UN SULTAN EN QUETE DE SPIRITUALITE Suivi de : BILAD ESH-SHAM : LA DESTINATION FAVORITE DES MAGHREBINS

Conférence : Un Sultan en quête de spiritualité

Conférence : Un Sultan en quête de spiritualité

 

Ouiza Gallèze

CNRPAH- Algérie

 I – UN SULTAN EN QUETE DE SPIRITUALITE ?

 

1-      L’histoire du Maghreb avant la dynastie almohade

L’Afrique du Nord dans l’histoire et la construction du pouvoir 

Le Maghreb est un vieux territoire où plusieurs civilisations ont vu le jour. L’archéologie montre la présence de l’Homo erectus depuis au moins deux cent mille ans, alors que de nouvelles techniques de recherches parviennent à visualiser des sites archéologiques plus anciens datés par archéomagnétisme, livrant des informations sur des hominidés de près de deux millions d’années. La première civilisation connue mais dont on ne maîtrise point les détails remonte à quinze mille ans avant Jésus Christ, comme le site archéologique d’Oran (à l’Ouest de l’Algérie) ou celui de la culture capsienne (Kafsa ou Gafsa en Tunisie). Un brassage avec d’autres groupes locaux donnera la civilisation du néolithique dont les peintures rupestres de l’Atlas (sud de l’Algérie) sont un fiable témoignage.

En des temps immémoriaux, le Maghreb[1] était appelé Tamazgha (en langue locale), mais les historiens lui préfèrent le terme de « berbère », déformation de « barbares » attribué par les Romains qui signifie « étrangers » ou « peuple ne parlant pas le romain ». Les Berbères[2], habitants de la région depuis plusieurs centaines de siècles, étaient des peuplades de pasteurs, chasseurs et agriculteurs.

Géographiquement, la région présente un intérêt stratégique commercial et politique attirant plusieurs conquérants. Les Phéniciens, venus de Tyr à partir du VIIIe siècle avant Jésus, établissent des points d’escale pour en faire des comptoirs commerciaux. Carthage se trouve être, au IVe siècle A. J., la ville la plus opulente et la plus attrayante de la Méditerranée. Elle suscite ainsi la convoitise des Grecs et des Romains. Un conflit titanesque va l’opposer à Rome qui se traduira par les guerres puniques (264- 146 A. J).  

Après la chute de Carthage, Rome, propriétaire théorique de la région, attend plus d’une centaine d’années pour décider d’occuper les lieux. Un siècle qui permet aux peuplades d’Afrique du Nord de profiter de l’héritage carthaginois. Pour s-y établir enfin, elle commence par développer l’agriculture, puis graduellement se met à contrôler les environs. Le roi de Maurétanie, décédé en l’an 33 A. J., lègue son royaume à l’empereur de Rome qui le divise en deux provinces : la Maurétanie Caesarea en Algérie et la Maurétanie Tingitane en Tunisie ayant pour capitale Tingis (Tanger). C’est peut-être la première frontière symbolique qu’a connue la région. L’Afrique du Nord fournissait à l’empire de Rome 60% de ses besoins en céréales en plus d’autres denrées alimentaires comme l’huile d’olive.  

Au début du Ve siècle avant Jésus, Genéséric, le roi des Vandales, conquit le sud de l’Espagne. Alors, pour mieux contrôler toute la partie occidentale de la Méditerranée et pouvoir exploiter outrageusement ses ressources locales, il conduit, en 429, tout son peuple (hommes, femmes et enfants) à la conquête de l’Afrique du Nord, défiant ainsi la présence romaine qui n’était plus qu’une puissance mineure.   

Ainsi se succèdent les invasions et les guerres intérieures jusqu’à l’arrivée de l’islam dans la région, l’invasion la plus significative et la plus durable de son histoire avec, cependant, des rejets, des accords, des négoces et des stratagèmes qui donnent à chaque fois un sens nouveau à la relation de la foi et du politique. La conquête réelle des différents territoires gouvernés séparément dure plus de cinquante ans. Pour venir à bout des guerres de tribus, le pouvoir de Bagdad va souvent faire appel à des gens de la noblesse locale, au-delà de tout soupçon, mais fort ambitieux, leur proposant une collaboration consistant à continuer de gouverner réellement  leur peuple sous l’emblème de l’islam.

Les guerres et émeutes se succédant, des frontières se dessinent peu-à-peu dans la région de l’Afrique du Nord, avec des variations répondant à des sensibilités historiques ou géographiques. Ces frontières vont permettre aux différentes invasions postérieures de distinguer entre les pays par différents systèmes de colonies. Les Espagnols s’étendent sur tout l’ouest, les Ottomans s’inscrivent dans une longue histoire impériale qui concerne toute la méditerranée mais sans s’intéresser au Sahara, les Français proposent à la Tunisie ensuite au Maroc un système de protectorat, tandis que, plus de cinquante ans plutôt, ils ont entamé une totale colonisation sur l’Algérie. Il faut souligner que, contrairement au Maroc et la Tunisie qui constituent des entités politiques structurées, l’Algérie n’était pas un pays homogène géré par un seul gouvernement, c’était un espace de plusieurs petits états qui se font et se défont au grès des stratégies et forces politiques. Sa colonisation s’est faite par étape, d’abord l’algérois, ensuite le constantinois et enfin l’oranais à l’image de l’occupation ottomane. Le sud, qui n’a présenté aucun intérêt pour les Ottomans, a été annexé par les français au début du XXe siècle. Et la Libye enfin, qui a été une occupation italienne. 

Les Empires musulmans     

La venue des musulmans est l’occupation la plus significative et la plus durable de l’Afrique du Nord. Il est utile de souligner que la toute première prise de contact n’était pas militaire, mais une prédication pacifique de porteurs de science. En effet, les premières conversions des Berbères vers l’islam ont eu lieu avec Abderrahmane Ibn Rostom, venu d’Irak, accompagné de prédicateurs ibadites qui portent le nom de « propagateurs de la science », un peu avant la venue des armées pour les conquêtes musulmanes. Ce fondateur de la dynastie Rostomide de l’Afrique du nord prône un islam pur, pacifique et originel. Il constitue l’Imama de Tihert[3], un véritable état ibadite qui a eu des adeptes de Tripoli à Tlemcen.

 

A partir du VIIe siècle, les conquêtes musulmanes arrivent au Maghreb. « Les conquêtes » au pluriel, car elles se caractérisent par un va-et-vient prolongé, avec des réussites et des échecs multiples. En 669, ‘Oqba Ibn Nafi’ occupe péniblement des espaces qu’il perd aussitôt, qu’il reconquiert ensuite dans des guerres souvent sanglantes. La région elle-même est morcelée en plusieurs petits Etats avec des rois de capacités militaires variables. Le centre (l’Algérie actuelle), une des plus importantes parties, était gouverné par une femme, Dihiya (que les arabes surnomment la Kahina). Elle se bat jusqu’à la mort, mais ses fils, fort ambitieux et se rendant à l’évidence, négocient des postes de responsabilité au sein d’un large territoire de confession musulmane.

Cette pratique se généralise. Plusieurs chefs berbères influents négocient, au bout de plusieurs vains affrontements, des places avantageuses en échange de l’islamisation d’une ou plusieurs tribus. Ainsi, à titre d’exemple, le chef des Maghraoua, une des plus grandes tribus locales, fait prisonnier par les soldats musulmans, est conduit devant le calife de Bagdad qui lui propose un marché : embrasser l’islam et le proclamer ouvertement devant les siens ; en échange, il le fera roi sur un territoire beaucoup plus étendu que sa tribu.  

Ces chefs de tribus deviennent souvent de valeureux officiers musulmans. En 711, un Berbère converti à l’islam, Tariq ibn Ziyad, commande les forces arabo-berbères qui traversent le détroit[4] qui sépare l’Afrique de l’Europe pour envahir la péninsule ibérique. S’ensuit une période fastueuse dans l’histoire de la péninsule, qui reste pendant plusieurs siècles une des plus riches régions d’Europe et la plus développée dans les domaines économique, scientifique et artistique.  

Mais il faut relever que la cohabitation arabo-berbère n’a pas toujours été facile. Même si la région est largement islamisée et le pouvoir relativement partagé, les autochtones sont traités par les arrivants comme des musulmans de secondes zones, soumis à un impôt normalement réservé aux non-musulmans. Ce qui provoque, en 740, une lutte acharnée contre les gouverneurs d’origine arabe qui sont chassés et remplacés par des gouverneurs berbères. Mais la région est déjà fortement arabisée car des peuples entiers sont venus avec les armées et se sont installés. Impossible de faire le tri. Ils se mélangent aux locaux et les liens de sang aidant, on ne les distingue plus.

En 780, un certain Moulay Idriss arrive au Maghreb. C’est un Arabe exilé qui fuit les persécutions des Abbassides (la dynastie régnante à Bagdad). Il s’introduit et s’installe avantageusement chez les gens, gagne la confiance des tribus locales et finit par établir un royaume au Nord du pays, le royaume Idrisside, considéré comme le premier Etat Maghrébin musulman qui n’est pas sous la tutelle de l’Orient. Le calife de Bagdad de l’époque, Haroun er-Rachid, fort vexé d’apprendre qu’un nouveau royaume est né en terre d’islam sans son consentement et hors de sa portée, envoie des émissaires pour assassiner Moulay Idriss, car il peut devenir source de division de son califat. Après plusieurs tentatives, il meurt effectivement empoisonné en 791, laissant derrière lui un nouveau-né. Cet enfant survit, il  est soigneusement protégé et devient le premier roi musulman, maghrébin, à moitié berbère, qui ne vient pas d’Orient et ne gouverne pas sous la bannière de Bagdad. Il est intronisé à l’âge de onze ans et règne sur un Etat relativement stable jusqu’en 829.

Cette stabilité attire la convoitise de plusieurs populations qui vont mettre en péril la sécurité et la stabilité du royaume Idrisside. Et l’histoire se répète avec des pouvoirs qui se succèdent : une période d’unité politique sous les Aghlabides au IXe siècle autour de la ville de Kairouan, les Fatimides et les Zirides au Xe siècle et les Almoravides au XIIe siècle.  

Marrakech est proclamée capitale[5] du Maghreb en 1062 par Youcef Ibn Tachfine, un des sultans almoravides qui étend son pouvoir jusqu’au Sénégal au sud et Saragosse au nord.

Soulignons au passage que la dynastie almoravide a été construite sur des fondements religieux, une éthique traditionnelle et une population conservatrice. Avec le temps, elle devient un Etat libre, ouvert sur le monde, les femmes ont une place et un rôle significatifs et les étrangers qui y viennent apportent avec eux un vent de liberté et de nouveauté. Ceci ne laisse pas indifférents les chefs des tribus berbères conservatrices, qui ne se sentent plus chez eux en voyant les mœurs de leur pays s’éloigner de la Sainte Parole. Cette recherche de la tradition et la colère qui en découle provoquent un esprit de lutte jusqu’à l’abolition du pouvoir almoravide et la mise en place d’un Etat plus fidèle à la tradition : l’Etat almohade.  

2-    La dynastie des almohades 

Le pouvoir almohade et le principe du tawhid 

Les Almohades (al-Mouwahhidun en arabe), (Imwehhden en berbère) « ceux qui se proclament de l’unité divine », sont partisans d’un islam orthodoxe, au nom de la religion originelle et intégrale. Cette dynastie musulmane berbère a dominé de 1147 à 1269, à partir de Marrakech, sa capitale, s’étendant de l’Ebre au Nord, aux fleuves Sénégal et Niger au Sud et aux confins extrêmes de la Tripolitaine à l’Est. Sa particularité est qu’elle a été lancée par un intellectuel profondément intégriste qui a réuni autour de lui plus d’intellectuels que de soldats et enregistré plus de partisans en Andalousie qu’au Maghreb.

Textuellement, « al-mouwahhidoun » vient du tawhid (l’unité ou l’unicité). Ce terme, qui signifie « les unitaires » ou « les monothéistes », veut dire « croire en un Dieu unique » et n’appliquer que le contenu de son Livre Saint et le ijma’,ou ce qui est décidé en communauté. Il n’accepte ni effort individuel ou avis personnel (ijtihad et ra’y khaç), ni réinterprétation (ta’wil). C’est le principe universel de la doctrine. Philosophiquement, le tawhid n’est pas de reconnaitre simplement que rien ne doit être associé à Dieu. C’est aussi, avec plus de subtilité, ne pas isoler l’essence divine (dhat) de ses attributs (sifat), principe qui va fonder un Etat qui ne peut séparer la foi des pratiques ou le religieux du politique. Pour cela, les Almoravides sont accusés d’être des « anthropomorphistes »(mudjassimun), ce qui équivaut à dire polythéistes ; et leurs théologiens (fuqaha’) sont accusés de délaisser la tradition pure (usul) pour s’attacher aux détails (furu’).  

Comme les principes prônés par les almoravides à leurs débuts, le pouvoir almohade englobe la dynamique ethnique, la réforme religieuse caractérisée par la radicalité, les expéditions de guerres saintes et le processus de réunification des terres du Maghreb et de la péninsule ibérique sous une même bannière politique. On raconte qu’à leur prise de pouvoir, les almohades ont exterminé tous les Almoravides. Les quelques survivants qui ont pu échapper (familles des Banu Ghania) se sont exilés aux îles Baléares. Leurs monuments aussi ont presque tous été détruits. Une seule coupole-témoin subsiste encore à Marrakech.

Dès 1140, les Almohades se font connaître comme un mouvement réformiste. Mais c’est en 1147 qu’ils marquent la naissance officielle de leur pouvoir par la prise de Marrakech ; et en 1149,  atteignent Cordoue et Séville.  

L’histoire mythique du pouvoir almohade et la venue du Mehdi

Tout part de la revendication d’un retour à un islam originel, portée par un jeune intellectuel du nom d’Ibn Toumert, un berbère montagnard qui passe la plupart de son temps dans les mosquées. Il aime y allumer des bougies, si bien que les gens l’appellent le flambeau (asafou[6]). C’est un pèlerin mystique, qui se contente d’une galette de pain et d’une tunique rapiécée. Il professe une totale aversion pour l’interprétation personnelle de la religion et ne se réfère qu’à la tradition et au consensus. Se présentant comme « censeur des mœurs et redresseur de tors », il se promène dans les rues de la ville et dénonce la permissivité et le comportement immoral des gens. Dans les marchés, il fonce sur tout ce qui est blâmable, renverse les jarres de vin et brise les instruments de musique. Il dénonce la mixité dans les lieux publics notamment lors des rencontres cultuelles(maoussem), l’absence du port de voile… jusqu’à attirer le regard des gens du pouvoir qui commencent à le trouver dangereux.  

Muhammad Ibn Toumert[7] est né dans l’Atlas marocain, en 1075[8]. Il commence ses études chez les maîtres (shuyukh) du Maghreb puis d’Andalousie où il s’initie aux écrits d’Ibn Hazm l’Andalous, théologien de Cordoue mort en 1064. Puis il décide de partir à la recherche du savoir en Orient pour s’éloigner du pouvoir qui le gène par ses pratiques, d’une part, et pour étudier les sources du droit (fiqh), d’autre part. Il embarque pour l’Alexandrie puis Bagdad. Sur place, il intègre le cercle d’études (al-madrassa an-Nizamiya) où a enseigné l’imam al-Ghazali. Certains disent qu’il y a rencontré le grand penseur du soufisme et auteur du chef-d’œuvre « Revivification des sciences de la religion»(Ihya’ Ouloum Eddine), mais cette information n’est pas vérifiée. Il est certain par contre qu’il étudie la théologie d’al-Ach`arî. La fréquentation d’un tel lieu l’inspire, il s’intéresse à la théologie, la didactique et même à l’ésotérisme et la science de divination. D’après al-Marrakuchi, il aurait consulté des œuvres d’astrologie dans les bibliothèques privées des califes abbassides.

Beaucoup d’histoires, parfois invraisemblables, se racontent autour des sources d’inspiration de la théorie politique d’Ibn Toumert. On dit qu’un livre sibyllin qui circule secrètement dans les sphères d’un savoir particulier retient son attention : Kitab al-Jafr, attribué à l’imam ‘Ali sous la plume de Ja’far al-Sadiq. Il va constituer la pierre angulaire de sa réflexion politique. Il y trouve le signalement d’un réformateur de pouvoir du surnom de l’imam al-Mehdi l’impeccable (al-mu’tacem) auquel il s’identifie aussitôt. Il est dit qu’il sera fondateur d’un pouvoir religieux qui sera exercé par un lieutenant qu’il va former personnellement et qui sera le sauveur des croyants ; le signalement de ce dernier y est clairement décrit. Il est aussi question de lettres mythiques (T, Y, N, M, L) ou (M. L. L)  qui seront à l’origine des choses et le signe du commencement. Il se met donc à la recherche de son lieutenant, car il faut que tous les éléments soient réunis pour aspirer à renverser le pouvoir almoravide au Maghreb et  construire un pouvoir juste.

A la fin de ses études, Ibn Toumert quitte l’Orient et revient vers le Maghreb en sillonnant avec patience les régions berbères à la recherche de son disciple. Désormais reconnu comme « l’imam » et « l’impeccable », il exerce, là où il passe, une autorité que nul ne conteste.

Il faut dire que cette époque est fortement marquée par la croyance profonde de la venue d’un Mehdi tant dans les littératures savantes que dans la tradition populaire. Ce qui est à son goût. Il adopte d’ailleurs un moyen surprenant, étrange et efficace pour frapper les imaginations : il suggère un parallèle entre l’itinéraire du Prophète et le sien. Il assimile la migration de Marrakech vers l’Orient à la hijra[9] de Mohamed de la Mecque à Médine. Avant son départ pour l’Orient, le Mehdi s’est réfugié dans une grotte dans la région du Guelliz[10] à côté de Marrakech, il rapproche cet événement de Tour où le Prophète s’est réfugié pour fuir les Koraïchites. Plus tard, il ajoutera qu’il a été reçu par la tribu des Masmouda comme le Prophète a reçu l’hospitalité des gens de Médine.

Mais cette histoire de miracles n’est pas du goût de tous les historiens. Al-Makrizi, fort réaliste, raconte que la vérité est plus que l’histoire d’une simple lecture d’un livre mythique. Il parait qu’au IXe siècle, un certain Abou Abdallah Ibn Ahmed Ibn Zakariya de Koufa, appelé l’enseignant (al-Mou’allim), profitant de la période du Hadj, a pris contact avec des personnes d’Afrique du Nord, plus précisément de la tribu des Koutama, pour leur faire connaître la cause ismaélienne[11]. Abou Abdallah les aurait même accompagnés en Afrique du nord pour commencer secrètement sa campagne shiite. Cette histoire qui s’inscrit dans l’imaginaire social a dû parvenir aux oreilles d’Ibn Toumert et l’aurait, dès son jeune âge, profondément marqué. Al-Makrizi rapporte aussi que Ja’far as-Sadiq aurait dépêché, dès la première moitié du 2e siècle de l’hégire, des missionnaires vers l’Afrique du Nord, qui auraient résidé chez les gens de Koutama[12].

En revenant vers le Maghreb, Ibn Toumert s’arrête quelque temps à Bejaia qui était un pôle scientifique de grande renommée. Mais au bout de quelques causeries, les gens du pouvoir lui signifient qu’il n’est pas le bienvenu. Il part. Il trouve, sur son chemin, une petite ville du nom de Mellala. Et les lettres (M.L.L) retiennent son attention. Il s’installe dans une petite mosquée appelée la « mosquée de Myrthe » et commence patiemment à donner des cours de théologie, conseillant les uns, aidant les autres à résoudre leurs problèmes et faisant du prosélytisme. Son savoir est très recherché. Des hordes d’apprenants de tous âges viennent vers lui. Des jours durant, il prie. Et un matin, il se lève et dit : « Allah soit loué. Voici qu’est arrivé le moment de la victoire (…) Demain, un étudiant (taleb) viendra vers nous. Heureux ceux qui le reconnaîtront[13] ».  

Pendant ce temps, un étudiant nommé Abdelmoumen, âgé de 20 ans, timide et attentionné, installé dans le ‘Ubbad[14] de Tlemcen, un haut lieu du savoir, reçoit une lettre d’un condisciple lui disant qu’un maître fort intéressant qui enseigne exactement la science qu’il recherche vient d’arriver à Bejaia. Le jeune homme négocie avec son oncle pour qu’il l’accompagne dans un voyage éclair afin de rencontrer le savant. Henri Terrasse présente une raison supplémentaire favorisant la rencontre : « les derniers jours précédant le voyage, Abdelmoumen faisait, de façon répétée, des rêves étranges qu’il confie à son oncle et qu’il veut faire interpréter par le maître. Toutes les nuits, il se voit tenant une grande écuelle, des gens mangent dedans et lui font allégeance ». Son oncle lui recommande de ne pas raconter ses rêves devant des inconnus. Puis il lui raconte que « sa mère aussi, quand elle était enceinte de lui, a vu dans plusieurs rêves des flammes sortir de son ventre et embrasser le monde : au nord, au sud, à l’est et à l’ouest[15]. »

Mais, Ibn Khaldoun, qui s’inscrit dans le courant rationaliste, dit que le voyage vers l’Orient fait partie d’un programme prévu depuis longtemps pour parfaire l’érudition du jeune garçon. Il ne comportait pas la rencontre du shaykh, qui est un pur hasard. Ce voyage sera néanmoins interrompu par l’incroyable croisement de deux intelligences qui vont changer le destin du Maghreb.

Al-Marrakuchi présente ainsi le jeune homme : « Fils de potier, Abdelmoumen est issu d’un petit village de Nedroma dans la tribu de Koumya. Il reçut une éducation raffinée à Tlemcen, ville de sciences, d’art et de musique avec une forte influence andalouse. Il réunit ainsi la rigueur du campagnard et la finesse du citadin ». D’après Henri Terrasse, « ses plus belles qualités, hormis son intelligence et son sens de l’organisation, sont la clairvoyance et la patience ».

El-Baydak le décrit comme suit : « il ne manquait pas de charme, de taille moyenne, musclé, le teint clair, les yeux d’un bleu foncé et les cheveux très noirs, des traits réguliers et des dents d’une blancheur qui donnait de l’éclat à son visage orné d’un grain de beauté. Il avait de l’énergie et une éloquence persuasive et intelligente.»

Abdelmoumen arrive dans la mosquée de Myrthe de Mellala où Ibn Toumert dispense ses cours. Le maître le regarde et reconnait en lui « l’élu ». Le jeune homme s’avance pour lui raconter ses rêves insistants. Mais celui-ci, paraissant très informé de ses origines, le fait asseoir à côté de lui et lui dit : « tu viens du district de Tlemcen, de Tagra du pays des Koumya (…) La science que tu vas chercher en Orient, tu viens de la trouver en Occident.»

Al-Baydak raconte ainsi la rencontre entre les deux hommes au destin scellé : «Quand le soir tomba, l’imam impeccable prit la main du futur calife et tous deux se mirent à marcher. Au milieu de la nuit, l’Impeccable m’appela : « Abu Bakr, donne moi le livre qui se trouve dans l’étui rouge ! » Je le lui remis, et il ajouta : « Allume-nous une lampe ». Il se mit à lire ce livre à celui qui devait être calife après lui. Et, tandis que je tenais la lampe, je l’entendis qui disait : « La mission sur quoi repose la vie de la religion ne triomphera que par Abdelmoumen Ibn Ali, le flambeau des Almohades ». Le futur calife, entendant ces paroles, se met à pleurer et dit: « O ! fakih, je ne suis nullement qualifié pour ce rôle; je ne suis qu’un homme qui recherche ce qui pourra le purifier de ses péchés ! Ce qui te purifiera de tes péchés, répartit l’Impeccable, ce sera le rôle que tu joueras dans la réforme de ce bas-monde ». Et il lui remit le livre en lui disant: « Heureux les peuples dont tu seras le chef et malheur à ceux qui s’opposent à toi, du premier au dernier ! Répète fréquemment le nom d’Allah ; qu’Il te bénisse pendant ta vie, te dirige dans la bonne voie, te préserve de tout ce qui pourrait te causer crainte et appréhension![16]»  

Le temps de faire connaissance et deux autres voyageurs arrivent. Ibn Toumert leur demande  leur provenance. De TINMEL[17], répond l’un d’eux.

Le mot résonne comme une révélation. Tous les éléments sont ainsi réunis comme les quatre éléments premiers de l’origine du monde, le maître demande à ses compagnons de faire les bagages pour partir en direction de Tinmel sur les hauteurs de Marrakech. Autour des deux hommes se forment un groupe de fidèles qui s’agrandit de jour en jour. Deux personnes vont jouer un rôle prépondérant dans cette alliance : le jeune Abdelouahed Ech-Charqui qui sera au service personnel du Mehdi et Abdallah al-Wancharissi qui les rejoint en cours de route et qui sera chargé d’écarter les septiques (tamyiz). C’est lui qui organisera la première attaque sur Marrakech.

Chemin faisant, le Mehdi continue sa mission de censeur des mœurs. Dans toutes les villes qu’il traverse, il fait campagne contre le pouvoir almoravide et oriente les gens vers un islam juste et intégral. Il lutte aussi contre les droits d’imposition abusifs (meks). Par ailleurs, il arme ses disciples de gourdins pour détruire tout objet de divertissement comme les instruments de musique et use de tous ses pouvoirs pour se faire accepter par les gens qui n’en peuvent plus de voir dans leurs villes se répandre le péché. Son mot d’ordre était : «ordonner le bien et interdire l’illicite.» Mais il use aussi de savoir scientifique et de séduction. A Salé, il surprend les habitants par sa maitrise parfaite de la langue berbère ; à Fès, il organise des joutes verbales avec des oulémas qui en sortent toujours vaincus dans des labyrinthes de controverses auxquelles il s’est forgé durant ses études en Orient. Arrivé à Marrakech vers 1120, il se heurte aux notables Almoravides en critiquant encore leurs mœurs. Et même si la majorité des gensvoient en lui un simple orateur perturbateur, un homme de l’entourage d’Ali Ibn Youcef Ibn Tachfine, Malik Ibn Wouhayb, lui-même formé à Cordoue, flaire le danger. Il dit au sultan : « Oh, Seigneur, préserve l’Etat du danger que représente cet homme (…), arrête-le car c’est sûrement lui l’homme au dirham carré dont parlent les textes du Jafr. »  

Ne voulant pas en  faire un martyr, le sultan l’expulse de la ville. Ce qui tombe très bien car il se rend dans le Haut Atlas, à proximité de Tinmel où la tribu des Masmouda, farouchement opposée au pouvoir, le reçoit lui et ses hommes avec véhémence et ferveur. Ce sera la ville ressource du pouvoir naissant. Avec l’aide de ceux qui ont des griefs contre les Almoravides et un nombre grandissant d’adeptes venant de toutes les tribus de l’Atlas, il organise son attaque fatale. Il constitue un groupe de fidèles et fédère les tribus sous son autorité dans une organisation d’assemblées pyramidales :

–          Les « gens de la maison » (ahl ad-dâr), une vingtaine de proches qui constituaient son état-major,

–          Deux conseils: le « conseil des dix » et le « conseil des cinquante », sur le modèle des assemblées de notables des tribus berbères.  

Son objectif principal était de remporter Marrakech. Mais cela ne se fera pas de son vivant. L’Imam décède le 2 septembre 1130[18]. Il est inhumé à Tinmel.

Le règne des Almohades : d’Abdelmoumen à Yaacoub al-Mansour

Abdelmoumen convoque les tribus, prend soin de séparer les hommes des femmes et leur demande si le pacte conclu avec le Mehdi est toujours intact. Après une prière et quelques larmes versées sur la mort du maître, les shaykh lui disent : « Tends ta main droite pour que nous te proclamions comme nous nous sommes engagées à le faire auprès de l’Imam. L’un derrière l’autre, la proclamation des chefs de tribus dure trois jours[19].

Le travail de conquête reprend et les expéditions se succèdent, toutes couronnées de succès. Abdelmoumen entreprend aussi un travail de propagande. Il retourne à Tlemcen pour travailler avec la tribu de Koumya (sa tribu natale) et les tribus environnantes (de l’Est marocain et l’Ouest algérien) pour consolider sa position et fortifier son armée avant de livrer bataille à Marrakech une nouvelle fois. Il prend plusieurs villes de la région et supprime plusieurs valeureux officiers de l’armée almoravide comme Mohamed Ben Houd Slaoui, As-Sahraoui El-Boumazguidi, Cadi Ayyad… Il parvient à Marrakech en 1147, puis se dirige vers le Nord en direction de Cordoue et Séville qu’il assujettit à son autorité en 1149. Parallèlement, il avance avec assurance vers l’Est jusqu’à Béjaia et Sétif et continue jusqu’à Tunis, Mehdiya, Sfax, Tripoli… En 1161, il franchit le détroit de Gibraltar, alors que son fils Youcef Abou Yaacoub attaque la Castille et prend Badajoz, Beja, Evora, Carmona…

En 1163, Abdelmoumen meurt. Son fils Youcef Abou Yaacoub, qui lui succède, continue sur la même lancée, de succès en succès, sans grande surprise. Celui-ci meurt en 1184.  Ils sont tous deux inhumés à Tinmel.

Yaacoub Ibn Youcef lui succède. Continuant les conquêtes, il remporte sur les chrétiens la retentissante victoire d’Alarcos (al-Arak) en 1195 qui lui vaut le surnom de « al-Mansour » (le victorieux). Certains historiens disent qu’il a joué un grand rôle dans le succès de la mémorable bataille de Hattin que Salah Eddine al-Ayyoubi a livré contre les croisés. Enfin, il oriente ses efforts vers la construction intérieure de son Etat, encourage les sciences, la philosophie et la littérature, instaure une stratégie de gestion du palais royal et de la société. Certes, beaucoup de choses ont démarré du vivant de son père, voire de son grand père, mais c’est avec lui qu’elles prennent une forme stable et définitive.

3-    Les réalisations de l’Etat almohade à l’époque de Yaacoub al-Mansour  

La gestion des Almohades est caractérisée par une réelle innovation dans la gestion du palais et de l’Etat et un encouragement réel de toutes les disciplines du savoir.

Encouragement des sciences et du savoir 

Contrairement aux Almoravides qui n’ont favorisé que les sciences juridiques, les Almohades avantagent aussi la littérature, la philosophie et les sciences pour glorifier leurs conquêtes et leur réalisation. Les actions de développement débutent avec Abdelmoumen et s’accélèrent ou prennent leurs aspects définitifs avec Yaacoub al-Mansour :

–          La littérature se découvre une personnalité propre et occupe une place prépondérante, concurrençant la littérature andalouse. C’est une littérature engagée et idéologiquement axée vers l’éloge du pouvoir, elle est orientée par un organisme nommé « Talabatu l’hadar » qui s’occupe de la propagande. Jamais une littérature n’a autant lié son sort à un Etat plus que la littérature almohade.

–          Une littérature administrative organisée est mise en place. On constate, par exemple, la création d’un formulaire des lettres officielles qui a été codifié et qui est resté inchangé.

–          Il y a eu aussi un modèle de littérature militaire.

La poésie n’avait pas de limite. Après la fameuse bataille d’Alarcos, les poètes qui ont défilé devant Yaacoub al-Mansour étaient si nombreux que chacun ne déclamait qu’une strophe, laissant sur place la pièce manuscrite. Il y a eut un tel amas de manuscrits qu’un mur se dressa entre l’Emir et l’assistance ! Mais les manuscrits de cette époque restent rares étant donné l’instabilité politique qui a suivi les almohades et duré des siècles et où chaque dynastie se plaisait à détruire ce que la précédente a érigé[20].

Comme style poétique, on trouve « des préludes » comme les poèmes d’Ibn Tufayl et Ibn Ayach « Exhortation à diriger des brides de chevaux », ou la poésie licencieuse bachique ou satirique comme les « Victuailles du voyageur » (Zad al-Mousafir), ou « la coupe levée » (Al-Qidh al-Mou’allâ). Il y a enfin la poésie de l’ascétisme qui décrit les fins de règne comme les poèmes Ibn Amira, Ibn al-Abbar ou Ibn Charif ar-Rundi qui pleurent les capitales perdues. De même, on peut citer la littérature à caractère religieux et mystique qui avait une vision pacifiste[21].

Du côté des sciences, le rayonnement culturel de Marrakech attire de nombreuses personnalités scientifiques et artistiques, comme le célèbre philosophe Averroès et le médecin Ibn Tufayl.

Les poètes de la cour : on remarque l’apparition des poètes de la cour. Suivant le modèle des cours d’Orient avec Abou Tammam, al-Bouhtouri, al-Moutanabbi, on trouve au Maghreb Ibn Habbous al-Fassi, Ahmad al-Jarawi, Omar al-Aghmati  et Ibn Harboun.

Les secrétaires de palais : les premiers secrétaires de palais et les rédacteurs d’épitres ou d’écrits politiques font leur apparition au Maghreb à l’époque almohade. Ils sont utilisés pour la propagande et l’information officielle. Ce sont des autochtones déjà fortement arabisés  spécialisés et répartis par secteur géographique. On peut citer Abou Ja’afr Ibn Atiyya et son frère Abou Aqil pour la région Ouest (Maroc actuel); Abou el-Fadl Ibn Mahchara, Abou al-Qasim al-Galmi et Ibn al-Achiri pour le Maghreb central (l’Algérie et les régions du sud) ; Abou al-Hassan Ibn Ayach et Abou el-Hakam Ibn al-Markhi pour l’Andalousie.  

Les réalisations architecturales

Les plus importantes constructions almohades qui ont résisté au temps sont situées à Marrakech, la capitale du sultanat, comme la Koutoubia bâtie sur les ruines d’un palais almoravide et sœur jumelle de la Giralda de Séville et de la tour Hassan de Rabat. On trouve aussi de nombreux palais et édifices religieux, comme, la célèbre mosquée de la résidence califale de la Casbah de Rabat, agrémentée d’un hôpital qui attire le médecin andalou Ibn Tufayl, la Casbah mansourienne et la superbe porte « Bab Agraw » qui existe encore. Henri Terrasse écrit : « Les monuments almohades ont un sens de la grandeur qui manquait aux œuvres de l’art musulman d’Espagne. En toutes choses ces Berbères ont vu grand (…) que leur volonté de puissance éclate dans leur art et que les monuments qu’ils ont élevés (à Dieu) expriment à la fois la beauté andalouse et la force africaine[22]

L’agriculture et ses dérivées 

Les almohades mettent en place un système d’irrigation perfectionné qui sert à alimenter les palmeraies et les grands jardins des nombreux palais. Abu Idrissi décrit une agriculture très développée en matière de techniques et en législation, où toute production est en excédent et exportée vers les pays voisins. Il dit : « Les vaisseaux d’Espagne et du littoral de la mer méridionale abordent au port de Fédala et y chargent du blé, de l’orge, des fèves et des pois, ainsi que des brebis, des chèvres et des bœufs[23] ».

L’essor du commerce caravanier assure la prospérité des villes vers les pays du Sud notamment le Soudan où des articles comme le cuivre, les tissus, les épices, l’or et les esclaves à vendre étaient en abondance. L’industrie de corail a créé une telle dynamique que des bateaux de cargaison viennent de contrées lointaines comme l’Inde. Oran, Bougie, Tunis et Mehdiya profitent de cette expansion en établissant des échanges avec Gène, Pise et Venise. Les habitants sont riches et plus habiles dans divers arts et métiers[24]». Ce qui suppose un nombre important de constructions d’hôtels et de dépôts. Un recensement effectué à l’époque d’an-Nacir fils de Yaacoub avance le nombre de 467 funduk et 1082 boutiques juste pour la ville de Fès[25] et en matière d’artisanat alors qu’on y recense 188 ateliers de poteries et 3.064 métiers à tisser.

Rationalisation de l’administration 

Elle se traduit par la création de structures d’état visant à encourager la compétence.

1) la création d’un service des postes par la mise en place de chargés de la distribution de courrier, selon une terminologie officielle, qui doivent acheminer les correspondances de manière régulière dans toutes les parties de l’empire ; moyen commode de suivre de près les événements dans les différentes provinces et de transmettre les instructions dans les délais.

2) la création d’une école des administrateurs : le souci de doter l’empire d’un personnel discipliné, compétent et efficace aboutit à la nécessité de créer une école (medersa) pour dispenser une formation idéologique, administrative et militaire. Les lauréats ont le privilège d’occuper des postes clés, visant à remplacer les notables et les ayants-droit, leur tâche étant d’encadrer idéologiquement les hommes et les femmes et  les politiser à l’instar des théologiens qui leur apprennent le Coran. Ce sont « les Walis » qui peuvent d’ailleurs être non musulmans et non arabes s’ils remplissent les conditions de compétitivité définies par l’école. 

3) le développement des services de forces navales : les Almohades disposent d’une importante force navale et d’une industrie infaillible en la matière. Ils ont des attaches dans divers ports et stimulent de nombreux chantiers navals. Salah Eddine al-Ayyoubi fait d’ailleurs appel à eux quand il livre bataille contre les croisés[26].

4 – Evaluation du règne de Yaacoub al-Mansour

Malgré quelques révoltes par-ci par-là, le règne de Yaacoub al-Mansour qui étend considérablement son territoire, est plutôt jugé relativement stable, économiquement prospère, aux réalisations scientifiques, architecturales et économiques grandioses. Il s’impose sur la scène maghrébine en alliant à lui des personnes influentes pour entourer le pouvoir même si elles ne sont pas d’origine berbère. Sur la scène andalouse, il remporte une grande victoire qui brise pour de longues années l’élan militaire non musulman de la Castille mais instaure en contre partie la paix et la prospérité économique. En plus des succès de l’homme d’Etat, Yaacoub possède des vertus pacifiques : savant en matière de tradition, de jurisprudence et de philologie, il maitrise plusieurs sciences religieuses et profanes. Autour de lui affluent des savants, des philosophes et des hommes de lettres comme Abou Zayd Abderrahmane Souhaïli, Abou  Bakr el-Hazwiri, Abou Abbas Tadili, Ibn el-Hassan el-Mourci, qui ont souvent composé des ouvrages à son intention. Il y avait parfois des femmes comme Zayneb, la sœur du calife Youcef et Oum Amr, la sœur du célèbre Ibn Zohr.  

Averroès a une histoire particulière avec le sultan Yaacoub. Passionné de médecine, le savant est plus attaché à la théorie qu’à la pratique. Le sultan[27] lui demande de présenter de façon pédagogique l’œuvre d’Aristote. En essayant de retrouver l’œuvre authentique, il utilise plusieurs traductions et applique les principes de la pensée logique dont le principe d’identité et celui de non-contradiction pour contourner l’œuvre du maître sans risque de se tromper. Il constate alors la présence d’erreurs de traduction, des lacunes et des rajouts au travail initial. Ceci le mène à faire, ce qui sera appelé plus tard, une critique interne. En fin de parcours, il écrit trois types de commentaires : les Grands, les Moyens et les Abrégés. Il apparait ainsi comme l’aristotélicien le plus fidèle parmi les commentateurs médiévaux.

Mais il arrive parfois que le temps se durcisse et que la revendication d’un islam intégral, qui a été à l’origine de la construction de cet Etat, reprenne le dessus. Ce qui pousse le sultan, devant la pression des intégristes, à commettre des actes répréhensibles en sacrifiant des savants de renom ; c’est la raison d’Etat.

en 1188, on assiste à des rébellions des gens du peuple qui dénoncent la présence de chrétiens et de juifs. Les pratiques religieuses, autres que l’Islam, sont d’ailleurs peu à peu interdites, non par répression mais par dissuasion. Devant l’influence grandissante des religieux radicaux, Yaacoub al-Mansour fait interdire la philosophie, les études et tous les livres du domaine des mœurs, il interdit aussi la vente du vin et les métiers de chanteur et de musicien. A partir de 1195, Averroès, déjà suspecté par les intégristes comme philosophe rationaliste[28], est victime d’une campagne d’opinion. En 1197, les révoltes s’intensifient. Et pour faire revenir le calme, ne pouvant plus protéger ses savants, Yaacoub exile Averroès à Lucena. Après un an et demi, il le rappelle à Marrakech où il reçoit le pardon sans jamais être rétabli dans ses fonctions.

Evaluation de la dynastie almohade entre droiture et légitimité 

Il est vrai que les Maghrébins se sont très tôt opposés au pouvoir de Bagdad, lui préférant  une évolution locale d’un Etat berbère musulman. Mais dès que cette origine est confirmée, ils se mettent à rechercher un lien originel avec le prophète pour mieux apprécier la légitimité de l’élu, diminuer les malversations et le risque d’erreur dans le choix de la personne. Nous avons vu comment le fils de Moulay Idriss, encore bébé à la mort de son père, a été protégé et a été intronisé dès l’âge de onze ans parce qu’il est le premier héritier du trône à moitié berbère. C’est aussi, en partie, la berbérité d’Ibn Toumert qui a été à l’origine de son succès. Mais dès lors que le but est atteint, on met en exergue une généalogie à l’abri des accusations :  

L’Imam al-Mehdi Ibn Toumert : c’est Mouhammed, fils d’Abdallah fils de Aguellid, fils de Yâmsal, fils de Hamza, fils de ‘Issa, fils de ‘Oubayd Allah, fils de Idris, fils d’Abdallah, fils d’al-Qasim, fils de Mouhammed, fils d’al-Hassan, fils de Fatima, fille du Prophète ; et de ‘Ali, fils d’Abou Talib, fils de Abd al-Mouttalib (oncle du Prophète).

Quant à Abdelmoumen de la tribu berbère de Koumya que l’imam appelle « l’homme du temps » (Sâhib al-Waqt), finement éduqué au ‘Ubbad de Tlemcen : c’est Abd al-Mou’min, fils de ‘Ali, fils de ‘Alwi, fils de Ya’la, fils de Hasan, fils de Ganouna, fille d’Idris, fils d’Idris, fils de Adballah, fils d’al-Qasim, fils de Mouhammed, fils d’al-Hasan, fils de Fatima, fille du Prophète ; et de Ali, fils d’Abou Talib, fils de Abd al-Mouttalib (oncle du Prophète).

Ces généalogies sont attestées par al-Baydak[29], mais rejetées par Ibn Khaldoun qui rattache Abdelmoumen à une origine purement berbère ou peut-être mêlée de sang andalou.

Un poème  de Gazi  ibn Kais, en prévision de sa naissance dit : « Il naitra parmi eux (les berbères) un homme de visage blanc, de stature virile et d’aspect affable. Sa physionomie sera pleine d’éclat et son teint sera aussi brillant que l’eau qui coule goutte à goutte ». Un autre dit : « Il sera le lieutenant du Mehdi et son sabre ; commande avec douceur et est revêtu de science »[30].

Les enseignements de l’Imam et leurs conséquences  

Nous l’avons vu, l’état almohade a été construit sur l’idée du retour à la religion intégrale. Au niveau social, il instaure la prohibition du vin et de la musique, l’interdiction du travail des femmes, l’obligation du port du voile, l’incitation des non musulmans à se convertir, l’encouragement des sciences religieuses rigoureuses au détriment des sciences non basées sur la religion ; et la philosophie est admise comme philologie. Au niveau individuel, le sultan doit se montrer modeste, ne rien décider seul sans l’avis du conseil des dix et agir conformément à l’avis du conseil des cinquante. Il ne peut transmettre le pouvoir à sa propre descendance si la décision n’émane pas des deux conseils, ne pas faire confiance aux étrangers (‘ajam), ne pas introduire des non-musulmans dans la sphère politique et considérer toutes les tribus à égale valeur. Le Mehdi a laissé ces préceptes que les candidats au pouvoir ne doivent pas ignorer s’ils ne veulent pas mettre en danger l’avenir du pays.

Or, immédiatement après la mort de l’Imam, Abdelmoumen se proclame Calife et Emir des croyants, rivalisant ainsi avec le lointain califat oriental des Abbassides et instaure la transmission du pouvoir à la descendance. Il hiérarchise les tribus en mettant en premier la tribu des Hargha (tribu de l’imam) et immédiatement après la tribu des Koumiya (la sienne) qui vont de fait bénéficier d’avantages particuliers et exercer un pouvoir sans partage. Pour diverses raisons, il fait venir des centaines de gens de sa tribu qui s’installent à Marrakech constituant une force autour du palais et profitant seuls de grands avantages du califat, notamment les postes de fonctionnaires du palais.

Dès la mort de l’Imam, un système de classe sociale est mis graduellement en place, distinguant entre les musulmans et les non musulmans jusqu’à contraindre ces derniers à porter un habit distinctif pour les inciter à la conversion comme les juifs qui marquent une phase de repli. Ibn Maïmoun (dit Maïmonide), qui finit par partir en Egypte, reconnait toutefois ceci : « on n’a jamais vu une persécution aussi douce où l’on ne vous impose que des paroles « une chahada ».

Le reste ces préceptes est ignoré dès la mort d’Abdelmoumen et la succession de son fils Youcef Abu Yaacoub.

La situation des non berbères et des non musulmans passe par un va-et-vient incessant. Au règne de Yaacoub, les non musulmans sont non seulement réintégrés mais aussi introduits dans la sphère du pouvoir, des femmes aussi sont acceptés au niveau des cercles littéraires, les vins et les instruments de musique sont en circulation, la philosophie connait un essor sans précédent, la poésie et la littérature deviennent la devise du palais pour la glorification, l’apologie et l’éloge du sultan ; et plusieurs sciences d’écriture sont créées pour la bonne marche du palais, du pouvoir politique et de la société.

Cet essor n’est pas du goût des intégristes qui vont tout faire pour ramener l’état à ses principes de départ. Par ailleurs, an-Nacir qui succède à Yaacoub n’a pas du tout une personnalité de vainqueur et de conquérant. Son pouvoir plein d’abus et de contradictions va exposer le califat au danger de la précarité et le jeter dans l’abime de l’échec.

La chute de l’Empire 

Ibn Khaldoun annonce dans son livre « L’histoire des Berbères » que, passé le terme de cent vingt ans, l’empire peut se survivre à lui-même mais que sa succession devient en fait ouverte. Jacques Berque, de son côté, affirme dans son étude « Qu’est-ce qu’une tribu? » que le rayonnement des pouvoirs maghrébins n’agit pas en profondeur. En effet, le rythme de l’expansion almohade a été foudroyant et la décadence très rapide.

Dans ce cas précis, l’une des sources de décadence et de précarité du système se situe au niveau de la cassure née de la confiscation du pouvoir par Abdelmoumen et par ses successeurs aux familles d’Ibn Toumert, des tribus de Tinmel, du Haut-Atlas et même d’ailleurs, qui ont été des membres fondateurs du pouvoir. Leur sentiment vindicatif et leur désir de reprendre leurs droits ne laissent pas de répit aux califes et les obligent à demeurer constamment sur le qui-vive. Il y a aussi les protestations des chefs locaux de tribus nomades, les voix de révoltes venues d’Andalousie, les mises en garde des pouvoirs environnants (Banou Ghaniya d’Ifriquiya -Tunisie- et les Ayyoubides d’Egypte), qui contestent les pratiques du pouvoir almohade et ne font rien pour qu’il dure plus longtemps.  

Pour parer à cette fragilisation, diverses solutions de substitutions sont adoptées comme le recrutement de mercenaires kurdes turquisés, les milices chrétiennes pour protéger le ou les palais. Ceci va conduire l’état sur la voie déjà empruntée par les dynasties précédentes et qui les a menés à leur fin, à savoir « faire confiance aux étrangers pour lutter contre la convoitise de ses compatriotes ». Alors, des voix s’élèvent, par-ci par-là, dans les rangs de la population, les soldats, les pays voisins et les hommes en tête de structures. Mais le pouvoir, qui n’écoute plus, semble en totale dislocation et les signes de la fin évidents. Ceci commence avec le règne de an-Nacir Ibn Yaacoub qui, aux dires d’al-Marrakuchi, était un bon exécutant sentimental, avec une aversion réelle pour les guerres et un rejet du pouvoir « c’était un homme, doux, grave, peu enclin à verser le sang et médiocrement porté à réaliser autre chose que ce qu’il avait bien étudié ». 

Un chroniqueur tardif rapporte en ces termes l’esprit de revanche qui animait la Castille depuis la défaite d’Alarcos : «En-Nacir quitta Séville pour rencontrer le roi chrétien Alphonse, le 22 juin 1212, à la tête de contingents qui n’étaient nullement disposés à combattre car il avait cessé de leur payer les soldes et ne leur donnait que des acomptes parcimonieux. Il avait par ailleurs mécontenté ses troupes en faisant mettre à mort le commandant d’un château-fort, sans avoir voulu entendre sa défense (…) Il avait aussi éconduit les chefs des contingents andalous du salon où il recevait ses familiers. En plus, les forces musulmanes avaient été l’objet d’une trahison des chrétiens qui tout en annonçant publiquement une suspension d’armes agirent tout autrement».

Le coup de grâce a lieu près des ruines d’un ancien château-fort omeyade, « Hisn al-Oqab » (le fort de l’Aigle ou Las Navas de Tolosa) et qui sera le début d’une longue liste d’échecs,  jusqu’à la prise de Marrakech en 1269, date qui marque la fin officielle du pouvoir. La prise de Tinmel provient en 1276 là où les mérinides massacrent les derniers almohades en retraite dans ce lieu fortement symbolique. 70 ans, après la fin du commandement de Yaacoub al-Mansour, c’est la fin d’un pouvoir qui aura duré 120 ans.

Yaacoub al-Mansour meurt en 1199. Les historiens ne polémiquent pas sur cette mort et Ibn Khaldoun ne dira rien sur le lieu d’inhumation contrairement aux autres qu’il déclare tous inhumés à Tinmel.

Ibn Khellikan, qui se détache des anciens, émet dans Wafayat al-a’yan, la possibilité d’un départ vers l’Orient. D’après lui, Yaakoub al-Mansour, à la fin de son règne, va se promener partout dans le monde. Il arrive ainsi à un endroit dans Bilad esh-Sham (situé au Liban), y travaille un temps et y meurt.» C’est un petit village appelé aujourd’hui le village du Sultan Yaacoub.

Un autre auteur dit brièvement qu’on y trouve un mausolée et une famille répondant au nom de « Abdouli » qui pourrait être originaire du Maghreb où le même nom existe à Dar el-Beida, Husaima, Tlemcen et Alger. 

Etant donné la relation ancestrale entre le Maghreb et le Sham, on peut dire sans risque d’erreur, que si le sultan Yaacoub a quitté le pouvoir ou en a été éloigné de son vivant, il ne peut se rendre qu’en Orient où la tradition d’accueil est favorable et les relations entre les deux pays très privilégiées. Mais une question reste en suspens : Pourquoi Yaacoub al-Mansour quitte le pouvoir et renonce aux choses auxquelles il croit profondément alors qu’il va de succès en succès? 

Si le voyage mystique a vraiment eu lieu, la bataille de Bayt al-Maqdis dirigée par Salah Eddine al-Ayyoubi à laquelle aurait contribué Sidi Boumédiène, le saint patron (shaykh) du soufisme maghrébin de l’époque, peut être un facteur déclenchant de cette volonté d’aller vers le spirituel.

II –  BILAD ESH-SHAM : LA DESTINATION FAVORITE DES MAGHREBINS

Le Sham est pour les habitants du Maghreb une destination mythique, si bien que pour indiquer la légendaire beauté d’un lieu et son exemplaire quiétude, on ne le compare pas au paradis mais au Sham, terre de Dieu, de paix (salam) et d’islam. C’est là que Dieu a invité Son Prophète à l’ascension (al-Mi’raj) pour lui communiquer Son secret. Pour cela, la dimension eschatologique du Sham sera toujours présente. Le prophète Mohamed a dit dans un hadith :« Que Dieu bénisse notre Sham et notre Yemen[31]

Le Sham se trouve à un emplacement géographique stratégique, c’est le juste milieu de la trajectoire des pèlerins du Maghreb en direction des lieux saints. Le Qods est aussi la première Qibla avant la Mecque et la troisième ville sacrée après la Mecque et Médine.  Enfin, en plus des aspects religieux, la région bénéficie d’une réputation scientifique qui invite tout savant à compléter son érudition par une visite plutôt longue pouvant devenir permanente.

Tout cela engendre dans l’imaginaire social un besoin d’aller vers le Sham pour améliorer et compléter son érudition, transcender ses états statiques, se purifier et réaliser un état de spiritualité qu’on ne peut atteindre ailleurs.

Ibn Battuta dit : « La ville de Damas surpasse toutes les autres en beauté et en perfection, toute description, si longue soit-elle, est toujours trop courte pour ses belles qualités.»

Depuis l’islamisation du Maghreb, Damas est devenue une halte obligatoire pour les pèlerins  qui se dirigent vers la Mecque pour accomplir leur rituel. Cette halte s’étend selon les besoins de la personne, pouvant atteindre jusqu’à deux ans de temps. En effet, les pèlerins préfèrent prendre un peu de repos dans la région et temporiser pour arriver à la Mecque quand le temps est plus clément. Les voyages se font par groupes, des gens de toutes catégories sociales, théologiens, maîtres spirituels, élèves, scientifiques et hommes du peuple, pour retrouver au Sham maîtres et confrères. Les savants maghrébins jouissent aussi d’une très bonne réputation. Sur place, ils sont sollicités pour enseigner, se font des disciples et parfois, en revenant de la Mecque, ne repartent plus, tandis que les gens de métiers trouvent facilement un emploi et préfèrent rester pour leur bien-être.  

Hors de cette multitude de gens qui transforment le hasard d’une halte en séjour permanent, certains vont volontairement dans la région pour s’installer. Le flux est plus ou moins important à travers le temps, généralement motivé par la recherche du savoir, sans exclure d’autres causes. En effet, Ibn al-Djabir dit que les étudiants maghrébins ont même une zaouia dans la mosquée oumayyade de Damas qui leur permet de se réunir, étudier et créer des cercles de discussion. Les Maghrébins visent la région car leurs savoir-faire sont reconnus, aspirant ainsi à de meilleurs salaires. Il dit encore : « Pour répondre aux besoins des Maghrébins, les gens de Damas leur fournissent des emplois comme un jardin à entretenir, un bain à faire fonctionner, un moulin à faire tourner, des enfants à garder, les emmener à l’école et les ramener à la maison[32].» Les autochtones ont parfaitement confiance en eux. Ils  maîtrisent les métiers de la mer, de la marine et de la guerre comme la construction de navires et la fabrication des armes. Cette particularité est notamment due à la position géographique de leur pays et les multiples invasions qu’ils ont subies. D’après Ibn Khaldoun, « ce genre de métiers permet d’occuper des postes importants dans les missions de l’Etat, chez les sultans maghrébins. Les almohades se sont intéressés aux organisations marines pour renforcer leur flotte grâce au commandant Ahmed as-Seqilli et le calife Abdelmoumen[33]. »

Mise à part cette migration fortuite, des dates particulières ont marqué l’histoire des mutations de fortes populations de l’Afrique du Nord vers l’Orient.

Pour rappel historique, durant la haute Antiquité bien avant la venue de l’islam, les relations entre les pharaons d’Egypte et l’Afrique du Nord étaient déjà très scellées, même si elles se soldaient parfois par des guerres d’influence ou des luttes de pouvoir. Si bien qu’en 950 A. J., un officier berbère de l’armée égyptienne appelé Sheshnaq (Sesak ou Sesaq[34]) a combattu le Pharaon et pris le pouvoir. C’est le premier prince berbère devenu Pharaon d’Egypte, suivi d’autres. Il fonde sa première dynastie, met en place un calendrier solaire dont le premier yeneyer (1er jour de l’an agraire) correspond au 12 janvier. Un des plus importants événements du règne de Sheshnaq fut de s’être battu pour reconquérir et défendre la Palestine contre le royaume d’Israël de Juda aux environs de 925 A. J[35].

Mis à part cet acte de bravoure antique, on peut citer trois périodes postislamiques, particulièrement significatives dans l’histoire des relations privilégiées entretenues entre le Sham  et le Maghreb.  

1 – La bataille de Hattin 

Le temps des croisades a été une période marquante dans le début de la migration organisée, même si quelques noms ont précédé la bataille de Hattin, comme Abu Rabi’ Saïd Ibn Ibrahim Ibn Malek de l’époque almoravide, qui a fuit son pays à la chute de cette dynastie et est devenu à Damas un important personnage pour la population et pour les gens du pouvoir[36].

Mais la relation Sham -Maghreb est sacralisée en 1187 par l’appel de Salah Eddine al-Ayyoubi dans la célèbre lettre qu’il adresse à Yaacoub al-Mansour. En prévision d’une grande bataille contre les croisés, Salah Eddine demande au sultan Yaacoub de l’aider en lui envoyant armes, vivres et hommes, afin de renforcer ses équipes dans une lutte armée contre les croisés pour sauver Jérusalem. Celui-ci n’ignorait probablement pas la force navale dont jouissait l’armée almohade. Rappelons à cet effet que, depuis Abdelmoumen, les sultans maghrébins se sont proclamés « Calife et Emir des croyants », al-Mansour était donc très vexé de voir Salah Eddine s’adresser à lui par l’expression « Oh, Sultan ».

La suite de cet appel est devenue très célèbre et a été racontée par plusieurs auteurs. An-Naciri, qui décrit la lettre dans le détail, ne dit pas si al-Mansour a répondu immédiatement à l’appel, s’y est-il rendu lui-même ou a-t-il juste envoyé des hommes ? Des références certaines cependant assurent que l’armée qui a rejoint le Sham comptait un nombre impressionnant de soldats, de gens spécialisés dans la fabrication des armes, des tenues de combat et d’embarcations marines et même des maîtres savants y ont pris part avec leurs disciples, drainant derrière eux une foule de gens du peuple, car il ne s’agissait pas d’un acte de guerre, mais d’un acte de foi qui consiste à défendre « Bayt al-Maqdis [37]».

D’autres historiens disent que Yaacoub a d’abord voulu ignorer l’appel, vue la vexation engendrée par cette façon de l’interpeler « ayouha as-sultan » mais la mobilisation massive des populations l’a poussé à réviser ses positions. Et pour marquer le coup, il envoie plusieurs milliers de soldats avec des moyens techniques et matériels honorables.

Sidi Boumédiène al-Ghout[38], le maitre fondateur du soufisme au Maghreb, était entrain d’assurer un cours de haut niveau dans une école de Bejaia (ville côtière à l’Est de l’Algérie) en présence de ses disciples et de centaines d’apprenants venus de tout le monde musulman. En entendant parler de l’appel, il arrête son enseignement et décide de faire parti des libérateurs de Bayt al-Maqdis. Il est suivi par tous ses disciples et un grands nombre de ses élèves en plus des gens du peuple. Ce geste du shaykh, transformé contre son gré en soldat d’un temps pour empêcher que règne le chaos, est un symbole qui va sacraliser cette bataille et lui donner toute sa dimension de sainteté. On dit que Sidi Boumédiène a perdu un bras dans le combat, enterré quelque part dans les terres de Qods. C’est ainsi que le destin des deux peuples sera à tout jamais scellé par le sang des martyrs.

‘Imad al-Isfahani, le secrétaire particulier de Salah Eddine, parle d’un autre maghrébin, l’Emir Abdelaziz Ibn Cheddad Ibn Tamim Ibn al-Mou’iz Ibn Badis, qui a aussi accompagné al-Ayyoubi dans son combat contre les croisés.

Une autre personnalité, plus tardive mais fort significative, a marqué la migration vers le Sham. C’est Moheïddine Abu Bakr Mohammad Ibn Alî Ibn ‘Arabî al-Hâtimî (Murcie, 1165/ Damas, 1240), appelé « le plus grand maître » (ash-Shaykh al-Akbar). Il était maître soufi[39], théologien, juriste, poète, métaphysicien et auteur de 846 ouvrages. Certains considèrent que son œuvre aurait influencé Dante. Dans l’ésotérisme islamique, on le dit “sceau de la Sainteté”. En 1179, il avait quatorze ans, il rencontre à Cordoue le philosophe Averroès, l’ami de son père lui-même soufi, ainsi que ses oncles. Ibn ‘Arabî se forme tout seul aux différentes sciences islamiques. Il acquiert une science considérable par la lecture d’œuvres de différents maîtres soufis. Après avoir fait le tour des savoirs andalous, il va parfaire son érudition à Fès, comme le veut la tradition. Il était âgé de 31 ans. C’est là qu’il dit avoir reçu les « Gemmes de la sagesse » (fuçus al-hikam) d’un trait, réveillées une nuit par le prophète Mohammed. La sagesse, d’après lui, est représentée par une pierre dont la forme représente la Tradition. Même si la pierre est la même pour tous, elle est taillée différemment selon les formes prophétiques dictées à Abraham, Jésus ou Mohamed. En 1203, durant un séjour à La Mecque, il écrit « Les Illuminations de La Mecque » (al-Futûhât al-Makkiyâ). En 1223, il décide d’aller à Damas pour s’y installer. Il meurt en 1240.

Au XIXème siècle, l’Algérie est colonisée. Les colons, intéressés par les terres fertiles, vont encourager une migration massive des gros propriétaires terriens. Les départs s’accentuent surtout après des insurrections échouées car les meneurs, leurs familles, leurs amis sont tous condamnés à mort et recherchés. A titre d’exemple, après une action de révolte échouée organisée en 1847 par le shaykh al-Mehdi, celui-ci est condamné et contraint à partir, accompagné de nombreuses familles et d’un nombre appréciable de jeunes disciples tous impliqués dans l’insurrection[40]. Plus de 2000 familles de Kabylie, la plupart domiciliées à Damas, quelques unes dirigées vers la province de ‘Ajloun en Palestine et vers Beyrouth. En 1871, l’insurrection du shaykh Ahaddad et de Mokrani en Kabylie et celle de Malek Barkani (dans la région de Cherchell) sont suivies par autant de départs de familles.

2 – Al-Amir Abdelkader al-Djazaïri 

L’épisode le plus connu et le plus discuté dans ces vagues migratoires est l’arrivée en Syrie de l’Emir Abdelkader, auteur du « Livre des stations » (kitab al-mawaqif). Prisonnier en France, l’Emir est libéré en 1852. Il se dirige vers la Turquie pour y passer trois ans avant de rejoindre Damas, son rêve étant de vivre à côté de son maître Ibn ‘Arabi. Par chance, la maison où le shaykh a vécu sept siècles plutôt était encore habitable et libre de suite.  

L’Emir Abdelkader est fort sollicité. Il commence à donner des cours dans plusieurs mosquées sur la pensée d’Ibn ‘Arabi et l’interprétation de ses livres notamment « Les Illuminations de la Mecque ».

L’Emir, parti d’une France d’exil était certes presque seul, mais E. Tauber avance le chiffre de 8500 voire 12.000 algériens qui l’ont précédé ou suivi vers le pays d’accueil. En guise de bon accueil, Mouloud Haddad constate que, contrairement aux autres émigrés kurdes ou crétois qui s’installent en périphérie, les algériens sont reçus au cœur de la vieille ville, que ce soit à Damas ou à Alep, Homs, Houran ou Tibériade  (le pays n’était pas encore divisé).

Dès son installation à Damas, l’Emir organise sa résidence en vaste bibliothèque pour les disciples et les voyageurs maghrébins qu’il reçoit généreusement. Par le biais d’émissaires et voyageurs, il fait acheter de nombreux livres et manuscrits qui concernent de près ou de loin le Shaykh al-Akbar, en provenance de tous pays. C’est ainsi qu’il rassemble les différentes parties des « Illuminations de La Mecque » qu’il publie à son compte. Il reçoit aussi des apprenants du monde entier. Ce qui lui procure une réputation sans reproche. 

En juillet 1860, des troubles confessionnels se déclenchent au Mont-Liban et s’étendent à Damas. L’Emir intervient pour arrêter le massacre et protège au péril de sa vie la communauté chrétienne menacée, grâce à son influence auprès des dignitaires de la ville. Cet événement fera de lui un personnage de référence, pour les syriens mais aussi pour les français. Ce qui lui vaut la grand-croix de la Légion d’honneur et d’autres marques de reconnaissance venant du monde entier (notamment du Pape et du Tsar de Russie) ou l’empereur de Prusse qui lui envoie une paire de pistolets en remerciement de son acte. En 1869, il participe aux festivités de l’inauguration du canal de Suez aux côtés de l’impératrice Eugénie.

A sa mort en 1883, il sera inhumé à côté de son maître Ibn Arabi.

3 – La migration de 1911 

En 1911, le gouvernement français élabore une loi qui rend le service militaire obligatoire pour tous les jeunes, y compris les algériens qui sont des sujets français. Contestant cette disposition et après quelques soulèvements de protestation, les parents algériens se préparent et s’organisent à quitter le pays avec leurs jeunes garçons. Ce qui se traduit par un autre départ massif.

La migration de 1911 est appelée la grande migration (al-hijra al-kubra) ou la migration de la foi (hijra-t-al-iman). Elle est guidée par le Sheikh Mohamed Benyelles, un maître spirituel surnommé Yelles Chaouch (1854/1927), lui-même formé à l’école d’el-‘Ubbad de la zaouia de Sidi Boumédiène et enseignant des sciences religieuses, maître soufi et fondateur de zaouiat ar-Rahma de la tariqa Chadeliya Derqawiya. C’est aussi un disciple du shaykh Mohamed el-Hebri d’Ahfir (Maroc). En quittant «la maison de la guerre » (Dar al-Harb) vers «la maison de la paix » (Dar as-Salam), il est accompagné d’une population de plus de 250 familles.

Il faut dire que la volonté du shaykh de quitter le pays est antérieure à cette date, mais il a été plusieurs fois refoulé aux frontières marocaines. Pour cela, Hadj Djelloul Chalabi, un notable de Tlemcen, respecté par les autorités françaises, prononce une fatwa pour rendre ce départ possible. Il n’est pas exclu que des négociations secrètes en parallèle constituent la vraie raison du départ. Empruntant plusieurs moyens de transport, shaykh Benyelles passe par Tanger, Marseille, Mellila et Beyrouth. Puis il rejoint Damas où il a déjà pris des contacts et est aussitôt introduit dans les cercles de savoir. Il commence à donner des cours sur « Le livre des stations » de son maître l’Emir Abdelkader, tout comme celui-ci a enseigné la pensée de son maître Muhyeddine Ibn Arabi.

Du point de vue politique, la migration de 1911 a un poids de révolte et de contestation qui prend le sens d’une résistance passive contre l’occupant :

–          fuir la répression coloniale : en effet, la vie devient de plus en plus dure en Algérie et il est interdit aux algériens de se regrouper même pour des raisons religieuses ;

–          fuir la loi du service militaire obligatoire qui contraint désormais tous les sujets français (dont les algériens) à être enrôlés dans l’armé française. Ce que Shaykh Benyelles n’a jamais admis  pour ses fils et pour les tous les garçons algériens.

Pour cela, la horde des migrants qui l’accompagne compte des familles d’Oran, Mostaganem, Sidi-Belabès, Mascara (de tout l’Ouest du pays)… D’illustres personnages sont du voyage notamment des savants de la foi comme shaykh Bouzidi fondateur d’un ordre religieux à Mostaganem. Parmi eux, certains ont préféré s’installer à Beyrouth comme le Hadj Boumédiène Bendi Mourad appelé « ad-Dahawi » et toute la famille Abadji. Il y a enfin ceux qui, comme Mohamed al-Hachemi, ont continué le voyage vers la Turquie.

Shaykh Benyelles s’installe à Djamaa Azzedine à Bab Sridja. Il prend rapidement contact avec le shaykh Badreddine, une personnalité damascène originaire de Mila (l’Est d’Algérie), parti depuis longtemps, qui l’intègre dans les cercles des enseignants. Il se lie d’amitié avec un grand nombre de savants de la région comme le shaykh Mohamed Shimat, de la zaouia Baktichiya à Damas et l’écrivain Youcef Nabhani de Beyrouth.

Il gagne rapidement une réputation irréprochable. En 1925, une grande manifestation a lieu à Damas. Le Shaykh et son fils sont accusés d’en être les instigateurs, ils sont arrêtés et traduits devant les tribunaux. Devant cet abus d’autorité, les notables syriens se soulèvent et menacent d’ameuter toute la population si les deux hommes ne sont pas relaxés. Ils sont effectivement libérés de suite. Ceci montre le respect qu’a gagné le shaykh devant ses hôtes au bout de quelques années de cohabitation.

A sa mort, tout comme l’Emir Abdelkader, shaykh Benyelles demande d’être enterré aux côtés de Sidi Bilal al-Habachi le mouadhen du Prophète. Et depuis, tous ses enfants et petits enfants, à la dernière heure de chacun, demandent à être enterrés sur les lieux. Même son petit fils Abderrahmane qui est retourné en Algérie, a intégré la zaouia mère « ar-Rahma » et a occupé des postes de haut rang (député, professeur d’université…), a demandé avant de mourir à être rapatrié en Syrie pour être enterré avec sa famille.  

Mohamed Benyelles est l’auteur de plusieurs ouvrages soufis et beaucoup d’autres sont écrits à son honneur. Il est le maître spirituel d’un grand nombre de soufis fort importants comme Ahmad al-Alaoui (m. 1934), fondateur de la zaouia alawiyya de Mostaganem. Celui-ci a d’ailleurs voulu faire partie de la migration de 1911, mais il a été empêché tant par ses disciples que par ses pairs. Dans sa biographie, il raconte comment les fouqara se sont réuni en congrès, dans la zaouia du shaykh Bouzidi et ont décidé à l’unanimité de l’empêcher de rejoindre les migrants du Sham. Cette réunion était d’ailleurs présidée par le Shaykh Mohamed Benyelles al-Tilimsani. Ce qui signifie que son désir de partir était antérieur à 1911.

4 – Les traces contemporaines 

Ces vagues d’émigration ont marqué des lieux historiques : ils ont habité Noula, dans la plaine d’al-Ghouta à proximité de Merdj es-Soltan dans la banlieue de Damas, Bab Souiqa, El-Haywatia, Bab Es-Seridja, Souq Saroudja et Ech-Chaghour. On trouve Hay al-maghariba à Safad et à Haifa, en plus de plusieurs rues ou villages qui portent des noms spécifiques.

Les descendants de l’Emir possèdent plusieurs terres dans la zone Est du Golan à Shardjara, Abidine et Beit Arrech. Khan al-Amir, un caravansérail qui a accueilli des étudiants, des visiteurs et des migrants, existe encore. Plusieurs villages en Palestine comme Maadher, Dichoum, ‘Oulem, Kefr Sebt, Chaara, Chafa Amr près de Akka[41]… ont abrité des Nord-Africains d’abord, des Maghrébins ensuite et des Algériens enfin. Ils sont aujourd’hui fondus dans la population mais n’ignorent pas leurs origines. Ils ont emporté avec eux une partie de leur pays : une façon de vivre, un art culinaire, des traditions sociales… Ils vivent en groupement homogène, marquent des  lieux et animent des quartiers entiers.

Conclusion 

En guise de conclusion, je voudrais revenir sur la notion de l’universalité des saints se traduisant souvent par les « saints aux deux tombes » (Bou-qabrine), voire plusieurs tombes. De façon explicite, des personnes enterrées à un endroit sont déplacées vers un autre endroit pour des raisons diverses. Les cas sont fort nombreux, nous pouvons citer, à titre d’exemple,  Eva de Vitray Meyerovitch, qui est décédée et enterrée en France en 1999, puis elle a été exhumée en 2009 et inhumée à Konia aux côtés de son maître Jalal Eddine Rûmi. Il y a aussi le cas de l’Emir Abdelkader enterré à Damas et déplacé pour des raisons politiques de son pays d’origine… Le temps aidant, ces personnes peuvent se retrouver en légitimité de posséder deux tombes quand leur histoire sera marquée de zones d’ombre.

Une histoire étrange qu’est celle d’Abou Yazid al-Bastami (Iranien) dit Bayazid[42], dont on retrouve la tombe à Taghit (sud de l’Algérie) alors que ses concitoyens soutiennent qu’il n’a jamais quitté Bastam. Il y a aussi Sidi M’hamed Bou-qabrine, un enfant de Kabylie qui a émigré vers Alger, la capitale, pour parfaire son savoir et son érudition. Des décennies après sa mort, sa descendance soutient qu’il est retourné en Kabylie où il enterré et ses disciples assurent que sa dépouille se trouve dans la tombe d’Alger.

Certes, la vie de pèlerin que vivent les soufis et l’attachement que leurs disciples leur témoignent expliquent en partie ce désir de pouvoir visualiser la dernière demeure du maître à proximité d’eux. Mais cette incertitude et ces zones d’ombre, loin d’être du ressors de simples légendes, font partie du mystère et de la sacralité qui enveloppe les soufis. Dépassant le concept d’appartenance à un Etat ou à une nation, ils sont prêts à mourir pour la justice, pour la défense des pauvres et les droits des démunis dans n’importe quel pays, ce qui fait d’eux « des êtres universels ». Cette universalité peut s’étendre à l’Emir Abdelkader qui reste profondément encré dans l’esprit des gens de Damas ou à Sidi Boumédiène dont le bras est réellement enterré à Qods alors que son corps se trouve au ‘Ubbad de Tlemcen.

De la même façon, on s’interroge : est-ce que Yaacoub al-Mansour repose à Tinmel ou au Liban ? A t-il quitté sa vie de Sultan pour se consacrer à une vie d’ascète comme, dans une situation différente, Farid Eddine Attar a échangé sa vie de commerçant bourgeois contre un habit de laine rapiécé ? Peu importe, bénéficier de deux lieux pour le grand repos et laisser planer le doute sur sa vérité le place d’emblée dans la lignée des grands maîtres.    

  

 

Chronologies des sultans almohades 1145–1269

 

  • 1145–1163 : Abdelmoumen (premier calife de la dynastie)
  • 1163–1184 : Abou Yaacoub Youcef
  • 1184–1199 : Yaacoub al-Mansour
  • 1199–1213 : Muhammad an-Nâsir
  • 1213–1223 : Yûsuf al-Mustansir
  • 1223-1223 : `Abd al-Wâhid al-Makhlû’
  • 1223–1227 : Abû Muhammad al-`Âdil
  • 1227–1229 : Yahyâ al-Mu`tasim (premier prétendant à la succession, fils de Muhammad an-Nâsir et soutenu par les cheikhs de Marrakech)
  • 1227–1233 : Abû al-`Alâ’ Idrîs al-Ma’mûn (second prétendant à la succession, soutenu par le souverain chrétien Ferdinand III de Castille).
  • 1233–1242 : Abu Muhammad `Abd al-Wâhid ar-Rachîd
  • 1242–1248 : Abû al-Hasan as-Sa`îd al-Mu’tadid
  • 1248–1266 : Abû Hafs `Umar al-Murtadâ
  • 1266–1269 : Abû al-`Ula al-Wâthiq Idrîs

 

                                                      Bibliographie

Bouchama  Kamel: les algériens de Bilad esh-sham, édition Juba, Alger, 2010.

Ibn Khaldoun Abderrahmane : histoire des berbères, T. 1. In : kitab al-‘ibar, Dar al-kitab al-Lubnani.

Lebon Gustave: la civilisation des arabes, édition la Fontaine au Roy, 1990.

Ibn Idhari al-Marrakouchi : kitab al-bayan al-maghribi, traduction E. Levi-Provençal, Alger, 1954.

Julien Charles-André : Histoire de l’Afrique du Nord, Des origines à 1830, éd. Payot, Paris, 1966.

Geoffroy Marc : Ibn Tûmart et l’idéologie almohade, dans « AverroèsDiscours décisif », GF-Flammarion, 1996.

Attali Jacques : La Confrérie des Eveillés, Fayard, Paris, 2004. (Roman historique se déroulant dans le Maroc et l’Andalus almohades, au milieu du XIIè siècle.)

Kaplan Michel & Boucheron Patrick : Le Moyen Âge, XIe– XVe siècle, par. p.213, Ed. Breal 1994.

Henri Terrasse : Histoire du Maroc, des origines à l’établissement du protectorat français, Broché, 1949.

Provençal E. Levi: Ibn Toumert et Abdelmoumen : le faqih du Souss et les flambeaux des almohades ; in memorial Henri Basset, Paris, 1928.

Documents inédits d’histoire almohade, fragments manuscrits de Legajo, 1919, du fonds arabe de l’Escurial, Librairie orientaliste P. Guethner, E. Levi Provençal, Paris 1928, sur la base de « Chronique d’Al-Baydak », retrouvé par l’auteur en 1927.

Ibn Djabir : al-Rihla, Dar al-Ma’arif, le Caire.

An-Naciri : Kitab al-Iqtisa’ li-akhbar doual al-Maghreb al-Aqsa, Dar al-Kitab, Casablanca, 1995.

TINMEL : l’épopée almohade, Fondation ONA.

Arts et traditions : volume 1, chapitre B 13 : la littérature sous les almohades.

La grande encyclopédie du Maroc : Volume Histoire, sous la direction de Mohamed Kenbib, 1987.

L’encyclopédie universelle : volume I, chapitre les almohades.

Ibn Khellikan (Ahmad ibn Mohammad ibn Ibrahim ibn Abou Bakr Ibn Khallikan) : wafayat al-a’yan (vies des hommes illustres de l’Islam), Lyon, 1838.

 Références internet 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Almohades

http://fr.wikipedia.org/wiki/Abu_Yusuf_Yaqub_al-Mansur

http://fr.wikipedia.org/wiki/Algérie

http://fr.wikipedia.org/wiki/Maghreb

http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_du_Nord

http://fr.wikipedia.org/wiki/Emir_Abdelkader

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Arabi

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sidi_El_Hadj_Mohammed_Ben_Yelles

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sidi_Boumediene

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Marrakech&oldid=73914026

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Rochd

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Tufayl

  

 

TABLE DES MATIERES

 

I –

 UN SULTAN EN QUETE DE SPIRITUALITE ?

2

1 –

L’histoire du Maghreb avant la dynastie almohade

2

 

L’Afrique du Nord dans l’histoire et la construction du pouvoir 

2

 

Les Empires musulmans        

3

2

La dynastie des almohades 

5

 

Le pouvoir almohade et le principe du tawhid 

5

 

L’histoire mythique du pouvoir almohade et la venue du Mehdi

6

 

Le règne des Almohades : de Abdelmoumen à Yaacoub al-Mansour

10

3

Les réalisations de l’Etat almohade à l’époque de Yaacoub al-Mansour  

11

 

 

Encouragement des sciences et du savoir 

11

 

Les réalisations architecturales

12

 

L’agriculture et ses dérivées 

12

 

Rationalisation de l’administration 

13

4 –

Evaluation du règne de Yaacoub al-Mansour

13

 

Evaluation de la dynastie almohade entre droiture et légitimité 

14

 

Les enseignements de l’Imam et leurs conséquences 

15

 

La chute de l’Empire 

16

II-

 BILAD ESH-SHAM : LA DESTINATION FAVORITE DES MAGHREBINS

18

 

1 –

La bataille de Hattin 

19

2 –

Al-Amir Abdelkader al-Djazaïri 

21

3 –

La migration de 1911 

22

4 –

Les traces contemporaines 

23

 

Conclusion

24

 

Annexes 

25

 

Bibliographie

28

 

Références internet 

29

 


[1] – Les premiers arabes arrivés en Afrique du Nord ont appelé la région Djazirat al-Maghrib, (Île du couchant), un territoire isolé du reste du monde situé entre le Sahara et la Méditerranée et l’océan.  

[2] -J’utiliserai ce terme de « Berbères » tout au long de ce travail pour nommer les habitants de la région, d’autant que le terme est employé par les anciens comme Ibn Khaldoun. Mais le mot approprié est Imazighen (pluriel de Amazigh) qui signifie « homme libre ». Tamazight (au féminin) ne représentant plus à elle seule l’identité nationale, ils sont désignés de nos jours par des appellations relatives aux régions qu’ils occupent : les Kabyles de Kabylie, les Rifains du Rif Marocain… Leur écriture est le tifinagh.

[3] – Tiaret actuel, au sud de la région oranaise, à ouest de l’Algérie.

[4] – c’est le détroit de Gibraltar « Jabal Tariq », issu de son nom.

[5] – Par le passé, tout le Maroc était connu en Orient sous le nom de Marrakech (appellation toujours d’actualité en Iran) ; le nom « Maroc » provient lui-même de la déformation de la prononciation espagnole de Marrakech : Marruecos. « Marrakech » vient du berbère « mour » qui signifie « pays » et « akouch » qui veut dire « Dieu », soit « la terre de Dieu ». Une autre étymologie donne l’interprétation de « terre de parcours ».

[6] – Certaines références attribuent ce surnom à Abdelmoumen, le premier sultan almohade.

[7] – La véritable originalité d’Ibn Toumert est plus dans la méthode de diffusion de sa doctrine que dans son contenu lui-même. Il écrit en berbère un livre “Aazou ma youtlab“, produit des opuscules pour expliquer sa doctrine à ses disciples et traduit le Coran pour en faciliter la compréhension aux auditeurs.

[8] – certains écrits avancent la date de 1097, mais je penche plus pour la première date.

[9]La hijra est un mot attribué à la migration pour la foi.

[10] – l’emplacement exact n’est pas défini à nos jours.

[11] – Henri Terrasse : Histoire du Maroc, p. 138.

[12] – La rencontre avec les shiites et la théorie de Ja’far as-Sadiq est donc maintenue.

[13] – Henri Terrasse : Histoire du Maroc, p. 139.

[14] – Un lieu  sur les hauteurs de Tlemcen consacré aux études, à la prière et l’adoration de Dieu en toute quiétude. 

[15]Henri Terrasse : Histoire du Maroc, p. 140.

[16] – E. Levi Provençal : Ibn Toumert et Abdelmoumen : le faqih du Souss et les flambeaux des Almohades ; in Mémorial, Henri Basset, Paris, 1928, p. 36.

[17] – Certains historiens écrivent « TINMELLAL ».

[18] – Ibn Khaldoun situe la mort d’Ibn Toumert en 1128.

[19] – E. Levi Provençal : Ibid, p. 137.

[20] –  Arts et traditions : histoire littéraire des almohades, ibid.

[21]Arts et traditions : histoire littéraire des almohades, B 323, p. 64 et suites.  

[22]Henri Terrasse : Histoire du Maroc, p. 145.

[23]Idrissi : Description de l’Afrique, trad. Dozy et de Groeje, Leyde, 1866, p.86.

[24]Arts et traditions : histoire littéraire des almohades, Ibid.

[25] – Ibid.

[26] – On y reviendra dans la deuxième partie de notre exposé.

[27] – C’était en 1166, sous le règne de Youcef, le père de Yaacoub.

[28] – Entendu laïc voire hérétique, contre la charia. 

[29]Documents inédits d’histoire almohade, fragments manuscrits de Legajo, 1919, du fonds arabe de l’Escurial, Paris, Librairie orientaliste P. Guethner, E. Levi Provençal, Paris 1928, sur la base de « Chroniques d’Al-Baydak », retrouvé par l’auteur en 1927.

[30]Arts et traditions : volume 1, chapitre B 13 : la littérature sous les almohades.

[31]بارك الله في شامنا ويمننا وحفظ لهم الفتوى وأعلنها

[32]Ibn Djabir, Al-Rihla, Dar al-Ma’arif, le Caire,  p. 222.

[33]Ibn Khaldoun :  Mouqaddima, Beyrut, Dar Ihya’ Atturath al-Arabi, p. 252-253.

[34] – Sesaq  ou Sheshonq Ier est un prince libyen de la tribu de Mâchaouach, fondateur de la XXIIe dynastie égyptienne. Il est appelé Sesonchôsis par Manéthon qui lui compte vingt et un ans de règne. Il serait le Sesaq ou Shishak cité dans la Bible.

[35] – Kamel Bouchama dit : « cette histoire est gravée sur les murs du temple d’Amon à Thèbes et est clairement racontée dans la bible qui désigne pour la première fois un roi d’Egypte d’origine berbère par son nom » ; in « Les Algériens de Bilad esh-sham », édition Juba, Alger, 2010, p. 15.

[36]Ibn Djabir, Al-Rihla, Dar al-Ma’arif, le Caire,  p. 222.

[37]An-Naciri : Kitab al-Iqtisa’ li-akhbar doual al-Maghreb al-Aqsa, Dar al-Kitab, Casablanca, 1995, p. 182.

[38]Sidi Boumédiène est notamment connu pour avoir rencontré, lors d’un pèlerinage à la Mecque, le maitre Abdelkader al-Jilani.

[39] – Ibn Arabi est le premier philosophe musulman à formaliser la tradition soufie et le plus grand penseur de la doctrine ésotérique de “wahdat al wujud“.

[40] – Kamel Bouchama : Les Algériens de Bilad esh-Sham, p. 152.

[41] – Kamel Bouchama : Les Algériens de Bilad Esh-Sham, p. 14.

[42]– La particule « Ba » qui signifie Saint, Monsieur ou Sidi, n’est utilisée que dans le sud-ouest du sud algérien.  

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