Religion et Territoire

IMG_4511 (2)Colloque organisé par le Centre d’études et d’interprétation du fait religieux (CEDIFR)

de la Faculté des sciences religieuses de l’Université Saint-Joseph

le 10 et 11 février 2017.

Même si le lien étroit entre religion et territoire semble être évident, il peut être compris et analysé de diverses manières. Le colloque du CEDIFR de 10-11 février 2017 en est une illustration. Un premier exposé a essayé d’expliquer les raisons de ce lien étroit à partir d’apports sociologiques (Thom Sicking). De quel territoire parlons-nous ? La figure d’un maître soufi du XIIIe siècle (cheikh Sâlim al-Tibâssî) montre d’abord que le lieu de sa sépulture donne un nom à un endroit ce qui constitue un petit territoire. Mais bien plus, l’influence de ce personnage s’étend très loin, et se lie à quelques territoires géographiques (Damas, Afrique du Nord) ou même carrément au cosmos tout entier (Nelly Amri). Dans un tout autre ordre on constate que la tradition chrétienne est liée à un univers culturel spécifique qui ne peut se maintenir inchangé lorsqu’il pénètre dans la culture des indiens d’Amérique du Nord. Les images et les célébrations doivent rejoindre cette culture bien différente et cela se fait progressivement, avec des résistances (Bernadette Rigal-Cellard). Les chrétiens parlent volontiers de la « Terre sainte ». Mais quels étaient les contours d’un tel territoire ? Ils changent profondément au cours de l’histoire. Des témoignages de pèlerins latins en différents moment de l’histoire en témoignent. De plus, la « Terre Sainte » change de contour selon les regards, chrétiens, musulmans, juifs (Camille Rouxpetel). Au Liban on a pris conscience que Jésus Christ a passé à différentes occasion par la partie Sud du Liban, notamment à Tyr et à Sidon. Le tourisme religieux est intéressé par ce fait et cherche à établir des lieux de pèlerinage précis, qui donnent envie aux pèlerins de venir. Il y a donc une recherche pour démontrer l’historicité de ces lieux, même – et peut-être surtout – lorsque des doutes sérieuses sur son historicité existent (Nour Farra-Haddad). Le Nord de la plaine de la vallée de la Bekaa est une région pauvre et délaissée. Sur ce territoire –économiquement délimité – il n’y a pas de lieux de culte grandioses. Mais des endroits très modestes, où les habitants viennent avec leurs dévotions, existent et échappent au contrôle des autorités religieuses. On y trouve encore des pratiques que l’on ne trouve plus nulle part ailleurs (Houda Kassatly). Les chrétiens maronites sont, par leur histoire, fortement liés au Liban. Que se passe-t-il lorsqu’ils émigrent et restent pourtant liés à leur tradition, tout en s’adaptant à leur nouvel environnement ? La réponse n’est pas univoque. Une enquête en révèle divers caractéristiques, montrant par-là que l’identité maronite en dehors du Liban se cherche (Mouna Zaiter). Le regard du géographe sur le lien entre territoire et religion pose d’abord la question de la définition d’un territoire. Un espace peut devenir territoire par la volonté des habitants qui le déterminent. Un territoire est donc mouvant. L’installation des divers lieux de culte dans la ville de Beyrouth et de sa proche banlieue en témoigne (Jocelyne Adjizian-Gérard). Les Arméniens installés au Liban, à la suite des massacres, s’installent surtout dans la ville de Borj Hammoud. Les quartiers de cette ville prennent les noms de villages ou villes arméniennes, en ajoutant le mot « Nor », qui signifie « Nouveau ». Puis, le territoire devient plus homogène devenant une espace collectif mixte où d’abord les arméniens d’origine différente constituent une seul ensemble lequel à son tour s’ouvre à d’autres personnes déplacées qui viennent s’y installer à la place d’arméniens qui ont quitté le quartier ou même le pays (Raffi Gergian).

L’ensemble des exposés montre que le lien entre territoire et religion se maintient partout mais n’est jamais tout à fait le même. Il change d’un endroit à un autre et se modifie au cours de l’histoire.

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Essai de synthèse : Ressemblances et différences dans la sainteté féminine

Thom Sicking s.j.

Université Saint Joseph – Beyrouth

La reconnaissance Les hagiographes sont une source essentielle pour connaître les figures des saints et saintes. Durant le colloque, il a été signalé à plusieurs reprises leur réticence à rendre compte des figures de sainteté féminine. Nelly Amri a signalé que les mystiques féminines ont rarement droit à une notice propre dans les dictionnaires : si elles sont mentionnées, elles le sont le plus souvent dans des notices collectives et sans noms propres. Christian Décobert a signalé la contradiction entre la popularité de Sayyida Nafisa et sa place réduite dans l’hagiographie. Norig Neveu a fait remarquer que des saintes sont marginalisées ou même effacées de la mémoire dans la région de Ma’an. Et même si le monde chrétien donne plus facilement une place importante aux saintes, Ugo Zanetti a fait une remarque analogue à celle de Nelly Amri : dans le synaxaire copte les saintes sont souvent regroupées, et leurs notices sont rares. Dans les temps modernes elles sont même absentes. Continuer la lecture

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Sainte Rafqâ, souffrante, femme et maronite

Chantal Verdeil

Institut national des langues et civilisations orientales – France Institut Universitaire de France

Canonisée par le pape Jean-Paul II en 2001, Sainte Rafqâ fait partie des saints libanais objets d’un culte partagé par les chrétiens et musulmans1 . Le couvent de Mar Yûsuf (saint Joseph) à Jarabtâ où elle a achevé sa vie est un lieu de pèlerinage fréquenté, des bougies à son effigie remplissent les rayons des supermarchés beyrouthins et son portrait orne de très nombreuses églises maronites, au Liban comme en dehors, en Syrie comme en France. Sainte libanaise récente, puisqu’elle est morte il y a tout juste un siècle, que nous dit Sainte Rafqâ des évolutions contemporaines de la société libanaise et de l’Église maronite à laquelle elle appartient ? Continuer la lecture

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Le Maqâm de Sayyida Khawla à Baalbek, Liban : entre visites dévotionnelles et haut lieu de pèlerinage Chiite

Nour FARRA-HADDAD

Université Saint Joseph – Beyrouth

Baalbek, Héliopolis, la ville du soleil, ville ‘sainte’…. Cette ville cananéo-phénicienne au cœur de la plaine fertile de la Bekaa au Liban vivra son heure de gloire durant la période romaine. C’est alors que furent construits les fameux temples de la ville, six temples au total dont trois principaux regroupés dans le complexe cultuel de l’ «Acropole », la « Qalaa » avec le sanctuaire de Jupiter, celui dit de Bacchus et celui dit de Vénus. Haut lieu de pèlerinage depuis la haute antiquité, la ville où on adorait le soleil « Baal Shamash », Hélios ou Jupiter devint une vraie ‘ville sainte’ au premier siècle avant Jésus Christ. Les pèlerins y accouraient par milliers pour y vénérer les dieux et procéder à des rituels votifs. Continuer la lecture

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Travestissement et sainteté : la figure druze de Sitt She’waneh

Houda Kassatly,

Université Saint Joseph – Beyrouth

« De sommet en sommet, disent les Druzes, se répondent les voies sacrées des incorporels qui jouissent, en Dieu, de « l’existence supérieure », récompense de leurs vertus. »1

Le maqam, ou mazar druze, de Sitt She’waneh est situé sur une haute colline, Tallet el Moudiq, dans une région nommée El Saalouk qui se trouve au pied du flan Est de la chaîne du Mont-Liban. On y accède par une bifurcation à partir de la route qui va de la grosse bourgade de Chtaura vers le sud de la Bekaa. Sur la voie qui prend fin au sanctuaire, on ne rencontre qu’une ferme isolée. Le site fait face aux marécages du village de Ammiq et se trouve situé à 53 km de Beyrouth, dans la zone administrative du Caza de la Bekaa Ouest. Continuer la lecture

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Mariam Baouardy, Bienheureuse Sœur Marie de Jésus Crucifié (1846-1878), mystique de Palestine

Farah Mébarki

Historienne, Carmel de Bethléem L’anneau invisible, ou la poétique palestinienne d’une petite sainte arabe.

Mariam Baouardy, en religion Sœur Marie de Jésus Crucifié, était une petite1 Arabe de Galilée devenue carmélite. Dans le XIXe siècle des nouvelles fortunes industrielles et de la libre pensée, elle, dans son humilité de sœur converse2 , illettrée en arabe comme en français. Continuer la lecture

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Saintetés féminines, hagiographies contrastées et topographie sacrée marginale dans le sud de la Jordanie

Norig Neveu

Institut Français du Proche-Orient – Amman

Introduction

Depuis une vingtaine d’années, on assiste à un renouveau de la recherche sur les lieux saints et la sainteté qui a permis une remise en cause de l’historiographie coloniale. Ces investigations ont d’abord contribué à décloisonner études des saints et études théologiques. L’analyse de la sainteté et des pèlerinages s’est progressivement affirmée comme une composante d’un univers social et politique et non comme une constituante distincte de ce dernier1 . Plusieurs travaux sur le MoyenOrient se sont arrêtés sur des lieux saints secondaires afin de mettre en perspective les récits et productions relatifs à la vie des saints avec les pratiques de culte liées à leurs visites . Continuer la lecture

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Femmes et saintes en terre d’Égypte

Ugo Zanetti

Ancien Bollandiste, Monastère de Chevetogne – Belgique

Pour parler des figures féminines de la sainteté présentes dans le subconscient des Coptes, on pourrait examiner l’étalage des librairies chrétiennes d’Égypte, ce qui ne m’est pas possible aujourd’hui. D’ailleurs, en toute honnêteté, cela ne correspond guère à mon tempérament de philologue. Continuer la lecture

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Sayyida Nafîsa, entre culte communautaire et magistère de la sainteté

Christian Décobert

Centre national de la recherche scientifique – Paris

On ne sait presque rien de Sayyida Nafîsa. Nafîsa bint al-Hasan ibn Zayd ibn al-Hasan ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib était l’arrière arrière petite fille de ‘Alî, cousin, compagnon et gendre du Prophète Muhammad, et quatrième calife de l’islam. Nafîsa appartenait à cette fraction de la famille ‘alide qui s’était ouvertement tenue à l’écart de toute revendication de pouvoir sur la communauté musulmane, puisqu’elle s’était ralliée à la dynastie omeyyade, puis aux ‘Abbâssides. Nafîsa naquit peut-être en 762, à La Mecque. On sait peu de choses de son existence, sauf qu’elle menait une vie d’austérité.

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La Rahmaniya et le rôle de Lalla Zeyneb dans le développement de la zaouïa d’al-Hamel au sud algérien

Ouiza Gallèze

Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques – Alger

Introduction

A une époque régie par le rationalisme, l’esprit scientifique et la technologie, les notions de sainteté ou de soufisme peuvent ne pas être une préoccupation majeure. Elles restent néanmoins sympathiques et spirituelles et peuvent conduire à des explications rassurantes des phénomènes de notre quotidien. Sous un angle plus profond, elles peuvent mener vers un monde de silence où les choses n’ont pas de noms. Se définissant par leur sagesse, elles adhèrent à la construction d’une foi intérieure modifiant le regard de la personne sur les choses qui l’entourent. Continuer la lecture

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