Programme et résumés des conférences de l’année universitaire 2010-2011

Programme:

1- Mercredi 19 janvier 2011 à 19h

« S’habiller aux couleurs des saints : démarches votives et culte des saints au Liban », donnée par Nour FARRA-HADDAD

2- Mercredi 23 février 2011 à 19h

« The sacred transfiguration of the civic society through the symbols of festive liturgy », donnée par le P. Robert BENEDICTY s.j.

3- Mercredi 16 mars 2011 à 19h

« Pratiques religieuses identitaires et Indifférence religieuse », donnée par Sr Grazia MAGGESE et Mlle Roula TALHOUK

4- Mercredi 13 avril 2011 à 19h

« Les vêtements religieux des Unitariens (Mouahiddin) Druzes: Conformisme à ce qui est en vigueur jusqu’à un passé récent. Vers un engagement actuel radical de ce qui est transmis par héritage », donnée par Diana MALAEB NASSAR.

5- Mercredi 18 mai 2011 à 19h

« Orthodoxie médicales et médecines parallèles au Liban : ratio et fides ? », donnée par Roula KHOURY ABI HABIB.

6- Mercredi 15 juin 2011 à 19h

« Le religieux saisi par le politique : la gestion coloniale du pèlerinage à La Mecque »,  donnée par Sylvia CHIFFOLEAU, CNRS/Ifpo


 Résumés:

1-      Mercredi 19 janvier 2011 à 19h

« S’habiller aux couleurs des saints : démarches votives et culte des saints au Liban », donnée par Nour FARRA-HADDAD

Au Liban, de nos jours, le culte des saints draine toujours, l’essentiel des dévotions chrétiennes et musulmanes. La renommée des lieux de pèlerinages, très nombreux, se fonde le plus souvent sur leurs vertus thérapeutiques attirant des fidèles pour guérir leur âme et leur corps. Chaque sanctuaire propose aux fidèles une série de rites. Plusieurs démarches peuvent s’enchaîner et s’agencer pour former une seule démarche votive (allumer un cierge, brûler de l’encens, embrasser la statue du saint, se masser avec une pierre sacrée, boire de l’eau du lieu de culte etc.).

Ce propos s’intéressera au rituel du port de l’habit d’un saint et de ses couleurs pour un mois, plusieurs mois et voire toute une vie et de tous les choix qu’il implique (le saint concerné et ses habits, la durée du port, l’origine des vêtements, la démarche rituelle). Les couleurs des habits de saints seront évoquées en insistant sur ce qu’elles représentent auprès des « vouants ».

Summary

In Lebanon, nowadays, the cult of saints still drains a lot of Christians and Muslims devotions. Most of the time, the success of some pilgrimages comes from the therapeutic virtues of the saints. Every sanctuary offers to the visitors different rituals that can be followed separately or that can be integrated to compose one and unique votive procedure (light a candle, burn incent, kiss a statue, process around a tomb, drink holy water…).

The article will look over the ritual of dressing up with the clothes and colors of a saint, for duration of one month, many months and even for lifetime, with details concerning all the believers’ choices (the saint and his clothes, the duration of this ritual, the origin of the dress, the procedure for this ritual).  The colors of the saints’ clothes will be mentioned mainly according to what they represent to the pilgrims.   

 

2-      Mercredi 23 février 2011 à 19h

« The sacred transfiguration of the civic society through the symbols of festive liturgy”, donnée par le P.Robert BENEDICTY s.j.

This is an ethnographic study based on intensive field surveying and aims at shedding light upon the Lebanese phenomenon of community life as a form of society as well as a mental process.

Shedding light upon the phenomenon of community life occurs through the ethnographic study of the liturgy of Good Friday in a Melkite-Greek Catholic community. This celebration has great importance for the local society since it represents the commemoration of the founding event of Christendom; thus they are for those who commemorate them a time to live significant spiritual experiences, In-depth examination of significations as they are lived by the people is at the heart of Max Weber’s sociology; it has been creatively reconsidered by Alfred Schütz within phenomenological sociology.

The field survey is about a village which suffered from civil war as its houses, church, and cemetery were razed, its crops and workshops destroyed, and many of its inhabitants were killed. Only a quarter of the refugees have actually returned to their native village from which agriculture has almost vanished. Since 1998, Christ burial is commemorated in the house of one of the town notables without a priest. ‘The observer, himself the priest of a neighboring Maronite parish describes – as an ethnographer who takes part in this celebration – the assembly’s spatial organization, and the liturgical activities of the participants. Semiotic analysis of liturgical symbolism allows observers to fathom implicit sociopolitical contents expressed by the celebrations’ explicit symbolic language. In addition, looking at the way participants behave provides observers with indications as the cathartic experience they are undergoing.

This first analysis is broadened and studied in-depth through thematic analysis of the actors’ discursive commentaries and of the ‘sermon’ given by one of them during the celebration. The two analyses, respectively semiotic and theme-based make it possible to deduce the aims of the organizers of the commemoration and to understand the guidelines of their mental world. The village community is to be asserted against church authorities, against lords and against Druze neighbors. Analyzing the Christian discourse has allowed us to highlight the ambivalence of the themes used by the peoples we spoke with to express their thoughts about their integrated civic and sectarian identity. Thus, the religious ritual serves as frame for socio-political assertion of the small ‘integrated sacred-profane community’; canticles help with emotional integration socialization. Easter celebration is an embodiment of civic identity through the sense of sectarian spirit. This is how Easter liturgy is an explicit religious discourse that conveys implicit socio-political meanings.

The sectarian discourse that expresses this message conveys the complex conception of the local society and may be considered as explicitly religious and implicitly political. The preachers use the formally religious discourse with its theological words, categories and themes to express social and political ideas and conceptions. The explicitly religious and implicitly political discourse expresses our local society‘s ordinary and daily experience. In this conception, civil society and religious community are the two coextensive dimensions of this reference group: they interpenetrate in the members’ mental experience in order to generate, as a result, a correlative socio-cultural practice. This mental experience and the corresponding socio-cultural practice are expressed through the interpenetration of civil loyalty signs and religious allegiance symbols in one semantic space: the religious festivities’ liturgical symbolism. Indeed, the integration of the two semiotic spaces into one complex semiotic space highlights the integration of both the civil and religious dimensions in the forming of the integrated socio-religious reference group. Thus, allegiance to this reference group has a meaning, which is civil and religious, profane and sacred. In this sense, the religious celebrations have the latent function of being civil society’s sacred transfiguration.

 

3-      Mercredi 16 mars 2011 à 19h

« Pratiques religieuses identitaires et Indifférence religieuse », donnée par Sr Grazia Maggese et Mlle Roula Talhouk

La conférence a été donnée en deux temps, c’est une synthèse de deux recherches, la première est une thèse de doctorat en anthropologie religieuse menée dans un milieu urbain : Haret Hreik et Chyyah, milieu mixte shi‘ite/maronite. Elle montre d’une manière brève quelques pratiques religieuses identitaires ; la deuxième est un mémoire de master de recherche en théologie pratique mené dans deux villages maronites du Keserwan : Ghiné et Zaïtré. Et elle met en valeur l’indifférence religieuse dans la vie et dans la pratique des fidèles des deux paroisses.

Toutes les deux recherches se basent sur la méthode qualitative et sur l’observation participante des milieux d’étude. Elles donnent des points de vue assez critiques du vécu et de l’expérience cognitive des individus membres des communautés socio-confessionnelles explorées.

 

4-      Mercredi 13 avril 2011 à 19h

« Les vêtements religieux des Unitariens (Mouahiddin) Druzes: Conformisme à ce qui est en vigueur jusqu’à un passé récent. Vers un engagement actuel radical de ce qui est transmis par héritage », donnée par Diana Malaeb Nassar.

La tenue vestimentaire chez les Unitariens (Mouahiddun) Druzes a de tout temps été un uniforme religieux ayant de multiples significations et connotations qui les distingue, d’abord comme communauté musulmane, des autres communautés confessionnelles du Liban, patrie du pluralisme religieux oriental…

Les vêtements religieux druzes indiquent aussi, dans la multiplicité des formes associées à la hiérarchie des rangs de leurs vieux sages religieux (Sheikhs), aux significations religieuses qui ont acquis un cachet symbolique et sacré au fil du temps…

La question qui se posait : “Quelle est l’origine de ces vêtements et a-t-elle porté historiquement la même connotation que celle qui existe aujourd’hui?”

Selon une tradition orale non écrite et des concepts transmis par héritage entre la communauté, en l’absence de sources écrites abordant le sujet, il s’est avéré que les Unitariens Druzes, hommes et femmes, se sont habitués, tout au long de leur histoire et pendant près de mille ans, à porter une tenue vestimentaire les distinguant comme étant une communauté religieuse engagée, se conformant à la coutume des personnes portant cette tenue tant que celle-ci est décente. Ils étaient plutôt les premiers, jusqu’au XIXe siècle, à suivre la mode et les nouveautés (le pantalon villageois (cheroual : pantalon traditionnel druze, au fond rabaissé et le turban, une sorte de couvre-chef enroulé autour du chapeau balkanais (tarbouche). C’est alors que les vêtements traditionnels les plus anciens (un manteau rayé/ un turban s’enroulant autour de la tête et un pantalon au fond rabaissé) ont pris une connotation religieuse nouvelle, plus sacrée et symbolique de la piété consacrée à une élite pieuse de vieux sages religieux et ce, pour que le costume traditionnel actuel demeure un aspect de l’adhésion des personnes religieuses à la vie privée et à la tradition unitariennes, à l’époque de l’intégrisme qui se répand de plus en plus ainsi que de la domination de la mondialisation.

 

5-      Mercredi 18 mai 2011 à 19h

« Orthodoxie médicales et médecines parallèles au Liban : ratio et fides ? », donnée par Roula Khoury Abi Habib.

En se référant à Max Weber et à Pierre Bourdieu, cette présentation décrit la médecine comme un champ détenant le monopole de dispenser des biens de santé. Elle explore la possibilité, pour cette médecine « orthodoxe », de se prévaloir de la rationalité et de se distinguer de pratiques « hérétiques » très spécifiques au contexte libanais.

L’exposé donne inévitablement à cette médecine « officielle » une position de surplomb, une qualité de référent, par une sorte de spontanéité sociologique orientée vers les ensembles organisés. Il pose néanmoins que les offres thérapeutiques concurrentes, tout aussi allopathiques, ne font que puiser dans la pharmacopée reconnue, légitime.  En jouant habilement, et peut-être à leur insu, sur des dichotomies signifiantes (Esotérisme/dévoilement, Patient générique / Patient individualisé…), ces médecines « parallèles » vulgarisent, simplifient et désacralisent le savoir médical. Elles ne proposent pas, sur le plan pratique, une contre-légitimité.

La lutte, au Liban, entre l’orthodoxie médicale et les médecines parallèles que ce soit sur la scène médiatique ou dans la sphère juridique ne semble donc pas opposer deux ordres distincts, la ratio et la fides. Elle en mobilise les champs sémantiques mais demeure largement une lutte de type politique.

 

6-      Mercredi 15 juin 2011 à 19h

« Le religieux saisi par le politique : la gestion coloniale du pèlerinage à La Mecque »,  donnée par Sylvia Chiffoleau, CNRS/Ifpo

Longtemps demeuré une affaire exclusivement musulmane, le pèlerinage à La Mecque devient perméable, au cours du XIXe siècle, à l’influence grandissante des puissances coloniales. La conquête de territoires peuplés de musulmans (l’Inde pour la Grande-Bretagne, l’Indonésie pour la Hollande, l’Afrique du Nord puis la Syrie pour la France) place le Hedjaz, demeuré sous domination ottomane, à l’étranger ; désormais, il faut en principe un passeport pour s’y rendre. Par ailleurs, l’apparition de la navigation à vapeur, effectuée en majorité par des compagnies européennes, transforme en profondeur les conditions de réalisation du voyage, entraînant la quasi-disparition des caravanes terrestres, et augmente sensiblement le nombre des candidats au voyage sacré. Dès lors, les puissances coloniales interviennent directement dans l’organisation du pèlerinage. En dépit de la rhétorique coloniale qui postule la liberté religieuse, les politiques suivies par les trois principales puissances coloniales révèlent de fortes divergences, mais également une certaine évolution au cours du siècle colonial. Les Hollandais sont les premiers à encadrer le pèlerinage, obligeant les pèlerins indonésiens à acquérir un passeport fortement taxé pour se rendre à La Mecque, instituant de facto une sélection par l’argent. Les Britanniques affichent quant à eux un libéralisme qui concerne tout autant le religieux que les principes économiques. De façon à ne pas heurter la susceptibilité de leurs sujets musulmans d’Inde, dont ils cherchent à s’attacher la coopération, ils n’imposent aucune restriction aux départs, se contentant de renforcer la législation sur le transport afin d’en améliorer les conditions, souvent déplorables. Cette politique de laissez-faire entraîne la présence, parfois massive, d’indigents indiens bloqués au Hedjaz, dans l’impossibilité de rentrer chez eux faute de moyens. La France enfin se montre très méfiante à l’égard du pèlerinage, qu’elle considère comme une rencontre propice à  la fabrication de discours politiques tendant à remettre en cause le pouvoir colonial. Aussi pratique-t-elle, de façon presque systématique, une politique d’interdiction pour les musulmans d’Algérie puis de Tunisie et du Maroc, le plus souvent sous un prétexte sanitaire. Après la Première Guerre mondiale, la France ne peut cependant imposer une telle politique d’interdiction aux musulmans syriens, prompts à la révolte. Dans un contexte qui laisse de plus en plus place aux discours nationalistes, la politique française évolue dans un sens plus libéral. Désormais autorisé, le pèlerinage des musulmans sous tutelle française est étroitement organisé et encadré, servant désormais la propagande de la puissance coloniale par laquelle celle-ci cherche à prouver son ouverture et sa tolérance à l’égard de la religion de ses sujets.

 

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