans cette ville et sa réception par le milieu des ulémas, cf. R. Vimercati Sanseverino, Fès, la ville et ses saints. Tradition spirituelle et héritage prophétique, Thèse de Doctorat sous la dir. de D. Gril, Université de Provence, 2012. Cette thèse a fait l’objet d’une publication sous le titre Fès et sainteté, de la fondation à l’avènement du protectorat (808-1912). Hagiographie, tradition spirituelle et héritage prophétique dans la ville de Mawlāy Idrīs, Centre Jacques-Berque, Rabat, 2014.

[43] M. Chodkiewicz, « La sainteté féminine », op. cit., p. 239.

[44] On attribue à ‘Â’isha al-Mannûbiyya ces propos de jactance : Si Râbi‘a al-‘Adawiyya était parvenue au degré auquel je suis arrivée, elle aurait souhaité me servir et se tenir à ma disposition ; Maymûna m’a dit : je suis ta servante et celle qui balaie ta chambre ; Sha‘wâna m’a dit : « Abreuve-moi de ton eau car j’ai soif » ; « j’ai vu Râbi‘a, elle m’a dit « je me mets à ton service », N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 166-7 et 169.

[45] Cf. Ibn ‘Arabî, La vie merveilleuse de Dhû-l-Nûn l’égyptien, trad. R. Deladrière, Albin Michel, Paris, 1995, p. 377-9.

[46] Al-Mâlikî, Riyâd, II, p. 186.

[47] Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, p. 151.

[48] Sur elle et les autres saintes du Sharaf, cf. Ibn al-Sabbâgh, Dhikr Mashâyikh al-Sharafop. cit., Ms. 18555, f. 16b-19b, et Ms. 4179, f. 47a-50b.

[49] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 196.

[50] « Ce cimetière occupait la frange sud de la Médina Centrale [de Tunis], entre Bâb el-Jadid et Bab el-Benat. Le plus vieux cimetière de Tunis », A. Daoulatli, Tunis, Capitale des Hafsides, Alif – Les Editions de la Méditerranée, Tunis, 2009, p. 135.

[51] H. H. Abdelwahab, Shahîrât al-tûnusiyyât, Tunis, 3e Edition, 1985,  p. 112-3.

[52] Se prévalant d’une ascendance remontant au Prophète.

[53] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 196.

[54] Ibn Qunfudh, Uns, p. 87.

[55] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn , notice1498.

[56] Ibn Hajar al-‘Asqalânî, al-Durar al-kâmina fî a‘yân al-mi’a al-thâmina, Ed. Dâ’irat al-ma‘ârif al-‘uthmâniyya, (version numérique : http://ia701200.us.archive.org/7/items/waq11884/01_11884.pdf), t. II, p. 235, notice 2080.

[57] L’étude des sept variantes dans la récitation et la vocalisation du Coran.

[58] Ibn Fah, al-Durr al-kamîn, la notice 1603.

[59] Abû l-Najîb al-Suhrawardî, ‘Awârif al-Ma‘ârif, Beyrouth, 1966.

[60] Al-Qushayrî, al-Risâla al-qushayriyya fî ‘ilm al-tasawwuf, Beyrouth, 1957.

[61] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, la notice 1665.

[62] Ibid., la notice 1497.

[63] Al-Ghazzî, al-Kawâkib al-sâ’ira bi-a‘yân al-mi’a al-‘âshira (désormais Kawâkib) éd. Kh. Al-Mansûr, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, Beyrouth, 1997, t. I, p. 288-293, notice 584.

[64] Ibid., p. 288.

[65] Ibid., p. 289.

[66] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 387.

[67] Ibid., p. 317. En effet, nous avons tout lieu de croire que ce Hsûnâ, cité dans le texte affublé de l’adjectif waladî (« mon fils ») que la sainte visita « dans la saison des pluies », est son fils spirituel, comme il est coutume que les saintes de l’époque désignent leurs disciples hommes, voir infra.

[68] D. Gril, « Le saint et le maître », op. cit., p. 81.

[69] Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, p. 136-141.

[70] En effet, Umm Yahyâ a survécu à la mort de son cheikh et compagnon al-Dahmânî m. en 621/1224 ; un récit nous la montre présentant ses condoléances à ses fils (Al-Dabbâgh, al-Asrâr al-jaliyya, op. cit., f. 34a [187]) ; femme déjà très âgée à ce moment-là, la date de sa mort ne devrait pas être très éloignée de celle de son cheikh. Sur cette sainte, cf. N. Amri, « Umm Yahyâ Maryam », op. cit., p. 933-936.

[71] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, III, p. 222-3.

[72] « Les majdhûb, écrit E. Geoffroy, se révèlent en fait parfois de grands maîtres spirituels, et l’on ne saurait passer sous silence leur rôle initiatique », cf. Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans, IFD., Damas, 1995, p. 318.

[73] N. Amri, La sainte de Tunis, p. 201.

[74] R. Vimercati Sanseverino, Fès, la ville et ses saints, op.cit., t. II, p. 587.

[75] Voir infra.

[76] Al-Sakhâwî, al-Daw’, t. XII, p. 77, notice 480.

[77] Cf. sa notice dans al-Ghazzî, Kawâkib, op. cit., p. 288.

[78] Sur ces saintes voir N. et L. Amri, Les femmes soufies, op. cit.,  p. 127-9 ; 151-3 ; 156-7.

[79] Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie,  p. 138.

[80] Ibid., p. 19.

[81] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 386.

[82] N. Amri, La sainte de Tunis, p. 177 et 238

[83] N. Amri, « ‘â’isha al-Mannûbiyya », in Les femmes mystiques, op. cit.,  p. 78.

[84] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 266.

[85] L’ange préposé à la subsistance des créatures, cf. M. Chodkiewicz, Un océan sans rivage. Ibn ‘Arabî, le livre et la loi, Seuil, Paris, 1992, p. 134.

[86]Personnage  en qui l’on reconnaît généralement la figure coranique de la sourate 18 : 65-82, l’initiateur des saints et des prophètes, sur al-Khadir dans la tradition hagiographique maghrébine, cf. Elboudrari (H.), « Entre le symbolique et l’historique, khadir im-mémorial », Studia Islamica, LXXVI, 1992, p. 25-39 ; H. Ferhat, Le Maghreb aux XIIe et XIIIe siècles : les siècles de la foi, Casablanca, 1993,  p. 41-50.

[87] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 164-5.

[88] Ibid., p. 168.

[89] Ibid.

[90] Sitt ‘Ajam bt al-Nafîs al-Baghdâdiyya, Sharh al-Mashâhid al-qudsiyya li-takmîl dâ’irat al-khatm al-mawsûf bi l-walâya al-muhammadiyya,  de Muhammad b. al-‘Arabî, éd. B. Aladdin et S. Hakim, IFPO, Damas, 2004.

[91] Ibid., L’Introduction des deux éditeurs, p. 1 (la traduction est de nous).

[92] M. Chodkiewicz, « Préface », Ibid., p. 10.

[93] Ibid., p. 8.

[94] Al-Kinânî, Takmîl, p. 112-3.

[95] En référence à Jammâl (aujourd’hui Jammel) ville fortifiée d’une certaine importance (elle comptait, vers 1535, environ cinq cents maisons, selon des sources espagnoles) appartenant à cette ceinture de bourgs fortifiés, parallèle au littoral ifrîqiyen, et communément appelée « Bilâd al-Sâhil » (voir infra), cf. M. Hasan, al-Madîna wa l-bâdiya bi-Ifrîqiyya fî l-‘ahd al-hafsî, Publications de la Faculté des Sciences humaines et sociales, Tunis, 1999, t. I, p. 60 et 249-250.

[96] M. al-Buhlî al-Nayyâl, Al-Haqîqa al-târikhiyya li l-tasawwuf al-islâmî, Tunis, 1965, p. 317-8.

[97] R. Vimercati Sanseverino, Fès, la ville et ses saints, op. cit., p. 588.

[98] Je remercie Oula Lassoued, qui prépare actuellement une thèse de Doctorat intitulée : al-Sâlihât bi-bilâd al-Maghrib min al-qarn al-khâmis/11 ilâ nihâyat al-qarn al-tâsi‘/15 min khilâl al-mudawwana al-manqabiyya [« La sainteté féminine dans l’hagiographie du Maghreb médiéval (du Ve/XIe siècle à la fin du IXe/XVe siècle) »] d’avoir attiré mon attention sur ce phénomène.

[99] Sur cette institution au Maghreb médiéval, cf. N. Amri, al-Walâya wa l-mujtama‘ [Sainteté et société. Contribution à l’histoire religieuse et sociale de l’Ifrîqiya hafside], 2e Ed. Beyrouth – Tunis, 2006, p. 92-8.

[100] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 287 et nn. 740-1.

[101] Al-Bâdisî, al-Maqsad al-sharîf wa l-manza‘ al-latîf fî l-ta‘rîf bi-sulahâ’ al-Rîf, éd. S. A‘râb, 2e Ed., Rabat, 1993, p. 92.

[102] Ibid., n. 71.

[103] Rédigé en 711/1311, le Maqsad dresse les notices des sulahâ’ du Rif marocain (c’est-à-dire de la région située entre Sabta et Tlemcen) qui ont vécu de la date de la mort d’Abû Madyan 594/1197 jusqu’à l’année 711 ; cf.  al-Maqsad, p. 16 et n. 27.

[104] Ibid., p. 92.

[105] Cet adjectif, figurant parmi les plus recherchés (10 sur un total de 87 stèles de femmes) notamment dans les inscriptions funéraires, réfère soit à une princesse de la dynastie (hafside) soit à la fille d’un sharîf, ou encore d’un shaykh faqîh  ou  savant, plus rarement (deux cas ici), il est appliqué à des affranchies ; cf. R Aoudi-Adouni, Stèles funéraires tunisoises de l’époque hafside (628-975/1230-1574), INP, Tunis, 1997, t. II, p. 612-6.

[106] Nous n’avons pas, hélas,  retrouvé la trace d’une telle râbita dans A. Daoulatli, Tunis, capitale des Hafsides, op. cit.

[107] Al-Burzulî, Jâmi‘masâ’il al-ahkâm, éd. M. H. al-Hîla, Dâr al-Gharb al-islâmî, Beyrouth, 2002, t. V, p. 403.

[108] Selon Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, op. cit., notice 1515, al-Dhahabî qui la qualifie de sâliha, khayyira, muwaqqara,  rapporte d’elle des traditions (rawâ ‘anha). Voir aussi à son propos, al-Safadî, A‘yân, op. cit., t. II, notice 673.

[109] S’agit-il de la pauvreté volontaire (al-fuqarâ’ en soufisme signifiant les pauvres en Dieu), ou de l’indigence matérielle ? Probablement, vu le contexte, c’est ce dernier sens qu’il convient de retenir, sachant que dans la notice de Tujjâr bt al-Masriyya (ibid., notice 1475) l’auteur évoque les fuqarâ’ de la shaykha ‘Â’isha al-Zâhiriyya (voir infra) là dans le sens soufi du terme.

[110] Ibn Fahd, Ibid., notice 1601.

[111] Ibn Fahd,  Ibid., notice 1565.

[112] Voir supra, le propos de jactance attribué à ‘A’isha al-Mannûbiyya.

[113] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 94.

[114] Ibid., p. 266-7.

[115] Ibn Qunfudh, Uns, p. 73.

[116] M. Lings, Le Prophète Muhammad. Sa vie d’après les sources les plus anciennes, Seuil, Paris, 1986, p. 79.

[117] A. Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge, Ecole française de Rome, 1988, p. 228.

[118] Ibid., p. 229.

[119] Date de la rédaction du Uns dans lequel Ibn Qunfudh évoque sa mort et son enterrement à ‘Ubbâd Tilimsân, là où se trouve la sépulture d’Abû Madyan, et ce, conformément à son souhait, Uns, p. 82.

[120] Ibid., p. 81.

[121] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 53-4.

[122] Ibid., p. 181, 214, 219. Al-Bakrî décrit “ses nombreux villages habités dont les ressources en eau, en fruits et en vergers étaient abondantes » ; il était déjà à l’époque du célèbre géographe, voire un siècle plus tôt, « un lieu de refuge pour les saints et dévots parmi les musulmans », al-Bakri, Kitâb al-Masâlik wa l-Mamâlik, éd. A. P. Van Leeuwen et A. Ferré, Beït al-Hikma et al-Dâr al-‘arabiyya li l-kitâb, Tunis, 1992, t. II, p. 70.

[123] Cf. N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 56.

[124] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf,  p. 112.

[125] Al-Tijânî, Rihla, éd. H. H. Abdelwahâb, Tunis et Tripoli, 1981, p. 251.

[126] Mosquée fondée par Abû Muhammad ‘Abdallâh al-Shi‘âb (m. 243/857), un dévot de Tripoli qui y élit domicile, et dont la réputation était grande du temps d’al-Bakrî (voire un siècle plus tôt),  « attirant beaucoup de visiteurs » (maqsûd) ; il semblerait, à son récit, que la mosquée fût un édifice fortifié, car il parle de ribâtât « où se sont réfugiés de saints hommes (ya’wî ilayhâ al-sâlihûn) ; le plus fréquenté et le plus renommé de ces édifices (a‘maruhâ wa ashharuhâ), est la mosquée al-Shi‘âb », cf. al-Bakrî, Kitâb al-masâlik wa l-mamâlik, op. cit., t. II p. 653.

[127] Al-Tijânî, Rihla, p. 251.

[128] Ibid., p. 247-252 ; sur une typologie des mosquées, notamment les mosquées fortifiées habitées par des saints aux fins de ribât et de retraite pieuse, voir N. Amri, al-Walâya wa l-mujtama‘, p. 91-96.

[129] Plusieurs mosquées de Tunis, recensées par Muhammad b. al-Khûja, sont attribuées à des femmes sans que l’on puisse connaître leur qualité (hormis pour l’une d’entre elle, nommément qualifiée de sâliha), ni leur chronologie : masjid al-Sayyida Msîka (« sainte réputée pour ses prodiges » min al-sâlihât al-mashhûrât bi l-karâmât) (cette mosquée, sise, jadis rue al-Qantara, aujourd’hui, n’existe plus) ; masjid al-Baghdâdiyya (rue al-Haqîqa) et masjid al-Mahriziyya (rue Sidi al-Shawwây) ; cf. Târîkh ma‘âlim al-Tawhîd fî l-qadîm wa l-jadîd, éd. et présentation J. Ben al-Hâj Yahyâ et H. Sahlî, Beyrouth, 1985, respectivement pp. 256, 258 et 259.

[130] Mosquée située dans le quartier de la Dimna à Kairouan, et qui fut fut fondée par Abû Ishâq Ibrâhîm b. Maddâ (m. 250/863 ou 305/917), sur lui cf. al-Mâlikî, Riyâd, II, p. 137.

[131] Voici comment al-Mâlikî décrit les veillées pieuses qui avaient lieu au IIIe/IXe siècle dans cette mosquée au cours desquelles les présents écoutaient avec componction et recueillement des poèmes [connus plus tard sous le nom de raqâ’iq] « dans le zuhd (l’ascétisme), l’homélie (mawâ‘iz), les affres du Jour de la Résurrection et les attributs des Amis de Dieu […] ils les savouraient avec leur cœur et il s’en retournaient plein d’affliction et de remord », cf. Riyâd, I, p. 495-6.

[132] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, I, p. 32 ; le tombeau serait, d’après Ibn Nâjî et son cheikh, al-Burzulî (m. 841/1437), celui d’Abû Ishâq Ibrâhîm b. al-Maddâ’, le fondateur de la mosquée.

[133] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 181 et 227 ; dans les seuls Manâqib de la sainte, cette mosquée est citée non moins de huit fois (cf. notre Index, Ibid., p. 282. Sur cette mosquée et sa place dans la piété tunisoise au VIIe/XIIIe siècle, cf. A. Daoulatli, Tunis sous les Hafsides, INAA, Tunis, 1976,  p. 169-170.

[134] A. Vauchez, La sainteté en Occident, p. 229-230.

[135] Sur la peregrinatio religiosa dans la tradition chrétienne occidentale, cf. A. Vauchez, La sainteté en Occident, op. cit., p. 232.

[136] Ibn ‘Arabî, Les soufis d’Andalousie, op. cit., p. 151.

[137] N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 158-9 ; voir sur elle Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1611.

[138] Al-Hisnî, Siyar al-sâlikât, op. cit., f. 68b-69b.

[139] Sur elle, cf. Safadî, A‘yân, IV, p. 34 ; N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 168-9.

[140] Ibn Hajar, Durar, t. IV, p. 403-4, notice 1107.

[141] Ibid., I, p. 413, notice 1075.

[142] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1749.

[143] Dont Ibn Fahd cite les nombreuses ijâza-s, de la Mecque, de Médine, du Caire, de Jérusalem, etc, et dont il loue l’ascétisme Ibid., notice 1731.

[144]Ibid.

[145] Ibid., notice 1497.

[146] Al-Ghazzî, Kawâkib, t. I, p. 293-4, notice 586.

[147] Ibid., t. II, p. 129, notice 929.

[148] Sur « le corps du saint dans l’hagiographie du Maghreb médiéval », cf. notre article, du même titre, dans C. Mayeur-Jaouen et B. Heyberger (dir.), Le corps et le sacré en Orient musulman, REMMM, 113-114, Edisud, 2006, p. 59-89.

[149] Sur les souffrances volontaires que saints et saintes en Occident médiéval  s’infligeaient et les pratiques de mortification et de macération, afin de châtier leur corps pour lui faire expier les fautes passées et pour le dominer, cf. A. Vauchez, La sainteté en Occident, op. cit.,  p. 224-234.

[150] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 112 et 385-6.

[151] Ibn Qunfudh, Uns, p. 81.

[152] D. Gril, « Le saint et le maître », op. cit.,  p. 80.

[153] Cf. Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 387 et Ibn Qunfudh, Uns, p. 73.

[154] Sur « Ce que pleurer veut dire » en Ifrîqiya et au Maghreb à l’époque médiévale, cf. N. Amri, Les saints en islam. Les messagers de l’espérance. Sainteté et eschatologie au Maghreb aux XIVe et XVe siècles, Cerf, Paris, 2008, p. 114-123

[155] Ibn Hajar, Durar, II, p. 236-7, notice 2086

[156] N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 156.

[157] Ibid., p. 100-1.

[158] Ibid., p. 138-140.

[159] Ibn Hajar, Durar, II, p. 235, notice 2080.

[160] Sa principale source pour celui-ci étant Al-Masâlik wa l-Mamâlik, ouvrage disparu de Muhammad b. Yûsuf al-Ta’rîkhî [le chroniqueur] b. al-Warrâq (m. 363/973) ; cf. l’Introduction des éditeurs du Kitâb al-Masâlik d’al-Bakrî, op. cit., t. II, p. 16 de la partie française. Sur al-Warrâq, voir Cl. Gilliot « Al-Warrâk », EI2, XI, p. 165-6. 

[161] Sur ces fondations fortifiées datant de l’époque aghlabide où les pensionnaires joignaient, à l’origine, guet et ascèse et dont l’activité, à l’époque d’al-Bakrî semble être devenue quasi exclusivement de retraite pieuse, cf. M. Hasan, « Les Ribât du Sahel d’Ifrîqiya. Peuplement et évolution du territoire au Moyen Âge », dans J.-M. Martin (éd.), Castrum, 7. Zones côtières littorales dans le monde méditerranéen au Moyen-Âge, Rome, Madrid, 2001 p. 147-162 ; et N. Djelloul, Al-Ribâtât al-bahriyya bi-ifrîqiyya fî l-‘asr al-wasît, Publications du CERES, Tunis, 1999.

[162] Al-Bakrî, al-Masâlik, op. cit., II, p. 692.

[163] C. Picard, A. Borrut, « Râbata, Ribât, Râbita : une institution à reconsidérer », dans N. Prouteau et Ph. Sénac (dir.), Chrétiens et musulmans en Méditerranée médiévale (VIIIe-XIIIe siècle). Echanges et contacts, Université de Poitiers, Centre d’Etudes Supérieures de Civilisation médiévale, 2003, p. 41.

[164] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 388.

[165] Ibid., p. 316.

[166] Sur ce Ribât à l’époque médiévale et sur son pèlerinage, réputé, cf. H. Ferhat, « Les pèlerinages de Šākir et de Massa », dans A. Vauchez (dir.), Lieux sacrés, lieux de culte, sanctuaires, Ecole française de Rome, 273, Rome, 2000, p. 174-6.

[167] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 316.

[168] Voir supra.

[169] Sur cette pratique, cf. Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV, p. 49.

[170] Sur les usages des termes de « murâbit » et de « sâlih » en Ifriqiya hafside et leur évolution, voir N. Amri, al-Walâya wa l-mujtama‘, p. 494-508.

[171] Voir supra.

[172] Dont il faudrait au demeurant qu’une étude assez fine traque les différentes acceptions, fonctions et usages que recouvre le terme sur toute l’étendue du monde musulman médiéval ; l’article de J. Chabbi (« Ribât », EI2, VIII, p. 511-523) certes encore utile, devrait pouvoir être nuancé à la lumière notamment de travaux plus récents.

[173] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1472.

[174] Ibid., respectivement, notices 1657 et 1475 ; voir aussi al-Sakhâwî, Daw’, t. XII, p. 114, notice 689 et p. 16, notice 85

[175] Al-Safadî, A‘yân, t. II, p. 402, notice 693.

[176] Ibid., t. II, p. 387 ; voir aussi sa notice dans Ibn Hajar al-‘Asqalânî, Durar, t. II, p. 117, notice 1742.

[177] Ibn Hajar, Durar, t. II, p. 6, notice 1480.

[178] Pour une excellente synthèse sur la question, cf. l’article de D. Gril, « De l’usage sanctifiant des biens en islam », Revue de l’histoire des religions, 215, 1/1998, p. 59-89.

[179] D. Gril, « Le saint et le maître », op. cit., p. 84-5.

[180] Al-tawakkul signifie l’abandon confiant à Dieu et la remise à lui notamment dans la subsistance ; le contraire étant le kasb : gagner sa vie ou vivre du labeur de ses mains.

[181] D. Gril, « Le saint et le maître », op. cit., p. 82-3 et Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, p. 139.

[182] N. Amri, « Umm Muhammad al-Urbusiyya », op. cit., p. 930.

[183] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 173.

[184] Al-Safadî, A‘yân, II, p. 402.

[185] H. H. Abdelwahab, Shahîrât al-tûnusiyyât, op. cit., p. 112-3.

[186] N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 108.

[187] Cf. sa notice dans Ibn Nâjî, Ma‘âlim, III, p. 134-143.

[188] Ibid., p. 141.

[189] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 387.

[190] Ibid., 318.

[191] Les Ashrâf revendiquent une ascendance remontant au Prophète et aux Ahl al-Bayt ; sur le naqîb al-shurafâ’ et ses fonctions, cf. l’article « Sharîf », EI2, t. IX, p. 344.

[192] Ibn Qunfudh, Uns, p. 81.

[193] Al-Kinânî, Takmîl,  p. 112-113.

[194] Pour cette sainte et les sept autres enterrées dans le cimetière du Sharaf, voir infra et Ibn al-Sabbâgh, Dhikr Mashâyikh al-Sharaf, op. cit., Ms. 4179, f. 48b et 49a ; Ms. 2776, f. 45a et 46a.

[195] R. Aoudi-Adouni, Stèles funéraires tunisoises, op. cit., p. 92-3.

[196] Ibn Hajar, Durar, II, p. 5, notice 1478 ; ibid., notice 1479 ; ibid., p. 7, notice 1483; p. 118, notice 1743 (à noter que cette dernière Zaynab bt Ahmad b. ‘Abd al-Rahîm, appelée Bint al-Kamâl  et « qui ne s’est guère mariée » (wa lam tatazawwaj qatt est confondue à tort par l’éditeur de A‘yân al-‘asr (II, p. 389),  avec Zaynab bt Ahmad b. ‘Umar b. Abî Bakr b. Shakar al-Maqdisiyya, dont la généalogie est de toute évidence différente et qui, de surcroît était mariée et avait un fils (Muhammad b. Ahmad al-Qassâs), avec qui  elle cohabitait, ibid.

[197] Sur l’usage de la kunya dans le ism, cf. J. Sublet, Le voile du nom. Essai sur le nom propre arabe, PUF, Paris, 1991.

[198] D. Gril, « Le corps du Prophète », in C. Mayeur-Jaouen et B. Heyberger (dir.), Le corps et le sacré, op. cit., p. 55.

[199] Sur tous ces couples saints, cf. N. et L. Amri, Les femmes soufies, respectivement, p. 92-3 ; 120-4 ; 141-2 ; 145-8.

[200] Ibid., p. 92-3 et  n. 4 ; voir aussi Sulamî, Femmes soufies, notice 69.

[201] Al-Mâlikî, Riyâd, I, p. 415

[202] Ibid., II, p. 454.

[203] Ibid., II, p. 395 ; elle était par ailleurs fille de saint.

[204] N. Amri, « Portrait d’un saint d’Ifrîqiya dans sa famille ou l’épouse comme source pour l’hagiographe d’après al-Asrâr al-jaliyya fî l-manâqib al-Dahmâniyya d’al-Dabbâgh (m. 699/1300) », in C. Mayeur-Jaouen et A. Papas (éd.) Family Portrait with Saints. Hagiography, Sanctity, and Family in the Muslim World, Klaus Schwarz Verlag, Berlin, 2013, p.  367.

[205] Al-Hawwârî, Manâqib Abî Sa‘îd al-Bâjî, éd. A. al-Bukhârî al-Shitwî, Tunis, 2004, p. 76-7.

[206] En l’absence de vocalisation , nous avons opté, vu le contexte, pour al-mu’addaba pointant le respect, par la sainte, des convenances spirituelles avec Dieu (al-adab), non sans avoir au préalable hésité pour savoir si ce mot ne devait pas être prononcé al-mu’addiba, féminin de mu’addib, maître dans l’apprentissage du Coran pour enfants ; la fonction de préceptrice pour fillettes, appartenant notamment à la cour ou au milieu tunisois fortuné, a, en effet, existé : comme le montre l’exemple cité ci-dessus d’Umm ‘Ulâ al-‘Abdariyya (m. 647/1249).

[207] Al-Hawwârî, Manâqib ba‘d awliyâ’ madînat Tûnis, Ms. 8906, BN, Tunis, f. 220a.

[208] Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, p. 16.

[209] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV, p. 108.

[210] Ibn Qunfudh, Uns, p. 86.

[211] Sulami, Femmes Soufies, op. cit., respectivement :  notice 78 ; notice 77 ; notice 74 ; notice 70.

[212] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1648.

[213] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 331-332 et Ibn Qunfudh, Uns, p. 87.

[214] En effet Muhriz b. Khalaf était maître de Coran (mu’addib).

[215] Al-Fârisî, Manâqib Muhriz b. Khalaf, Ms. 18105, BN, Tunis, f. 23b-24a.

[216] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, III, p. 223.

[217] Al-Dabbâgh, Asrâr, f. 5a [136].

[218] Ibid., f. 12b-13a [151].

[219] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, III, p. 222.

[220] Al-Dabbâgh, Asrâr, f. 58a et b [229-230].

[221] Ibid., f. 45b [209].

[222] Ibid., f. 34a [187].

[223] Cf. sa notice dans N. Amri, « Umm Muhammad al-Urbusiyya », op. cit., p. 929-931.

[224] Al-Dabbâgh, Asrâr, ff. 126a-128b [298-300].

[225] Safî, Risâla, op. cit., p. 192-3 du texte traduit.

[226] Sur cette sainte, voir N. Amri, « Umm SalÂma Zaynab », dans A. Fella (dir.), Les femmes mystiques, op. cit., p. 931-933.

[227] Sur cette notice d’al-Qadîdî, cf. Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV, p. 49-88 ; sur Umm Salâma Zaynab, voir surtout p. 24, 51, 54 et 86-7.

[228] Sur la piété de Jésus envers sa mère Marie, Cor. 19:32.

[229] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV, p. 51.

[230] Ibid., p. 54.

[231] Voir supra.

[232] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV, p. 24.

[233] A qui il rendit visite en compagnie de six cheikhs ifrîqiyens, cf. Ibn Qunfudh, Uns, p. 97.

[234] Elle y est citée en compagnie de 7 autres sâlihât,  voir Ibn al-Sabbâgh, Dhikr Mashâyikh al-Sharaf, op. cit., Ms. 4179, f. 48b et 49a ; Ms. 2776, f. 45a et 46a.

[235] Manâqib Abî ‘Alî Sâlim al-Tibâssî, éd. Ahmed El-Bahi, Contraste Ed., Sousse, 2012.

[236] Ibn Qunfudh, Uns, p. 86-87.

[237] Ibid.

[238] Cf. M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, p. 146.

[239] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 387.

[240] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 165-6.

[241] Ibid., 167-8.

[242]  M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, p. 102.

[243] Sur « Le modèle prophétique du maître spirituel en Islam » voir l’article, du même titre, de D. Gril, in G. Filoramo (éd.), Maestro e Discepolo, Ed. Morcelliana, Brescia, 2002, p. 345-360.

[244] N. Amri, La sainte de Tunis, p. 169.

[245] Ibid., p. 165 et 169-170.

[246] Ibid., p. 170.

[247] M. Hilmî, Ibn al-Fârid wa l-hubb al-ilâhî, Le Caire, 1945, p. 263-274 (al-hubb wa l-qutbiyya), notamment p. 268.

[248] M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, p. 127.

[249] Sur un échantillon de 71 ascètes et dévots morts entre 210/825 et 356/967 et dont les notices figurent dans le Riyâd al-nufûs d’al-Mâlikî, nous avons recensé non moins de 21 fois où est évoquée la fameuse grâce accordée au saint appelée ijâbat al-du‘â’ (l’invocation exaucée), cf. N. Amri, al-Tasawwuf bi-Ifrîqiyya fî l-‘asr al-wasît [le soufisme en Ifrîqiya à l’époque médiévale, Contraste Ed., Sousse, 2009, p. 55. Pour l’Orient, nous nous contentons de citer l’un des exemples les plus représentatifs, celui de Âmina al-Ramliyya dont le théologien et fondateur du rite hanbalite Ahmad b. Hanbal (m. 241/855) sollicitait le du‘â’, cf. N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 85-6.

[250] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 94.

[251] Sorte de drap.

[252] Ibn Qunfudh, Uns, p. 86.

[253] Ibid., p. 87.

[254] Ibid.

[255] Cf. N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 166-7 ; voir sa tarjama dans Safadî, A‘yân, IV, p. 28 et Ibn Hajar, Durar, III, p. 226, notice 566.

[256] Ibn Qunfudh, Uns, p. 87.

[257] Safadî, A‘yân, II, p. 402, notice 693 ; voir aussi sa notice dans Ibn Hajar, Durar, II, p. 127, notice 1787.

[258] Ibn Hajar, Durar, II, p. 213, notice 1995.

[259]A la mort de Zaynab bt Ahmad b. ‘Abd al-Rahîm al-Maqdisiyya (née en 646/1248), connue surtout comme musnida et râwiya qui attirait une foule d’étudiants (wa tazâhama ‘alayhâ al-talaba), al-Dhahabî affirme que la science du hadîth perdit beaucoup, Ibn Hajar, Durar, II, p. 117-8, notice 1743.

[260] N. Amri, « Umm Muhammad al-Urbusiyya », op. cit., p. 930-1.

 

[261] Pl. de faqîr, pauvre en Dieu (cf. Cor. XXXV : 15) ; ce terme désigne aussi bien le novice d’un cheikh, son serviteur (khadim), l’aspirant (murîd), que celui (comme ici) qui fréquente assidûment une zâwiya où il s’adonne à la récitation du Coran et à l’invocation (dhikr).

[262] N. Amri, La sainte de Tunis, p. 186,  188, 215-6 et 225.

[263] Sitt ‘Ajam, Sharh al-Mashâhid, op. cit., cf. l’Introduction des éditeurs, p. 1.

[264] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1622.

[265] Al-Ghazzî, Kawâkib, I, p. 288-293. Parmi ses oeuvres :  al-Fath al-haqqî min minah al-talaqqî ; al-Malâmih al-sharîfa wa l-âthâr al-munîfa ; ou encore al-Durr al-ghâ’is fî bahr al-mu‘jizât wa l-khasâ’is ; dans le genre al-madh al-nabawî, elle composa al-Qawl al-badî‘ fî l-salât ‘alâ al-habîb al-shafî‘.

[266] Pour la traduction française de cet ouvrage, cf. Ansârî, Chemin de Dieu, trad. S. de Laugier de Beaurecueil, Sindbad, Paris, 1985.

[267] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 387.

[268] Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, p. 151.

[269] Victoire prédite également par Ibn ‘Arabî, cf. Cl. Addas, Ibn ‘Arabî ou la quête du Soufre rouge, Gallimard, Paris, 1989, p. 349.

[270] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf, p. 316.

[271] Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, p. 136-7.

[272] Ibn Qunfudh, Uns, p. 87.

[273] Voir N. Amri, Les saints en islam, op. cit., p. 199-236.

[274] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, II, p. 74.

[275] Ibn Nâjî, Ma‘âlim,  t. III, p. 142.

[276] Sur la question au Maghreb, au Moyen Âge, cf. N. Amri, Les saints en islam, p. 114-123.

[277] Ibn Qunfudh, Uns, p. 73.

[278] N. Amri, « Umm Yahyâ Maryam », op. cit., p. 935.

[279] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, t. III, p. 222.

[280] Ibn ‘Arabî, Les Soufis d’Andalousie, p. 140.

[281] Ibid et D. Gril, « Le saint et le maître », op. cit., p. 83.

[282] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 188.

[283] Sur tous ces prodiges, dont son hagiographie est émaillée, cf. notre traduction, N. Amri, La sainte de Tunis, p. 157-247.

[284] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV, p. 87 ; le Sâhil ou encore bilâd al-Sâhil constitue au Moyen Âge une « entité géographique, économique et administrative spécifique par rapport aux autres régions » ; il s’agit d’une ceinture de  villages qui s’étend du nord de Sousse jusqu’à la ville de Sfax, appelée depuis l’époque aghlabide, Sâhil al-Qayrawân, car d’une part, les habitants de la cité de ‘Uqba y avaient des propriétés et, d’autre part, en raison de cette ceinture d’ouvrages fortifiés allant de Hergla à Naqta, qui assurait la protection de Kairouan, cf. M. Hasan, al-Madîna wa l-bâdiya, op. cit., t. I, p. 241.

[285] Sur cette figure et sa diffusion, notamment à Kairouan et dans sa région, cf. N. Amri, « Magistère scientifique, ascèse et patronage rural. Les figures du saint homme dans la région de Kairouan du VIIe/XIIIe au IXe/XVe siècle, d’après le dictionnaire biographique d’Ibn Nâjî », dans N. Amri et D. Gril (dir.), Saint et sainteté, op. cit., p. 167-230.

[286] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV,  p. 86.

[287] Ibid.

[288] Safadî, A‘yân, IV, p. 34.

[289] Nous avons recensé non moins de sept occurrences de cet adjectif chez cet auteur qui ne l’utilise pas systématiquement dans toutes les notices, ce qui plaiderait probablement pour un usage réfléchi et sélectif ; même s’il ne faudrait pas trop forcer ici l’interprétation et l’usage de ce terme dont seule une approche lexicale fine et contextualisée peut rendre compte des usages à l’époque d’Ibn Fahd et dans son milieu.

[290] Hidda en arabe est, en fait, un mélange de rapidité et de vitalité dans l’action (al-nashât wal-sur‘a fî l-’umûr), de rigueur (qui n’exclut pas la colère) et d’un comportement tranchant qui n’est pas sans évoquer le tranchant de l’épée (hadd al-sayf) ; hadda basaruhu : un homme dont la vue devient perçante hadîd (comme dans Cor 50 :22), cf. Ibn Manzûr, Lisân al-‘Arab, Dâr Sader, Beyrouth, 2005, 4, p. 55-8.

[291] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1472.

[292] La ruqya, est un rite de guérison qui remonte à l’époque antéislamique et qui, débarrassé de sa dimension magique, a été intégré à l’islam. Présente dans la sunna, cette pratique peut consister en une simple récitation de versets coraniques.

[293] Ghazzî, Kawâkib, II, p. 129, notice 928.

[294]Ibid., p. 141, notice 960.

[295] Même s’il convient de ne pas trop durcir ce trait : des saints hommes ont encouru également des accusations aussi graves.

[296] A. Vauchez, La sainteté en Occident, op. cit., p. 407.

[297] R Aoudi-Adouni, Stèles funéraires tunisoises, op. cit., p. 92-3.

[298] Cf. N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 106-119 ; voir aussi Sulamî, Femmes soufies, p. 45-9, notice 1.

[299] Cf. N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 151-3.

[300] Sulamî, Femmes soufies, op. cit., notice 42.

[301] Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1655.

[302] Musnad ibn Hanbal, les deux Sihâh,de Muslim et de Bukhârî,  le premier chapitre de Târîkh Baghdad  li l-Khatîb al-Baghdâdî, Sahîh Ibn Habbân, cf. Ibn Fahd, al-Durr al-kamîn, notice 1663.

[303] Ibid., notice 1472.

[304] Ibn al-Zayyât, Tashawwuf,  p. 317.

[305] N. Amri, « Portrait d’un saint d’Ifrîqiya », op. cit., p. 382.

[306] Ibid., p. 377-8.

[307] Ibid., p. 381.

[308] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 158-9.

[309] Ibid., p. 160.

[310] Ibid., p. 242

[311] Ibid., p. 183-4.

[312] Ibid.,  p. 230

[313] Ibid., p. 62.

[314] Voir supra.

[315] Ghazzî, Kawâkib, II, p. 141, notice, 960.

[316] N. Amri, « Portrait d’un saint d’Ifrîqiya », op. cit., p. 378.

[317] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, I, p. 32.

[318] Ibn Nâjî, Ma‘âlim, IV, p. 86-7.

[319] Ibid., p. 87.

[320] Signalons à titre d’exemple : Jamâl al-Dîn Muhammad al-Misrâtî, Risâla fî ziyârat al-awliyâ’, appelée également Tuhfat al-ikhwân fî ziyârat ‘Abd al-Rahmân ou enfin Risâlat fî l-intifâ‘ min ziyârat awliyâ’ Allâh al-sâlihîn, cf. A. El-Bahi, « Introduction » à son édition d’al-Misrâtî, Manâqib Abî l-Qâsim al-Misrâtî, Contraste Ed., Sousse, 2009,  p. 27.

[321] Cf. N. Amri, Les saints en islam, p. 190-1.

[322] N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 196.

[323] Ibid.,  p. 244.

[324] Dhikr Mashâyikh al-Sharaf, Ms. 18555, fol. 19b ; Ms. 4179, f. 50a et Ms. 2776, f. 48b.

[325] Ms. 4179, f. 49a.

[326] Serait-elle la fille d’Abû ‘Abdallah al-‘Ayyâsh, saint cité dans les Manâqib d’Abî  ‘Imrân Mûsâ al-Ghifârî (m. 634/1236) (Ms. 18441, f. 48a, qui, avec trois autres saints de la capitale, furent l’objet des prodigalités du Sayyid Abû l-‘Alâ’, gouverneur mu’minide de l’Ifriqiya de 618/1221 à 620/1223 ?

[327] Pour ces saintes, voir Ms. 4179, f. 48b et 49a ; Ms. 2776, f. 45a et 46a.

[328] Sur la question cf. N. Amri, Les saints en islam, p. 139-160.

[329] Cette tombe, disparue depuis le début des années 1960, se trouvait dans l’ancien cimetière al-Gurjânî, dans sa partie nord-ouest, anciennement connu sous le nom du cimetière du Sharaf, déjà maintes fois cité, surplombant la Sabkha du Sijûmî, cf. N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 33.

[330] N. Amri, Ibid, p. 63-4.

[331] Ibid., p. 34-5.

[332] Ibid., p. 31-35.

[333] Une nouba (genre musical d’origine andalouse répandu dans tout le Maghreb) est dédiée à la sainte (Nûbat Umm al-Zîn) et est interprétée par des cantatrices célèbres.

[334] Sur elle, cf. N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 160-3 ; Y. Râghib, « al-Sayyida Nafîsa, sa légende, son culte et son cimetière », dans Studia islamica, n° 44, 1976, p. 61-86 et 1977, p. 27-55 ; E. Geoffroy, « Nafisa bint al-hasan », dans A. Fella (dir.), Les femmes mystiques, op. cit., p. 746-8.

[335] Sur la signification de cette présence massive des figures « anciennes », voir infra.

[336] Sur les fondements doctrinaux de cette vénération du Prophète, cf. Cl. Addas,  La Maison muhammadienne. Aperçus de la dévotion au Prophète en mystique musulmane, Gallimard, Paris, 2015.

[337] Ce sont là les deux fragments du titre de l’ouvrage d’al-Safadî, maintes fois cité A‘yân al-‘asr wa a‘wân al-nasr.

[338] N. et L. Amri, Les femmes soufies, p. 50.

[339] On attribue à Ibn ‘Arafa (m. 803/1401), le célèbre juriste mâlikite ifrîqiyen, ce propos : « celui qui ne passe pas la nuit en adoration, il est permis de douter de sa sainteté (fafî tasmiyatihi bi l-sâlihîn ‘indî nazar) », N. Amri, Les saints en islam, p. 120.

[340] R. Brunschvig, La Berbérie orientale sous les Hafsides, trad. par H. Sahli, Târîkh Ifrîqiyya fî l-‘ahd al-hafsî, Dâr al-Gharb al-islâmî, Beyrouth, 1988, t. II, p. 178-9.

[341] Cf. M. Marín, « Exemplary Women in Early Islam”, in Kari E. Borresen éd. Christian and Islamic Gender Models in Formative Traditions, Rome, Herder, 2004, p. 149-162.

[342] Le Mémorial des saints, trad. P. de Courteille Paris, 1976, p. 82.

[343] Voir supra et N. Amri, La Sainte de Tunis, p. 96-101.

[344] Invocation attribuée à ‘Â’isha al-Mannûbiyya, ibid., p. 201.

[345] Propos cité par M. Chodkiewicz, « La sainteté féminine », op. cit., p. 249.

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